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Actualités - CONFERENCES INTERNATIONALES

Le séminaire sur les libertés audiovisuelles a clôturé ses travaux samedi Entre démocratie et encadrement, un paysage en pleine mutation (photos)

Beaucoup d’idées, des échanges plutôt vifs entre le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh et un de ses prédécesseurs, Michel Samaha, et entre l’ancien directeur de la NTV Sayed Frangié et le directeur du Conseil national de l’audiovisuel, Sami Chaar, et, pour finir, une sorte de charte appelée un peu pompeusement «la Déclaration de Beyrouth». C’est ainsi qu’on pourrait résumer la seconde journée du séminaire sur les libertés audiovisuelles, organisé par l’Institut des droits de l’homme du barreau de Beyrouth. Si la première journée, vendredi, avait été plutôt consacrée aux généralités, samedi, les différents orateurs sont entrés dans le vif du sujet; un sujet d’ailleurs particulièrement important et vaste, tant le développement des techniques de communication a bouleversé la vie des citoyens dans le monde entier. La meilleure synthèse de cette journée, riche en échanges de toutes sortes, a été effectuée par le ministre Sabeh qui, avec un sens remarquable de la rhétorique, a déclaré: «Certes, le Liban n’est pas un paradis de la démocratie, mais ce n’est pas non plus un régime stalinien». Et c’est entre ces deux extrêmes qu’il faut caser une loi relativement moderne mais qui doit être encore améliorée, une distribution de licences sur base de critères politiques et confessionnels, des programmes souvent en deçà du niveau requis et surtout, le principe devenu couramment admis d’autocensure. Comme l’a souligné le directeur de la «Voix du peuple» (PCL), Tanios Deaïbès, ce principe est ce qu’il y a de plus grave actuellement, puisqu’il habitue le journaliste à taire une partie de la vérité ou de ce qu’il sait, volontairement, voire spontanément. Des expériences européennes et particulièrement française, on peut retenir plusieurs éléments dont le fait qu’il n’existe pratiquement plus de ministère de l’Information dans les pays développés et surtout la transformation des chaînes de télévision étatiques en services publics autonomes et indépendants de l’autorité politique. La séance matinale, qui commence évidemment avec du retard, est consacrée à la lecture du rapport français présenté par Me Christophe Pech de Laclause. Avec beaucoup de clarté, ce dernier montre l’évolution des lois françaises en faveur d’une plus grande libéralisation. Il explique ainsi que la loi du 30 septembre 1986, qui marque la fin du monopole de diffusion, a été amendée une vingtaine de fois, tant ce secteur est en perpétuelle mutation. Aujourd’hui, en France, c’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle. Mais le Conseil constitutionnel français a été amené à plusieurs reprises à préciser que la liberté de l’audiovisuel doit être encadrée. De plus, les membres du CSA sont nommés à égalité par le président de la République, le président de l’Assemblée et le président du Sénat, même si certaines garanties pour leur indépendance politique ont été instituées. M. Abdelsalam Cheaïb a ensuite exposé le rapport libanais qui a fait l’objet de plusieurs discussions. M. Cheaïb a longuement expliqué la loi du 10/11/94 réglementant le paysage audiovisuel, tout en rappelant combien sa genèse et son adoption ont été difficiles. Il a ainsi expliqué que les télévisions et les radios ont proliféré à la faveur de la guerre, provoquant l’ire de M. Tanios Deaïbès, qui a rejeté cette affirmation. Deaïbès a d’ailleurs estimé que le gouvernement a traité les radios et télévisions comme si elles étaient des milices. M. Samaha a été plus nuancé, mais M. Sabeh a carrément rappelé que les radios et télés nées pendant la guerre appartenaient généralement à des parties participant au conflit qui déchirait le Liban. Lacunes et points positifs Alors que M. Cheaïb a affirmé dans son rapport que la loi libanaise est inspirée de la loi française, M. Samaha a précisé de son côté que la loi libanaise est une traduction adaptée de la loi turque. Mais tout le monde a reconnu le fait que la loi libanaise comporte beaucoup de points positifs et qu’elle a surtout le mérite d’être la première à traiter ce sujet au Moyen-Orient. Tout en reconnaissant qu’elle comporte des lacunes, M. Sabeh a affirmé que la responsabilité du maintien de ces lacunes incombe en partie aux journalistes et aux hommes de loi. Dans son exposé, M. Cheaïb a relevé le contrôle direct exercé par l’autorité politique sur le Conseil national de l’audiovisuel, au point que cet organisme