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Actualités - REPORTAGE

Tribunaux - A l'ombre de Gebran Tabbarah à Bécharré : une visite tout en symboles

Deux ombres ont plané sur la cérémonie d’ouverture du nouveau siège du tribunal de Bécharré: celle de Gebran Khalil Gebran, vénéré ici comme un dieu, et celle du chef des FL Samir Geagea, considéré dans sa bourgade natale comme la victime d’une «injustice». Si la première a été longuement évoquée par le ministre Bahige Tabbarah qui a visité le musée consacré à cette figure nationale, la seconde n’était présente que dans les silences et la retenue des habitants de la localité, d’habitude pourtant expansifs. En vain les journalistes présents ont guetté une allusion à Geagea, dans l’allocution du ministre de la Justice, ou même dans les discours des notables, notamment les deux députés, Kabalan Issa el-Khoury et Gebrane Tok, le bâtonnier des avocats du Nord, Georges Tok, et le nouveau chef de la municipalité, Nadim Choueiri. Par contre, beaucoup de propos sur la nécessité de faire régner la justice et de préserver le prestige de la magistrature ont été échangés. Tabbarah a même annoncé l’octroi, dans les prochains jours, de crédits d’habitat à long terme et à intérêts réduits pour les magistrats. Bécharré se serait-elle enfin réconciliée avec la Justice? Depuis ce mois d’avril 1994, où le chef des FL a été arrêté par une unité de l’armée, les habitants de cette localité boudaient l’institution judiciaire et le siège du tribunal tombait en ruines. Tabbarah, qui ne pouvait rester les bras croisés, a chargé le directeur général de son ministère, Wagih Khater, de trouver un nouveau local. Ce n’était pas évident, en raison de certaines rivalités familiales. Un étage a finalement été loué, en attendant que soit adopté le projet de la nouvelle municipalité de construire un sérail abritant toutes les institutions étatiques. Restait encore à inaugurer officiellement ce nouveau siège. À quelques jours de la reprise du procès de l’assassinat de Rachid Karamé, dans lequel Geagea est le principal inculpé, la visite de Tabbarah à Bécharré pouvait être perçue comme un défi. D’autant qu’aucun ministre de la Justice ne s’y est jamais rendu. Mais avec son habituelle détermination discrète, le ministre n’a rien voulu entendre. En compagnie de son épouse, du directeur général, des principaux fonctionnaires du ministère et du secrétaire adjoint de la Ligue arabe Radouane Ben Khadra, il a pris le chemin de Bécharré. L’arrivée de la délégation officielle n’a pas suscité un grand intérêt chez les habitants qui ont continué à vaquer à leurs affaires. Sur les murs de leurs maisons, les sigles des Forces libanaises ont été barbouillés de noir. Seule une grande croix rouge trône encore sur les rochers à l’entrée de la bourgade. «Celle-là, ils n’ont pas réussi à l’enlever», raconte un jeune Bécharriote. Pour lui, ce sont les soldats qui ont effacé toutes les traces des FL. «Mais ils ne réussiront pas à les ôter de nos cœurs». Le jeune homme jette un regard blasé sur les deux députés de sa région qui rendent hommage au ministre. Kabalan Issa el-Khoury rappelle aussi le passé arabe de Bécharré et son attachement à l’unité et à la coexistence. Il demande aussi au ministre d’encourager les Bécharriotes à embrasser les carrières de la magistrature (actuellement, le président de la Cour de cassation militaire, Tarabay Rahmé, et l’avocat général près la Cour de cassation, Anthony Issa el-Khoury, sont originaires de la localité). Le président de la municipalité, Nadim Choueiri, évoque de son côté les problèmes des nombreuses constructions illégales, les gens ayant construit sans permis pendant la guerre, et celui des titres de propriétés, les documents officiels ayant été détruits par des incendies. Dressant le bilan de son action au ministère, Tabbarah explique ses efforts pour rendre la justice accessible à tous, en la rapprochant des citoyens sur le plan géographique et pécuniaire et son souci d’assurer aux magistrats une vie décente afin qu’ils puissent rendre justice en toute quiétude. Reprenant une image de Gebran, il exprime son souhait de faire comme ces tailleurs de pierre qui inlassablement travaillent sur leur ouvrage pour le rendre plus beau. Ils sont nombreux à l’entendre. Mais combien l’écoutent? À Bécharré, il faut plus qu’un discours pour convaincre. Mais la visite du ministre a au moins permis de rétablir les ponts entre les députés de la région et le nouveau conseil municipal.
Deux ombres ont plané sur la cérémonie d’ouverture du nouveau siège du tribunal de Bécharré: celle de Gebran Khalil Gebran, vénéré ici comme un dieu, et celle du chef des FL Samir Geagea, considéré dans sa bourgade natale comme la victime d’une «injustice». Si la première a été longuement évoquée par le ministre Bahige Tabbarah qui a visité le musée consacré à...