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Actualités - INTERVIEWS

Tabbarah à l'Orient Le Jour : la contrepartie des garanties aux juges passe par une épuration interne (photo)

Il parle rarement, mais il agit. En bientôt six ans à la tête du ministère de la Justice, Bahige Tabbarah a élaboré de nombreux projets de loi, dont beaucoup attendent d’ailleurs encore dans les tiroirs du Parlement. Mais il a surtout réussi à gagner la confiance des magistrats, qui ne ratent aucune occasion de louer sa non-intervention dans les affaires judiciaires. Il est vrai que, depuis sa nomination, M. Tabbarah a beaucoup œuvré en vue de l’amélioration de la situation matérielle des magistrats, condition essentielle, selon lui, pour assurer leur indépendance. Il a aussi demandé, en 1992, le retrait d’un projet de loi visant à lever l’immunité des magistrats, dans le cadre de ce qui devait servir à une sorte d’épuration. Mais aujourd’hui, dans ce qui ressemble fort à un bilan de ses six années (ou presque) à la tête du ministère, il appelle le Conseil supérieur de la magistrature à utiliser toutes ses prérogatives pour effectuer, avec les moyens mis à sa disposition par la loi, à cette fameuse épuration. Le ministre reconnaît ainsi qu’il existe quelques lacunes, mais il affirme qu’il est possible d’y remédier sans prendre des mesures exceptionnelles. En contrepartie, il a présenté un projet de loi punissant ceux qui s’en prennent à la justice. A sa manière calme et polie, M. Tabbarah cherche donc à replacer la magistrature dans son véritable contexte et à la mettre à l’abri, autant que faire se peut, des attaques tantôt ouvertes et tantôt camouflées des politiciens en cette période trouble, où les scandales, vrais ou faux, remontent à la surface et éclaboussent le pays et ses institutions. La situation matérielle des magistrats Le long entretien avec le ministre commence par la nécessité d’améliorer la situation matérielle des magistrats «pour renforcer leur indépendance.» Il précise ainsi qu’en 1994, il a présenté au Parlement un projet de loi accordant aux juges un avancement de douze grades d’un coup. «Puisque selon la Constitution, dit-il, la Justice est un pouvoir, le magistrat doit toucher un salaire correspondant à sa fonction. Aujourd’hui, le magistrat ayant le grade le plus élevé touche pratiquement autant qu’un ministre». Mais plus que les salaires, le ministre a cherché à améliorer les prestations de la mutuelle des magistrats, qui assure les soins médicaux du juge et des membres de sa famille, ainsi que les frais d’éducation de ses enfants. Cette caisse reçoit aujourd’hui de l’Etat quatre fois plus de ressources qu’auparavant. Le projet prévoyant d’accorder des crédits d’habitat aux magistrats est actuellement à l’étude. «Pour mieux comprendre la situation, ajoute M. Tabbarah, il faut savoir qu’il y a 16 grades au sein de la magistrature. Le juge ayant le seizième grade touche un salaire de 1.900.000 LL. Tous les deux ans, il obtient un nouveau grade (150.000 LL). Lorsqu’il atteint le premier grade, il a un salaire d’environ 5 millions de LL». Sans compter les prestations. Le ministre pense ainsi que la situation matérielle du corps judiciaire s’est grandement améliorée et elle le sera encore plus lorsque la nouvelle échelle des salaires propre aux magistrats sera adoptée. Le sera-t-elle avant le nouveau mandat présidentiel? M. Tabbarah répond diplomatiquement: «Ce gouvernement aura eu le mérite de l’avoir préparée. Qu’elle soit ou non adoptée avant l’élection présidentielle est un détail». Il insiste toutefois sur le fait qu’il faut encore améliorer cette situation, mais au moins, elle n’est plus catastrophique et le magistrat n’a plus vraiment à se soucier de son avenir ou de celui de ses enfants. Naturellement, il ne faut pas comparer la situation du juge libanais à celle du magistrat en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, mais à celle des fonctionnaires au Liban. 