est pratiquement transformé en un département au sein du ministère de l’Information. Selon Cheaïb, la loi libanaise ne prévoit pas non plus ce qui est appelé en France le droit à l’antenne et qui n’a rien à voir avec le droit de réponse. Quant au contrôle étatique sur les télévisions privées, il se fait à deux niveaux, d’abord dans l’octroi de la licence et la surveillance des fonds et ensuite sur la diffusion des programmes. Normalement, c’est le CNA qui doit effectuer ce contrôle, mais jusqu’à présent, il n’a toujours pas les prérogatives nécessaires pour remplir ce rôle. A la fin de son rapport, M. Cheaïb propose plusieurs suggestions visant à mieux organiser le paysage audiovisuel du Liban. Ces suggestions auraient d’ailleurs pu servir de recommandations au séminaire, mais le bâtonnier Klimos a préféré s’en tenir à la «Déclaration de Beyrouth». Présidée par l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi, la dernière séance, consacrée à un débat général, a été sans doute la plus animée et celle qui a attiré le plus de monde. M. Cortbawi y avait d’ailleurs convié de nombreux journalistes conscient qu’après tout, ils sont les premiers concernés. Tout en insistant sur la nécessité de mener un débat scientifique, Cortbawi a invité les personnes présentes à discuter sur les thèmes suivants: le rôle du CNA, les facteurs techniques, le respect du pluralisme, l’existence d’une censure non déclarée, le rôle du capital, le véritable rôle d’une presse libre et enfin le «pouvoir citoyen» dans la protection des libertés. Il a enfin rappelé que la politique est une roue qui tourne… Évidemment, les différents orateurs ne s’en sont pas tenus au cadre fixé par M. Cortbawi. Mais les débats n’en ont pas moins été très animés. M. Sami Chaar a essayé de défendre le CNA et M. Ghassan Moukheiber a évoqué les licences, qui selon lui, devraient être remplacées par de simples notifications. M. Deaïbès a été jusqu’à qualifier le pouvoir actuel de sous-développé et M. Frangié a rétorqué que cela n’est pas vrai. «Au contraire, il est très intelligent et il sait très bien ce qu’il veut: museler ou mettre totalement la main sur le secteur audiovisuel et les moyens de communication en général». Principes ou slogans? L’ancien ministre Michel Samaha a expliqué, de son côté, la genèse de la loi sur l’audiovisuel. «Au départ, il s’agissait d’organiser le dialogue et d’exorciser la période de la guerre». Il s’est ensuite demandé pourquoi quatre ans après son départ du ministère, le plan directeur du paysage audiovisuel n’a toujours pas été élaboré. M. Sabeh, qui a pris la parole en dernier, a précisé que le plan existe mais qu’il n’a pas été adopté pour cause de conflits entre les membres de l’autorité politique. M. Sabeh a aussi évoqué le rapport technique international de 1992 qui affirmait que le Liban ne pouvait supporter plus de 4 chaînes de télévision. Là, M. Samaha n’a pu s’empêcher de protester rappelant que ce rapport, réalisé par Mme Huet, concernait Télé-Liban et il n’est pas précis puisque Mme Huet, n’a pas pu se rendre au Barouk et aux Cèdres, transformés à l’époque en positions militaires. Avant de céder la place à M. Antoine Messara qui a rédigé une synthèse du séminaire, M. Cortbawi a exprimé son inquiétude pour les libertés au Liban. Selon plusieurs participants à ce séminaire, l’existence de nombreuses chaînes ne signifie pas forcément le respect de la pluralité. De même, en évoquant constamment la marge de liberté existant actuellement, le pouvoir cherche à limiter les revendications et les Libanais risquent de se convaincre que c’est le maximum auquel ils peuvent aspirer. D’ailleurs, la «Déclaration de Beyrouth», signée ensuite par le bâtonnier Klimos et par la plupart des participants à ce séminaire, reprend les grands principes défendus par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Mais le danger est justement que ces principes ne se transforment en slogans que l’on répète à certaines occasions et que l’on oublie après. Dans ce cas, les «cyber-tribunaux» (dont la création a été prévue par M. Kessous, avocat général près la Cour de cassation française, afin d’accompagner les développements technologiques) risquent de ne défendre au Liban qu’une démocratie virtuelle.
Beaucoup d’idées, des échanges plutôt vifs entre le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh et un de ses prédécesseurs, Michel Samaha, et entre l’ancien directeur de la NTV Sayed Frangié et le directeur du Conseil national de l’audiovisuel, Sami Chaar, et, pour finir, une sorte de charte appelée un peu pompeusement «la Déclaration de Beyrouth». C’est ainsi qu’on...