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Actualités - CHRONOLOGIE

Sahhaf à Beyrouth : les résultats des efforts diplomatiques dans les cinq jours Les arabes qui aideront les américains subiront les conséquences de leur crime, avertit le ministre irakien

Le ministre irakien des Affaires étrangères Mohammad Saïd al-Sahhaf a annoncé hier à Beyrouth que les résultats des efforts diplomatiques en cours pour régler le conflit entre l’Irak et les Nations Unies seront connus «dans les cinq jours». Il a ajouté dans une mise en garde que les Arabes qui aideront militairement les Américains, en subiront les conséquences. M. Sahhaf se trouvait hier au Liban en même temps qu’un émissaire koweitien, le ministre du Plan, Ali Fahd al-Zamiya, dépêché par l’émir du Koweit cheikh Jaber al-Ahmad al-Sabah pour remettre un message au président de la République Elias Hraoui. A l’issue de ses entretiens, l’émissaire a fait état d’une «concordance de vues» avec les responsables libanais. Le Koweit est jusqu’ici le seul pays arabe à avoir clairement soutenu la position américano-britannique prônant une frappe militaire contre l’Irak en cas d’échec d’une solution diplomatique de la crise. M. Sahhaf, pour sa part, effectuait au Liban la première visite d’un responsable irakien de ce rang depuis de nombreuses années, et notamment depuis la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 1994. En dépit de cette rupture et des multiples incidents diplomatiques qu’ont connus depuis les deux pays, le dernier en date étant survenu l’été dernier lorsque Beyrouth a empêché des athlètes irakiens de participer aux Jeux panarabes, la gravité de la crise actuelle a conduit les dirigeants libanais, naturellement inspirés par l’exemple de la majorité des pays arabes et en particulier de la Syrie, à accueillir sans réserve le chef de la diplomatie irakienne pour lui confirmer l’opposition claire du Liban à toute action militaire contre son pays. Cela étant, les responsables libanais ont tout de même continué à tenir un langage ferme en ce qui concerne la nécessité pour Bagdad d’appliquer les résolutions du Conseil de Sécurité et en réclamant du régime irakien qu’il fasse tout pour éviter de donner aux Etats-Unis le moindre prétexte pour le frapper militairement. Parallèlement aux visites des deux responsables irakien et koweitien, le premier ministre Rafic Hariri a eu hier des entretiens au téléphone sur la crise irakienne avec le président français Jacques Chirac, le vice-président syrien Abdel-Halim Khaddam, le ministre égyptien des Affaires étrangères Amr Moussa et le secrétaire général de la Ligue arabe Esmat Abdel-Méguid. Arrivé en matinée à Beyrouth, M. Sahhaf a aussitôt été reçu par le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz. A l’issue d’une conférence de presse commune, il s’est rendu chez le premier ministre, Rafic Hariri, avec lequel il a eu un déjeuner de travail, avant de rencontrer le chef du Parlement, Nabih Berry, puis M. Hraoui à Baabda, auquel il a remis un message du président irakien, Saddam Hussein, avant de quitter Beyrouth à destination de Paris. Boueiz: Une option «aventuriste» Au cours de la conférence de presse au palais Bustros, M. Boueiz a indiqué que le ministre irakien l’a mis au courant de l’évolution de la question de l’inspection par l’ONU de l’armement irakien depuis la fin de la guerre du Golfe (1991). «En se basant sur un certain nombre de données, nous considérons que ce qui a été accompli jusqu’ici sur le plan de l’application des résolutions du Conseil de Sécurité est satisfaisant», a souligné M. Boueiz, avant d’ajouter: «Nous tenons à dire que nous sommes en faveur de l’application de toutes les résolutions du Conseil de Sécurité, mais nous réaffirmons que ce devoir d’application devrait être équitable, juste et global et ne soit pas limité à des pays déterminés». «Nous sommes opposés à l’alternative militaire, parce que nous considérons qu’il s’agirait d’une option aventuriste qui conduirait sans doute la région vers l’inconnu. Certains savent peut-être comment entrer dans cette aventure. Mais je doute que quiconque sache comment en sortir», a poursuivi le chef de la diplomatie. «Nous avons exprimé au ministre (irakien) le souhait que tout soit fait pour qu’aucun prétexte ne puisse être utilisé pour frapper l’Irak et, à travers l’Irak, toute la région», a conclu M. Boueiz. M. Sahhaf a de son côté affirmé que son pays allait faire «tout ce qui est en son pouvoir pour faire réussir la mission» du secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. «Nous sommes en contact quotidien avec M. Annan pour assurer les conditions objectives d’une réussite de sa mission», a-t-il dit. Interrogé par la suite sur le point de savoir s’il allait rencontrer M. Annan à Paris, M. Sahhaf n’a pas répondu directement à la question. «Ma mission dans la capitale française consiste à remettre un message du président Saddam Hussein