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Actualités - REPORTAGE

A Naqoura , face aux soldats engagés dans une mission qui s'enlise Kofi Annan rappelle l'immense travail des forces de paix (photos)

L’aube se lève à peine sur le Sud, baignant la paysage d’une lumière grisâtre. Sur la longue route rectiligne, les rares voitures sont celles des journalistes, levés tôt pour aller à la rencontre du secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. En principe, il doit arriver à Naqoura à 8h30, à bord d’un hélicoptère de la FINUL. Mais tout doit être prêt pour le recevoir. Les Casques Bleus n’ont d’ailleurs pas ménagé leurs efforts. Les unités des 9 pays participant à la force de paix sont sur le qui-vive. Sous la houlette du porte-parole officiel, M. Timor Goksel, le bureau d’information distribue les badges à la centaine de journalistes, représentant tous les médias travaillant au Liban. Du jamais vu, dans le coin, où depuis la création de la FINUL en 1978, aucune occasion n’a provoqué un tel rush médiatique. Kofi Annan est pourtant le troisième secrétaire général des Nations Unies à se rendre sur place. Kurt Waldheim était venu en 1978, pour organiser la mise en œuvre de la FINUL et Javier Pères de Cuellar était venu en 1983, alors que l’armée israélienne était installée à Saïda. Au Sud, d’ailleurs, tout le monde s’interroge sur les motifs de l’actuelle visite de M. Annan, qui ne se déplace pas sans raison importante. Et, en l’attendant samedi, on spécule sur un éventuel retrait israélien unilatéral du sud ou, en tout cas, sur des développements importants dans la région. En apparence pourtant, tout semble normal, enlisé dans une désastreuse banalité, au point qu’en suivant la si belle route côtière, nul ne fait plus attention aux divers barrages: armée libanaise, FINUL et ALS. Comme c’est samedi, le barrage de l’ALS est désert, la milice suivant le rythme en vigueur en Israël. Mais le passage des journalistes avait été convenu d’avance avec les Casques Bleus. Au quartier général bleu et blanc de Naqoura, tout est prêt pour accueillir M. Annan. Des unités symboliques des neuf bataillons de la FINUL (Ghana, Fidji, Népal, France, Irlande, Pologne, Italie, Norvège et Finlande) ainsi que des représentants de toutes les organisations des Nations Unies œuvrant dans la région attendent en tenue d’apparat. Sans les vedettes israéliennes qui tracent des sillons blancs dans la mer si bleue, au large de Naqoura, et sans l’importance des préparatifs, on pourrait croire qu’il s’agit d’une simple cérémonie dans une caserne de province, tant ici, en dépit de la guerre, le paysage dégage une sorte de sérénité. Vers 9h, des vrombissements d’hélicoptères se font entendre et quelques minutes plus tard, M. Annan arrive sur la grande place, dans la limousine blanche du commandant en chef de la FINUL, le général Konrote. M. Annan s’avance au centre de la grande cour et l’unité ghanéenne ne tient plus en place. C’est d’une voix chargée d’émotion que le soldat tenant le drapeau accueille son compatriote devenu secrétaire général des Nations Unies. M. Annan inspecte les troupes, dépose une couronne de fleurs devant le monument à la mémoire des Casques Bleus morts pour la paix au Liban et s’entretient avec les responsables de la force intérimaire. Il a un tel charisme que les personnes présentes ne parviennent pas à le quitter des yeux. Sans hausser le ton ou sans faire quelque chose de spectaculaire, il capte constamment l’attention générale, séduisant tout le monde avec sa courtoisie extrême, son élégance du verbe et du geste et son désir de ne laisser personne à l’écart. Il prête une oreille attentive au général Konrote et à M. Goksel qui l’informent de la situation sur le terrain, évoquant avec lui les problèmes de la FINUL. M. Annan connaît d’ailleurs bien le dossier, puis qu’il est venu au Sud (notamment à Cana) en juin 1996, alors qu’il était secrétaire adjoint des Nations Unies chargé du maintien de la paix. Aujourd’hui comme hier, M. Annan rend un vibrant hommage à la FINUL et à son rôle au Liban-Sud. Tout en reconnaissant que depuis 20 ans, cette force intérimaire n’a pu exécuter la mission qui lui était confiée, il salue ses efforts pour aider la population et la protéger, dans la mesure de ses moyens. Il s’incline aussi devant les risques encourus par les soldats de la paix, pris entre les feux d’une situation particulièrement complexe, tout en émettant l’espoir d’aboutir à l’application de la résolution 425. Dans son allocution de bienvenue, le général Konrote insiste sur la difficulté de la mission de la FINUL, devenue l’une des plus anciennes forces de paix des Nations Unies. «Au fil des années, nous avons essuyé de nombreuses critiques pour n’avoir pas pu appliquer la résolution 425, dit-il. Mais ni cela, ni la mort de 230 de nos compagnons n’entament notre détermination. Nous sommes prêts à agir. En tant que militaire, j’exécute vos instructions. Mais j’espère que nous ne devrons pas attendre 20 nouvelles années pour obtenir l’application de cette résolution». Le général offre un bouquet de fleurs à M. Annan, qui le donne aussitôt à son épouse, Nane, souriante et discrète. Le général lui remet alors une plaque commémorative que M. Annan gardera précieusement. Le secrétaire général répond ensuite aux questions des journalistes, qui tournent naturellement autour de la résolution 425 et de ses chances d’être appliquée. Il mentionne notamment l’existence d’une volonté d’appliquer la résolution 425 chez toutes les parties. Il précise être venu pour écouter les dirigeants de la région, ajoutant que «pour appliquer une résolution, il faut prendre en considération la situation sur le terrain. Il faut avoir un plan pour l’application et il faut en parler avec les parties concernées». A la question de savoir s’il compte obliger Israël à appliquer cette résolution, comme il a contraint l’Irak à se conformer aux résolutions internationales, M. Annan sourit puis répond: «Je perçois le sentiment qu’il existe deux poids, deux mesures. Mais à mon avis, les deux situations sont différentes. L’Irak a défié toute la communauté internationale et a constitué une menace pour la région. Alors que pour appliquer la résolution 425, il faut une coopération de toutes les parties». C’est alors que le représentant de la Middle East Television (contrôlée par l’ALS) lui demande, sur un ton agressif s’il ne faut pas aussi appliquer la résolution 520 (relative au retrait de toutes les troupes étrangères du Liban) et avec son extrême courtoisie, M. Annan répond: «Je suis pour l’application de toutes les résolutions des Nations Unies». Le secrétaire général des Nations Unies quitte ensuite le Sud. Il n’y est resté que deux heures, mais cela a suffi pour redonner à ces soldats oubliés de la paix et de la guerre, la foi et la détermination nécessaires pour poursuivre une mission souvent ingrate.
L’aube se lève à peine sur le Sud, baignant la paysage d’une lumière grisâtre. Sur la longue route rectiligne, les rares voitures sont celles des journalistes, levés tôt pour aller à la rencontre du secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. En principe, il doit arriver à Naqoura à 8h30, à bord d’un hélicoptère de la FINUL. Mais tout doit être prêt pour le...