Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Les constitutions dans les pays arabes : un débat d'actualité

L’écriture — ou la réécriture — des divers textes constitutionnels dans les pays arabes est un phénomène plus ou moins récent qui a été relevé par les observateurs ces dernières années. De grandes modifications ont été introduites dans la plupart des Constitutions dans le sens d’une plus grande modernité, afin que les législations se rapprochent davantage de la réalité vécue des peuples, et adoptent de plus en plus les valeurs des droits de l’homme et des libertés. Même si d’aucuns restent sceptiques quant à leur application effective, ces modifications n’en sont pas moins des avancées en matière de démocratie, et le débat sur cette question est plus que jamais nécessaire. Voilà pourquoi l’évolution des Constitutions dans les pays arabes a fait l’objet d’un congrès, «Les Constitutions des pays arabes» dont la première journée s’est tenue hier, au siège de la Faculté de Droit et des Sciences politiques (FDSP) de l’Université Saint-Joseph. Ce n’est pas un hasard si ce colloque est le premier qu’organise le Centre d’études des droits du monde arabe (CEDROMA), qui a été inauguré en novembre 1997 à la FDSP. D’éminents conférenciers venus de divers Etats arabes ont abordé des questions ayant trait à l’évolution et au contenu des Constitutions dans leurs pays, dont les principaux thèmes sont les droits et les libertés individuelles, le rapport souvent complexe entre l’Islam politique et les régimes en place, et la séparation des pouvoirs. La première journée du colloque a été ouverte en présence de l’ambassadeur de France, Daniel Jouanneau et du ministre de la Justice, Bahige Tabbarah, qui ont prononcé des allocutions, des députés Nassib Lahoud et Camille Ziadé, du bâtonnier Antoine Klimos, et du recteur de l’USJ, le RP Sélim Abou. M. Eric Canal-Forgues, président du CEDROMA et professeur à l’USJ, a présidé la première session (M. François Terré, professeur à l’Université Paris II, a présidé la seconde). Il a expliqué dans son allocution l’essence même, et la nécessité du débat autour des Constitutions, qui connaissent des changements considérables. A son tour, M. Antoine Kheir, membre du Conseil constitutionnel et professeur à l’USJ, a soulevé le problème fondamental de l’Islam politique et de sa conciliation avec la «modernité» à laquelle aspirent les Etats arabes. Il a notamment fait référence à l’Islam comme religion d’Etat, en citant plusieurs cas. Cette question devait être reprise pendant les débats. Ensuite, la parole a été donnée à plusieurs spécialistes qui ont exposé la situation dans leurs pays: Algérie, Jordanie, Maroc, Tunisie, Egypte, Koweit, Liban et Syrie. La majorité des orateurs ont témoigné de récentes évolutions dans la Constitution de leurs pays, par un besoin de modernisation notamment. Au Maroc, par exemple, «la Constitution de 1962 a été révisée cinq fois, et de grandes transformations y ont été apportées en 1992», comme le révèle M. Khalid Naciri, professeur à l’Université Hassan II. La Tunisie et la Jordanie ont également modifié leurs Constitutions à plusieurs reprises, pour des besoins de modernisation ou par réaction à de grands événements. Un autre point sur lequel les orateurs ont insisté: la protection des droits de l’homme, des libertés individuelles et publiques, et la séparation des pouvoirs dans la quasi-totalité des textes constitutionnels. Les intervenants ont lu des passages des Constitutions de leurs pays qui tous reconnaissent les droits et les libertés dans leurs textes. Certaines interventions du public ont relevé la question de l’application pratique de ces droits de l’homme, et l’éducation des peuples en démocratie. Alors que certains conférenciers ont simplement exposé la situation dans leurs pays, d’autres ont jeté un regard critique sur l’applicabilité des Constitutions. M. Hany Dowidar, professeur à l’Université arabe de Beyrouth, a relevé que dans son pays l’Egypte, «la Constitution «définitive» de 1971 obéit à un système socialiste, alors que depuis 1974, l’économie de marché tend à s’installer dans le pays, d’où un décalage entre la Constitution et la réalité sur le terrain, décalage dont le peuple paye le prix». En ce qui concerne l’Algérie, M. Mohammed Bekhechi a déploré que son pays, qui aspire sans cesse à la démocratie, en soit encore privé par le pouvoir du parti unique au lendemain de la libération, et par les problèmes liés au processus électoral. Reste la question fondamentale de l’Islam politique. L’Islam est reconnu comme la religion de l’Etat dans les Constitutions (sauf au Liban), mais le degré d’influence de la charia’a sur les législations varie selon les pays. La Tunisie, elle, a un système judiciaire indépendant. Mais la plupart des systèmes politiques sont une sorte de synthèse entre le système juridique de la charia’a et celui du pays. Quant au cas libanais, sa spécificité a été mise en valeur dans l’intervention de M. Fayez Hage-Chahine, professeur à l’USJ, le Liban étant multiconfessionnel donc ni laïque, ni régi par la majorité. Sa raison d’être est le pacte de vie commune. Enfin, M. Maurizio Oliviero, professeur à l’Université de Pérouse, a remarqué, au cours d’une intervention (lue par M. Canal-Forgues), que les Constitutions des pays arabes «cachent les véritables intentions des dirigeants, puisque ceux-ci n’en tiennent pas vraiment compte». Remarquant une extension de la sphère d’application de la charia’a, il a souligné que «l’important est de s’attacher à l’expérience juridique occidentale sans en reprendre exactement les systèmes». Suzanne BAAKLINI
L’écriture — ou la réécriture — des divers textes constitutionnels dans les pays arabes est un phénomène plus ou moins récent qui a été relevé par les observateurs ces dernières années. De grandes modifications ont été introduites dans la plupart des Constitutions dans le sens d’une plus grande modernité, afin que les législations se rapprochent davantage de la...