La prison de Bhannès : une passoire

Il a fallu deux nouvelles évasions (après celle de Hussein Tleiss en février dernier) pour que les autorités concernées déclarent la prison de Bhannès peu sûre et non conforme aux critères exigés. Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, M. Nasri Lahoud, a donné, vendredi, l’ordre d’évacuer les 5 prisonniers encore à Bhannès et il a maintenu les 8 gardiens de la prison en garde à vue sur place, pour les besoins de l’enquête. Dans la nuit de jeudi à vendredi, vers 3 heures du matin, et profitant de la bourrasque, Noureddine Yehya Daoud (égyptien, condamné à 4 ans de travaux forcés pour vol) et Ayad Bakestan (kurde, arrêté pour vol et menaces), tous deux atteints de maladies pulmonaires, se sont évadés de leur prison, sans que nul n’y prenne garde. Aussitôt informé de l’affaire, M. Lahoud s’est rendu sur place pour mener une enquête. Il a ainsi constaté que l’aile réservée aux prisonniers malades, au centre hospitalier de Bhannès, consiste en quatre cellules: trois sont occupées par les 7 détenus et la quatrième, réservée aux morts, reste vide. Dans la nuit de vendredi à samedi, les deux fuyards ont attendu que leurs compagnons s’endorment et, profitant de la bourrasque qui étouffe les petits bruits, ils se sont faufilés dans la chambre «froide», jouxtant leur cellule. A l’aide d’une lime à ongles, ils ont fait un trou dans le toit de chaume qui recouvre la pièce. Ils ont ensuite brisé une partie des tuiles du toit et se sont enfuis, vers 3 heures du matin. Daoud avait été transporté à Bhannès le 24/2/98 et Bakestan le 26/1/98. En inspectant les lieux, dans la journée de vendredi, M. Lahoud a constaté que le bâtiment réservé à la prison, datant de 1914, est tout à fait inadéquat et peu sûr. Il a décidé de convoquer les responsables de l’entretien de cette prison afin de leur demander pourquoi ils n’ont pas alerté les autorités sur les mauvaises conditions de sécurité qui font de la prison une véritable passoire. Il aussi déféré les 8 gardiens en poste dans la nuit du 16 au 17 avril devant le juge, sur base de l’article 426, alinéa 2 du code pénal. Enfin, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire a donné l’ordre de vider la prison, pour une période d’un an, nécessaire à sa réhabilitation. Quatre prisonniers ont été transportés à la prison de l’hôpital de Dahr el-Bachek et le cinquième, dont l’état a été jugé satisfaisant, a été emmené dans une prison dans la Békaa.