130 magistrats nommés en cinq ans On en arrive ainsi à la question du manque d’effectifs, qui, dit-on retarde grandement le cours de la Justice. Selon le ministre, ce manque est dû au fait que, pendant les années de guerre, les nominations ne se faisaient pas régulièrement. «J’ai donc dû faire face à ce problème et j’ai essayé de le régler». Au cours des cinq dernières années, 130 nouveaux magistrats ont été nommés, c’est-à-dire plus de 20% des effectifs. Sans compter les 70 entrés à l’Institut d’études juridiques. Mais cela s’est révélé insuffisant, puisque, chaque année, des magistrats passent à la retraite. Le ministre a alors songé à combler le manque par divers moyens: l’Institut bien sûr, dont les programmes ont été modifiés de manière à devenir plus pratiques, le recrutement parmi les avocats ou les fonctionnaires diplômés en droit, grâce à un concours et, ensuite, exceptionnellement, la nomination de magistrats parmi les avocats ayant 13 ans d’expérience tout en les dispensant de concours. «Certes, l’Institut peut fournir un grand nombre de magistrats, souligne M. Tabbarah, mais il ne faut pas que le corps judiciaire soit formé de magistrats qui, pour la plupart, seraient au niveau du seizième grade, car le corps de la magistrature en serait déformé. Nous avons proposé trois solutions: un projet de loi qui, exceptionnellement et pour 4 ans, prolonge de deux ans l’âge de la retraite des magistrats, nous avons aussi souhaité être autorisés à nommer une nouvelle fois des magistrats parmi les avocats ayant 13 ans d’expérience et, enfin, nous avons proposé d’annuler les tribunaux de première instance pour les remplacer par des juges uniques, ce qui nous permettrait de faire l’économie de deux magistrats par tribunal. Ces trois projets sont encore au Parlement. En attendant leur examen, nous avons décidé avec le CSM de rouvrir la voie de l’adhésion à la magistrature aux avocats ayant six ans d’expérience grâce à un concours». Méfiance du Parlement? Pourquoi, selon lui, le Parlement tarde-t-il à examiner les projets de loi qu’il lui soumet? «Je ne sais pas. Il semble qu’il y ait actuellement 124 projets de loi en souffrance transmis par le gouvernement au Parlement. Cela devrait consoler un peu le ministère de la Justice». Ne croit-il pas qu’il y a une méfiance des députés face aux projets de loi présentés par son ministère, par crainte que celui-ci ne mette la main sur la Justice? «Tous les projets de lois présentés au Parlement ont été préalablement soumis au CSM. Ce dernier les a approuvés en général, se contentant d’émettre des réserves sur le projet d’annulation des tribunaux de première instance, estimant que trois magistrats constituent une meilleure garantie que le juge unique. Bien sûr, je suis de cet avis, mais je crois que, s’agissant d’une première instance, les garanties ne sont pas indispensables puisqu’il y a toujours la possibilité d’interjeter appel. D’autant que nous voulons régler le problème du manque de magistrats». Le ministre pense toutefois que les projets de lois qu’il présente sont mis en veilleuse dans l’attente de l’examen d’un autre projet de loi, visant à la réorganisation du pouvoir judiciaire, présenté par les députés du GPN (Entre autres, MM. Husseini et Harb). Naturellement, M. Tabbarah a beaucoup de réserves sur ce projet. Ne croit-il pas toutefois que le gel de l’examen des projets de loi peut entraver le fonctionnement de la Justice? «Je suis responsable de la politique judiciaire du pays. Et si le fonctionnement de la Justice est entravé, c’est au ministre qu’on le reprochera. Il est donc normal que ce dernier propose des solutions pour organiser ce fonctionnement. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans un régime parlementaire. Je peux discuter avec les commissions parlementaires, mais je ne peux leur imposer une solution. D’ailleurs, je comprendrai que celles-ci rejettent un projet ou qu’elles le désapprouvent, mais je ne comprends pas comment elles peuvent le garder en suspens». L’équilibre entre les pouvoirs ébranlé Pense-t-il donc qu’une réforme du système serait nécessaire? M. Tabbarah souhaite ne pas trop s’étendre sur ce sujet. Mais il estime qu’après Taëf, l’équilibre entre les pouvoirs a été ébranlé en faveur du pouvoir législatif. «C’est sans doute une