au président Jacques Chirac. Il n’existe aucune autre mission, mais nous expliquerons notre position en détail aux autorités françaises puisque nous collaborons avec elles en vue de trouver une solution politique définitive» au problème, a expliqué le ministre irakien. Mettant en relief particulièrement les efforts de la Russie et de la France pour un dénouement pacifique de la crise, il a à plusieurs reprises émis l’espoir qu’il n’y aura pas de confrontation militaire, affirmant «apprécier hautement l’appui politique et moral des pays arabes frères et de plusieurs pays du monde». Mise en garde A l’égard des pays arabes qui n’offrent pas cet appui, M. Sahhaf a tenu des propos sévères tout en niant vouloir être menaçant. «Quiconque ouvre actuellement son territoire aux Américains pour faire couler le sang des femmes et des enfants irakiens devra subir les conséquences de son crime. Nous ne proférons aucune menace. Au contraire, nous demandons à nos frères, y compris les Koweitiens, de ne pas servir de base aux armes qui tuent des Irakiens», a-t-il dit. Pressé de questions par les journalistes, le ministre a indiqué que «les résultats des efforts diplomatiques déployés pour trouver une solution à la crise seront connus dans les cinq prochains jours». A la question de savoir s’il y avait une «alliance» syro-irakienne pour contrer l’«axe» israélo-turc et si l’Irak pouvait compter sur un soutien arabe réel en cas d’attaque américaine, M. Sahhaf a fourni une réponse limpide: «Il n’y a, entre l’Irak et la Syrie, aucune alliance contre quiconque. La relation entre les deux pays est très simple. Il s’agit d’un lien très modeste entre deux pays frères, un lien qui, nous l’espérons, se développera, mais qui, pour le moment, se limite à des aspects commerciaux dans le cadre de la résolution 986 («pétrole contre nourriture») du Conseil de Sécurité». Avant son départ de Beyrouth, il a indiqué que ses entretiens ont été «bénéfiques et très fructueux» et souligné que le monde entier était en faveur d’un règlement diplomatique «à l’exception des Etats-Unis». L’émissaire koweitien Pour sa part, le ministre koweitien du Plan a réaffirmé la position de son pays au sujet de la crise irakienne, dans les déclarations qu’il a faites au terme de ses entretiens avec les présidents Hraoui, Berry, Hariri et Boueiz. Tout en affirmant privilégier une solution diplomatique, M. Zamiya a exclu la possibilité que Saddam Hussein accepte de se conformer aux résolutions de l’ONU. Il a rappelé dans ce cadre les pressions internationales exercées sur Bagdad lors de la guerre entre l’Irak et l’Iran puis à la suite de l’invasion du Koweit. «Nous sommes prêts à contribuer à toute solution arabe entreprise sur base de la mise en application des résolutions internationales, mais malheureusement, nous ne pensons pas que le régime irakien réagira favorablement», a-t-il déclaré, en accusant Bagdad d’avoir, «par son comportement», lui-même permis à «l’Occident de s’introduire dans la région». Dans le même ordre d’idées, le responsable koweitien a fait assumer à Saddam Hussein la responsabilité des éventuelles conséquences d’une offensive contre l’Irak. «Nous considérons que les ennemis du monde arabe en général, et pas seulement Israël, profiteront de toute confrontation militaire. Mais cela, il faut le dire au régime irakien, parce que c’est lui qui a entraîné depuis vingt ans la région du Golfe et le monde arabe dans un conflit qui dure jusqu’aujourd’hui», a-t-il dit, en réponse à une question. Prié de dire si le Koweit va permettre que l’attaque contre l’Irak soit menée à partir de son territoire, M. Zamiya a répondu vaguement: «Nous sommes un pays libre conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et à la légalité internationales. Nous n’agirons que sur base des résolutions internationales». Le ministre a vivement critiqué M. Sahhaf pour ses mises en garde contre le Koweit. «Nous souhaitons que l’Irak et son ministre des Affaires étrangères réalisent le danger qui guette leur pays et nous espérerons qu’ils éviteront à leur peuple les catastrophes que causera le refus de se conformer aux résolutions du Conseil de Sécurité». N’est-il pas possible de reléguer au second plan les conflits du passé et se tenir cette fois aux côtés de l’Irak? «Nous ne pouvons pas faire confiance au régime irakien. Nous pensons qu’il récidivera même s’il parvient à se tirer d’affaire cette fois et à se soustraire aux résolutions du Conseil de Sécurité», a-t-il répondu. Le ministre koweitien devait regagner son pays en soirée.
Le ministre irakien des Affaires étrangères Mohammad Saïd al-Sahhaf a annoncé hier à Beyrouth que les résultats des efforts diplomatiques en cours pour régler le conflit entre l’Irak et les Nations Unies seront connus «dans les cinq jours». Il a ajouté dans une mise en garde que les Arabes qui aideront militairement les Américains, en subiront les conséquences. M. Sahhaf...