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Actualités - CHRONOLOGIE

Les liaisons dangereuses entre argent et politique

Eclaboussé dans une affaire qui plonge au cœur des pouvoirs en France, Roland Dumas va devoir, dans les semaines à venir, renoncer à son poste clef de gardien suprême des lois. Cet ancien chef de la diplomatie, intime du défunt président François Mitterrand et aujourd’hui président du Conseil constitutionnel, est dans le collimateur de la justice pour un scandale où se mêlent pots-de-vin, menaces et achats de biens les plus luxueux dans les conditions les plus nébuleuses. Pour nombre d’observateurs, il s’agit d’une histoire dont les ingrédients sont le sexe et... l’opéra mais dont la trame, en réalité, est faite de liaisons dangereuses entre argent et politique. Hospitalisé pour une opération sans gravité, M. Dumas, dont le poste en fait le cinquième personnage de l’Etat, clame son innocence et évoque une «opération politique». Il ne pourra se rendre à la convocation qui avait été reportée au 18 mars par deux juges anticorruption, Eva Joly et Laurence Vichnievsky, en charge de l’explosive affaire Elf. L’échéance, que la presse estime cruciale avec une possible mise en examen, ne semble que retardée, alors que les défenseurs de M. Dumas recherchent une parade juridique en plaidant la «raison d’Etat». Au nom de la liberté d’informer, de grands quotidiens, comme «Le Monde» ou «Libération», livrent de nouveaux détails qui rendent quasi inéluctable la démission de M. Dumas. Mais en face, brandissant la présomption d’innocence, d’autres médias et des hommes politiques de gauche et de droite prennent la défense d’un cacique socialiste au carnet d’adresses étoffé dans tous les milieux. «On a assisté à un pré-procès médiatique, une sorte de lynchage», estime l’ancien ministre gaulliste Charles Pasqua, demandant implicitement des sanctions contre les juges. Le magazine satirique «Le Canard Enchaîné», dont M. Dumas fut l’avocat, titre pour sa part que «les juges s’obstinent sur la piste Dumas». C’est un des volets de l’enquête sur Elf qui a valu à M. Dumas d’être soupçonné d’avoir bénéficié de mystérieuses largesses du groupe pétrolier en France et à l’étranger avant sa privatisation en 1994. L’ex-patron d’Elf, Loïk le Floch-Prigent, un socialiste, a déjà été onze fois inculpé dans ce dossier à tiroirs, en compagnie d’ex-dirigeants du groupe réputés eux à droite, comme André Tarallo. L’étau s’est resserré autour de M. Dumas après qu’eut été inculpée et écrouée en novembre une de ses très proches amies et collaboratrice Christine Deviers-Joncour. Cette jeune femme, dont la photo s’étale dans la presse aux côtés de M. Dumas, avait été engagée par Elf comme «agent de liaison» auprès de celui-ci alors qu’il était ministre des Affaires étrangères. Elle est soupçonnée d’avoir touché une commission de près de 10 millions de dollars dans la vente de six frégates à Taïwan en 1991. M. Dumas affirme n’avoir jamais été favorable à cette transaction pour ne pas froisser Pékin. Cet avocat d’affaires réputé devrait avant tout s’expliquer sur d’importants mouvements de fonds sur son compte bancaire, équivalent à 1,5 million de dollars, dont une partie en billets de banque usagés. Il aurait aussi été présent, selon la presse, lors de l’achat pour 3 millions de dollars d’un somptueux appartement de la rive gauche par Mme Deviers-Joncour, à travers un montage qui passe par la Suisse. Il y a encore l’histoire, devenue emblématique, des «souliers» à 11.000 francs (1.800 USD) faits sur mesure par le célèbre bottier Berluti pour M. Dumas, et réglés par son amie avec sa carte de crédit d’Elf. De même, l’hebdomadaire «Paris Match» raconte que celle-ci s’était offert un magnifique piano quart de queue Bechstein pour 220.000 francs (36.000 USD) payé par la compagnie pétrolière. Sur la brusque fortune de son amie, M. Dumas affirme n’avoir pas su qu’elle venait de commissions. «Ce point n’a jamais été évoqué entre nous», a-t-il affirmé. Selon «L’Express», Mme Deviers-Joncour fut aussi trésorière d’une association pour l’art lyrique, Opéralia, dont le président d’honneur fut Roland Dumas, et la vice-présidente, une ancienne tenancière de maison close, Lucienne Goldfarb dite «Katia la Rouquine».
Eclaboussé dans une affaire qui plonge au cœur des pouvoirs en France, Roland Dumas va devoir, dans les semaines à venir, renoncer à son poste clef de gardien suprême des lois. Cet ancien chef de la diplomatie, intime du défunt président François Mitterrand et aujourd’hui président du Conseil constitutionnel, est dans le collimateur de la justice pour un scandale où se...