réaction à ce qui se passait avant, où la plupart des gouvernements obtenaient les pouvoirs exceptionnels et multipliaient la pratique des décrets-lois. Aujourd’hui, dès qu’on évoque les décrets-lois, le Parlement estime que c’est une atteinte à ses prérogatives. De plus, l’article 58 de la Constitution (qui autorise le président de la République, après approbation du Conseil des ministres, à rendre exécutoire un projet de loi déclaré urgent par le gouvernement, quarante jours après sa transmission à l’Assemblée) est neutralisé par le fait que les 40 jours commencent à courir à partir de l’examen du projet urgent en séance régulière...». M. Tabbarah déclare qu’à son avis, en tant qu’observateur, les régimes parlementaires reposent sur des équilibres qu’on ne doit pas perturber. Lorsqu’on empêche ainsi le pouvoir exécutif de dissoudre la Chambre, on ébranle cet équilibre, car, dans ce cas, il y a conflit entre les deux pouvoirs et il faut donner au peuple la possibilité de le trancher. Aujourd’hui, ce scénario est pratiquement impossible au Liban. M. Tabbarah ajoute qu’il a essayé de résoudre le problème du manque de magistrats par les lois, notamment celle sur les loyers. «Nous avons ainsi décidé que les procès de récupération relèvent plutôt de la compétence des experts. Des commissions formées d’un magistrat, d’un expert et d’un ingénieur sont aptes à les examiner et elles suivent une procédure spéciale, allégée. Les tribunaux des loyers sont ainsi déchargés de 30% de leur travail. Nous essayons d’utiliser la même démarche pour les cas des chèques sans provision, qui occupent la plus grande part du travail des parquets, car il s’agit d’un délit pénal. Or, aujourd’hui, dans de nombreux cas, les traites revêtent la forme de chèques, et le non-paiement de traites n’est pas considéré comme un délit pénal». Séparation n’est pas cloisonnement Peut-on dire, qu’aujourd’hui, la Justice est un pouvoir au Liban? «Dans les régimes démocratiques, il existe un principe fondamental, celui de la séparation des pouvoirs. Celui qui légifère ne doit pas être celui qui exécute. Sinon, on se retrouve dans un régime dictatorial. Mais la séparation ne signifie pas le cloisonnement. Preuve en est que le gouvernement peut être renversé par le Parlement. La séparation n’exclut donc pas la collaboration. La Constitution a consacré la Justice en pouvoir et, dans le premier gouvernement Hariri, nous nous sommes engagés à respecter ce principe. Dans la pratique, cela signifie que, dans les nominations, les mutations et les promotions, les décisions sont prises après l’approbation du CSM. Contrairement à ce qui se passe en France, ce dernier se réunit sans le ministre de la Justice». Aucune nomination n’est décidée sans l’approbation du CSM? Le ministre répond par l’affirmative. «Mais il se peut que le CSM approuve une nomination, et que celle-ci ne soit pas publiée par décret. Cela ne constitue pas une réduction des pouvoirs du CSM, car on ne lui impose pas des éléments dont il ne veut pas. Enfin, cela n’est jamais arrivé dans la réalité». Comment expliquer le fait que les nominations sont, dit-on, en partie bloquées par les ingérences des politiciens? «Je préfère que cette question soit posée à l’ancien et à l’actuel présidents du CSM, MM. Philippe Khairallah et Mounir Honein. Tous deux ont rendu à plusieurs reprises hommage à la coopération entre le CSM et le ministre de la Justice. Le procureur général, M. Addoum, dans l’interview publiée récemment, a pratiquement dit la même chose... Je n’ai rien de plus à ajouter, sinon qu’à mon avis, les textes régissant la Justice au Liban sont sains, même s’il reste quelques retouches à faire sur le plan de la pratique». L’indépendance de la Justice est donc assurée selon lui? «Plusieurs facteurs lui permettent de l’être. Il y a certes l’amélioration des conditions matérielles des magistrats, mais aussi un projet de loi que nous avons soumis au Parlement qui punirait tous ceux qui porteraient atteinte à la Justice ou à la dignité des magistrats. Naturellement ce projet a été soumis à l’approbation du CSM. Mais, en définitive, l’intégrité