Actualités - OPINION
Opinion Théâtre économico-tragique
Par FAKHR Joe A., le 27 octobre 1998 à 00h00
Lorsque l’on se penche sur le panorama politico-économique libanais, on a l’étrange impression d’assister à une cacophonie théâtrale où les acteurs déclameraient tous en même temps leurs textes des spectateurs éberlués ou endormis, ou d’autres encore se bousculant vers la sortie. La crise, quelle est-elle ? Double, par le sentiment du Libanais, de plus en plus fort, que l’exercice de la chose publique s’est décalé de son vrai objectif : le public, son bien-être, son futur et l’amélioration de la qualité de sa vie quotidienne. Enfin concrètement, par le fait d’un double déficit financier d’une magnitude sans précédent dont souffre le pays. La dette publique totale s’élevait déjà, en 1997, à environ 100% du produit intérieur brut. Le déficit courant a atteint environ 40% du PIB avec des importations représentant presque 10 fois les exportations. Le déficit fiscal, quant à lui, s’élève, d’après les dernières estimations, à environ 23% du PIB. Ceci est d’autant plus grave qu’à ce déficit s’ajoute une augmentation dangereuse des emprunts à l’extérieur. D’ailleurs, le risque Liban a récemment rétrogradé au plus bas des principaux indices d’évaluation internationaux. La politique suivie pour les investissements n’a été assujettie ni à un ordre réfléchi de priorités ni à un plan directeur macro-économique. Elle a été une politique d’investissements du type tiers-mondiste, d’apparats à l’instar des républiques dites bananières sans réformes orientées vers les mécanismes de fonctionnement socio-économiques. Certains seraient tentés d’envisager des solutions radicales et expéditives comme, par exemple, rabaisser notre dette intérieure (presque 81% du PIB en 1997) en dévaluant notre monnaie nationale. Ce n’est certes pas le meilleur moyen d’arrêter la crise. Si la dévaluation peut effectivement baisser notre dette intérieure, la dette extérieure libellée en devises étrangères resterait la même. Les retombées bénéfiques d’une dévaluation sur notre micro-outil industriel au niveau des exportations ne compenseraient, en aucun cas, l’effet déstabilisateur d’une dévaluation sur notre économie dans son ensemble et son système bancaire : un impact négatif sur la production (donc sur les revenus de l’État) et une perte de confiance des créditeurs et des investisseurs. En fait, la dévaluation produirait, par voie de conséquence, une augmentation de toute la dette par une poussée des taux d’intérêts. Aujourd’hui, s’il est vrai que le double déficit est, jusqu’à présent et à brève échéance, supportable grâce notamment aux transferts des Libanais de l’étranger et à quelques capitaux venus rechercher nos taux d’intérêts favorables et à la Banque centrale qui défend énergiquement et judicieusement le taux de change de la monnaie nationale en utilisant ses réserves reconstituées, il faut cesser de penser que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il faut que les faiseurs de politique cessent de nous tromper et de se tromper eux-mêmes. N’est-ce pas à la manière de Kafka que, pour des raisons politiciennes, s’ouvrit au mois d’août un débat absurde de princes où il fut question d’augmenter les salaires des fonctionnaires du secteur public, ce qui aurait ajouté une ardoise de 500 millions de dollars au déficit du budget qui atteint déjà des sommets inquiétants ? Les réformes, si celles-ci sont enfin décidées, devraient impérativement porter, et d’une manière rigoureuse, sur la réduction des déficits : ceci implique un strict mode d’emploi des investissements structurels et une réduction drastique des dépenses. Presque tout le monde réalise maintenant qu’il faudra bientôt avoir le courage de refondre notre système fiscal. Petits et grands, princes ou mécréants, travailleurs étrangers ponctionnant le pays par des transferts d’environ 2,5 millions de dollars par an, tous unis et égaux devant l’impôt. On frémit à l’idée que le déficit pourrait atteindre le seuil de 2 milliards de dollars, le service de la dette, seul, absorbant environ 40% des recettes de l’État. La lutte contre l’inflation doit se maintenir, celle-ci est passée d’un taux d’environ 14% en 1995 à environ 5% en 1997. L’inflation est un facteur déterminant de notre santé économique, cette baisse peut s’amplifier à travers des mécanismes plus stricts de régulation. L’État peut et doit s’engager sans complexe sur la voie des privatisations, même s’il se produisait quelques abus ou mécontentements. Avec les produits de ces privatisations gagés, l’État pourrait obtenir des financements à des conditions favorables. La Banque centrale doit pouvoir, à tout moment, être couverte avec ses réserves pour au moins 12 mois d’importation. Il faut passer par une réduction des déficits avant de baisser les taux d’intérêts, car ce plus que nous offrons nous permet d’attirer et de fidéliser à ce stade des détenteurs en monnaie nationale (ou Bons du Trésor) et des déposants en monnaie étrangère dans nos banques locales. Parmi toutes ces mesures interdépendantes les unes des autres, la plus importante, celle-là même qui peut ramener la confiance et assurer l’acceptation par le contribuable Libanais des mesures de sauvetage les plus impopulaires, est la transparence. La prise en charge de notre devenir économique, même si nous sommes marginalisés politiquement, doit au moins s’opérer par les hommes qui savent le faire, ceux qui ont pour seul souci l’État et le citoyen, ceux qui travaillent dans l’ombre, les héros invisibles. L’inaction est une faute et les gouvernements prostrés qui préservent le statu quo, qui ne reconnaissent pas à temps l’ampleur de la crise, soit par ignorance ou démagogie, laissent monter les pressions en garantissant l’inévitable. Cette pièce de théâtre économico-tragique a trop duré, les mauvais acteurs sont si nombreux, et les spectateurs si désabusés que la dispute pourrait bientôt ne plus mériter une seule goutte de sang. Il faut que les princes sachent que la pièce peut s’arrêter, faute de spectateurs.
Lorsque l’on se penche sur le panorama politico-économique libanais, on a l’étrange impression d’assister à une cacophonie théâtrale où les acteurs déclameraient tous en même temps leurs textes des spectateurs éberlués ou endormis, ou d’autres encore se bousculant vers la sortie. La crise, quelle est-elle ? Double, par le sentiment du Libanais, de plus en plus fort, que l’exercice de la chose publique s’est décalé de son vrai objectif : le public, son bien-être, son futur et l’amélioration de la qualité de sa vie quotidienne. Enfin concrètement, par le fait d’un double déficit financier d’une magnitude sans précédent dont souffre le pays. La dette publique totale s’élevait déjà, en 1997, à environ 100% du produit intérieur brut. Le déficit courant a atteint environ 40% du PIB avec des...
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