du juge est inhérente à sa personne. On a beau lui donner toutes les garanties, il peut malgré tout céder aux tentations, s’il en a le désir». Le CSM doit assumer ses responsabilités Selon lui, les magistrats du Liban sont intègres? «Lorsque j’ai été nommé au ministère, trois projets de loi étaient soumis au Parlement, proposant la levée de l’immunité des magistrats, des fonctionnaires et de ceux qui travaillent dans les établissements publics. J’ai préféré retirer celui qui concerne les magistrats, car, à mon avis, on peut procéder à une épuration de la magistrature, en utilisant un mécanisme déjà existant, sans prendre des mesures exceptionnelles qui porteraient préjudice à l’image de la Justice. J’ai donc appelé le CSM à utiliser ses prérogatives, notamment l’article 95 de la loi sur l’organisation judiciaire. Celui-ci autorise le CSM à déclarer l’inaptitude d’un magistrat. Or, depuis que je suis ministre de la Justice, ce texte n’a jamais été appliqué et c’est au CSM de le faire». «Si on donne toutes les garanties nécessaires aux magistrats, poursuit M. Tabbarah, il faut que ceux-ci soient à la hauteur et que la Justice soit au dessus de tout soupçon. Elle peut le faire à travers les prérogatives du CSM et celle de l’inspection judiciaire dont les pouvoirs couvrent tous les magistrats». En disant cela, il confirme l’existence de lacunes... «Je n’ai pas à entrer dans ces détails. Je suis responsable de la politique judiciaire. Si elle comporte des lacunes, c’est à moi qu’on le reprochera. J’ai donc le droit d’attirer l’attention des magistrats sur leurs prérogatives, en leur demandant de les utiliser. Car, en définitive, le juge est un homme qui peut avoir ses faiblesses. D’où la nécessité d’appliquer le principe de la récompense et de la sanction». A-t-il senti que son appel a été entendu? «Cette question ne doit pas être traitée dans les pages des journaux. C’est d’ailleurs pour le même souci de discrétion que j’ai retiré le projet de loi visant à lever l’immunité des magistrats et je ne regrette pas de l’avoir fait. Je crois que l’opération peut être exécutée en préservant la dignité de la magistrature». Le ministre évoque ensuite la plainte de M. Addoum contre deux magistrats qui, selon le procureur général, auraient commis une faute grave «équipollente au dol». «A mon avis, une telle plainte doit pousser l’inspection judiciaire à mener son enquête pour voir si la plainte est justifiée ou non». Si le CSM ne réagit pas, a-t-il le pouvoir de l’obliger à le faire? «Non, mais je supervise l’action de l’inspection judiciaire, sans intervenir dans ses affaires». Cent mille jugements rendus par an Comment explique-t-il le fait qu’au Liban, l’idée courante est que la Justice n’est pas indépendante? «Je ne suis pas sûr qu’elle est aussi courante que cela. On entend souvent ce genre de propos, surtout au sujet de certaines affaires en particulier. On oublie alors que, chaque année, il y a au Liban, 100.000 jugements, pénaux, civils, commerciaux... On en retient un ou deux. A mon avis, il faut replacer les choses dans leur contexte véritable, sans oublier que chaque jugement fait des heureux et des mécontents». Pourquoi les citoyens ont-ils le sentiment de ne pas pouvoir obtenir leurs droits par la Justice et, s’ils sont contraints à recourir aux tribunaux, ils essaient d’avoir affaire à un magistrat qu’ils connaissent... «Le Liban est un petit pays et tout le monde peut avoir accès à tout le monde. Ce qui compte c’est de savoir à quel point le magistrat contacté se laisse influencer par ce qu’on lui dit ou par la personne qui intervient auprès de lui, au point d’aller à l’encontre de ses convictions». On dit aussi que la Justice est sélective... «Cela touche un nombre réduit d’affaires. Mes prérogatives se limitent à nommer un juge instructeur dans les dossiers déférés devant la Cour de justice, mais je ne peux pas intervenir dans le cours de l’enquête et je ne peux pas dire à un magistrat d’ouvrir tel dossier ou d’en refermer tel autre». Quid de l’affaire Toufayli? Qu’est devenue l’affaire de cheikh Sobhi Toufayli et pourquoi n’a-t-il pas été arrêté? «Le juge d’instruction poursuit son enquête. Je ne peux pas intervenir». A-t-il le pouvoir de nommer un nouveau juge d’instruction à la place d’un autre jugé incompétent? «Il faut un Conseil des ministres pour cela». Pourquoi la Justice n’enquête-t-elle pas sur les scandales de corruption soulevés actuellement? «Il y a un mécanisme spécial. Lorsqu’il est question d’une affaire de corruption dans l’administration, les organismes de contrôle doivent mener leur enquête». Pourquoi ceux-ci ne bougent-ils pas? «Ils bénéficient désormais d’une grande immunité. Ils devraient donc bouger». Certains pensent que la paralysie des organismes de contrôle est due au fait que la plupart des fonctionnaires sont appuyés par une personnalité politique. «A partir du moment où on leur donne les garanties nécessaires, ils devraient bouger. A mon avis, l’obstacle réel est dû aux immunités dont bénéficient toutes les personnes susceptibles d’être suspectées. A croire que le Liban est transformé en un groupe de corporations qu’il est impossible d’atteindre. Cela est d’ailleurs contraire au principe d’égalité des citoyens». Comment explique-t-il que certains ministres attaquent la justice et pourquoi ne leur répond-il pas? «Je leur réponds et on sait ce que cela m’a valu. A mon avis, de telles déclarations sont inadmissibles. J’ai d’ailleurs soumis un projet de loi visant à punir toute personne qui s’en prendrait à la Justice. Certes, il est permis de critiquer, mais non de tenir des propos diffamatoires». Après la loi d’amnistie sur les crimes en relation avec la drogue, il a été question d’une loi d’amnistie générale... «Nul ne m’en a parlé. De plus, à mon avis, la loi d’amnistie sur les crimes de la drogue a créé un déséquilibre et une situation injuste. Des gens qui ont accompli des délits moins graves sont emprisonnés et des trafiquants de drogue sont en liberté». N’a-t-il pas le sentiment qu’il n’existe pas au Liban une justice globale, pour tous? «L’amnistie couvrant les crimes de la drogue, qui ne distingue pas entre le trafiquant, le cultivateur et le consommateur, conforte ce sentiment. Mais il ne faut pas généraliser». Les prisons Où en est la réforme des prisons, promise après la mutinerie de Roumié? «Nous avons soumis un projet de loi visant à redynamiser la direction des prisons rattachée au ministère de la Justice, mais il est en suspens en raison d’un débat entre nous et le ministère de l’Intérieur. Je crois d’ailleurs que la situation des prisons est amplifiée. A mon avis, il ne s’agit pas de la réhabilitation de quelques bâtiments, mais de la façon de traiter le prisonnier pour lui permettre un jour de vivre de nouveau en société. La gendarmerie est sans doute très efficace, mais elle a une mission déterminée, qui ne doit pas englober l’approche des prisonniers. Il faut donc revoir le système. Le ministère de l’Intérieur pense qu’il s’agit d’un problème de crédits, nous croyons qu’il y a certes un problème de fonds, mais pas seulement. Pour l’instant, nous nous occupons de construire un complexe unique pour regrouper les délinquants mineurs». Sommes-nous sur le chemin de l’édification d’un Etat de droit? «A mon avis, c’est un objectif pour lequel il faut oeuvrer en permanence. L’Etat de droit signifie un Etat régi par des lois qui s’appliquent à tous et qui sont justes et en harmonie avec les principes démocratiques. C’est aussi un Etat qui respecte le principe de séparation des pouvoirs et où la Justice est un recours qui inspire confiance. Nous avons des lois, un conseil constitutionnel, même si son mécanisme n’est pas accessible à tous, une troïka qui n’est peut-être pas le symbole du respect de la séparation des pouvoirs et nous devons continuer à consolider le pouvoir judiciaire...».
Il parle rarement, mais il agit. En bientôt six ans à la tête du ministère de la Justice, Bahige Tabbarah a élaboré de nombreux projets de loi, dont beaucoup attendent d’ailleurs encore dans les tiroirs du Parlement. Mais il a surtout réussi à gagner la confiance des magistrats, qui ne ratent aucune occasion de louer sa non-intervention dans les affaires judiciaires. Il est...