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Actualités - ANALYSE

Présidentielles : malgré les injonctions des décideurs, la fièvre commence à monter...

Retour de Damas, un ancien président du Conseil note qu’on n’y parle guère de proroger le mandat de M. Elias Hraoui comme on le faisait en 95… Mais aussi que, pour le moment, les Syriens se soucient des prochaines présidentielles comme d’une guigne et éludent toute question se rapportant à leurs préférences… A son avis, et on voit par là combien il apprécie les décideurs et leur prête de louables intentions, «c’est pour éviter au Liban les retombées économiques négatives que provoquerait la bataille électorale que les Syriens empêchent toute entrée prématurée en campagne». Cet ancien dirigeant reconnaît cependant également que Damas «attend, avant de s’engager, de voir comment les choses vont se décanter sur le plan régional, ainsi que sur le plan local libanais, mais à un moindre degré…», du moment sans doute que, ce plan-ci, est presque parfaitement sous contrôle. On sait en effet qu’au début de l’automne, quand M. Rafic Hariri faisait mine de lancer les enjeux en proclamant — sans que personne ne lui eût rien demandé — qu’il n’y aurait pas de prorogation, Damas a tapé du poing sur la table et intimé aux parties libanaises l’ordre de laisser complètement de côté la question des présidentielles jusqu’à plus ample informé. Mais cet effort de retenue est visiblement au-dessus des forces des intéressés — candidats potentiels et pôles d’influence rivaux — qui s’agitent déjà très vivement en coulisses pour négocier cet important virage de la vie politique locale. Chacun a en effet peur de s’y prendre trop tard, de se retrouver dépassé par les événements ou par les autres et cherche à améliorer ses positions. Les tractations, les rencontres, les pourparlers, les échanges de promesses ou de serments, la mise sur pied de groupes de pression, les chantages camouflés, les propositions les plus biscornues genre Kfarfalous 83, vont dès lors bon train et s’étendent même à l’extérieur ou aux ambassades. C’est ce que l’on baptise communément du nom peu glorieux de «cuisine» préélectorale. Une fébrilité manœuvrière qui empoisonne en sous-main le climat politique local, d’autant qu’elle se greffe sur le débat tendu concernant le budget (et son déficit) de l’année en cours. Cette agitation est d’autant plus regrettable qu’elle est vaine, dans la mesure où ce ne sont pas les Libanais qui tiennent les dés. Et, à ce sujet, on se demande dans les chancelleries comment les rôles vont être distribués cette fois entre les vrais grands électeurs. Il s’agit de savoir plus précisément si les Etats-Unis vont participer directement au choix du futur président aux côtés de la Syrie, s’ils ne vont avoir qu’un droit de regard ou de veto éventuel ou s’ils vont être tenus complètement sur la touche par Damas. Historique La première fois que Washington est intervenu à ce niveau c’était en 1958. Il avait alors envoyé Robert Murphy (prestigieux diplomate qui avait réconcilié de Gaulle et Giraud en 43 à Alger) pour imposer Fouad Chéhab. Une mission d’urgence rendue nécessaire par un «couac» disciplinaire rarissime: l’ambassadeur américain en poste à Beyrouth, ignorant les directives de ses supérieurs, travaillait ouvertement pour un autre candidat! Le général a donc été élu bien qu’au départ la plupart des députés, fidèles à Chamoun, fussent contre ce choix. Les choses s’étant normalisées, Washington a laissé Beyrouth tranquille jusqu’en 76. La guerre battant alors son plein, les Américains ont envoyé Dean Brown pour voir comment arranger les choses et qui choisir pour succéder à Sleiman Frangié. L’émissaire U.S. semblait initialement avoir un petit faible pour Raymond Eddé. Mais le «Amid» a rejeté les conditions posées par Brown, à savoir accepter la présence syrienne, et il s’est de la sorte éliminé de la course, remportée dès lors par Elias Sarkis. En 82, c’est Philip Habib qui était là, aussi bien pour les présidentielles que pour régler l’expulsion d’Arafat. A l’ombre de la vaste occupation israélienne, Washington a avalisé le choix de Béchir Gemayel puis d’Amine Gemayel. Six ans plus tard, retour au «partnership» électoral avec la Syrie. Mais l’envoyé américain, Richard Murphy, bien que s’étant entendu avec les Syriens sur le nom de Mikhaïl Daher, a totalement échoué dans sa mission, du fait du veto opposé par l’Est politique au double diktat étranger. Une manifestation d’indépendance qu’au nom de la vérité historique il faut cependant nuancer: c’est parce qu’Américains et Syriens limitaient le choix à un seul nom et n’en proposaient pas d’autres pour favoriser une compétition ouverte qu’il y avait eu à l’Est un rejet aussi unanime… Réaction étrange de la part d’un diplomate: Murphy, au lieu de temporiser et de composer, s’est énervé et a lancé aux Libanais: «From now on, you’re on your own…!». Et ce n’était même pas vrai! Sans quoi les choses se seraient peut-être arrangées, au lieu que la guerre reprenne de plus belle, rien que pour illustrer une autre menace célèbre de Murphy «ou Daher ou le chaos». On ne fait pas plus aimable… Toujours est-il qu’au sortir de l’impasse, tout le monde — Aoun, Gemayel et Chamoun exceptés —, s’est retrouvé à Taëf et avant même qu’on y aille on savait que le choix, essentiellement béni par Washington, s’était porté sur René Moawad, assassiné peu de temps après sans doute parce qu’il était trop bon patriote. Et il y a eu ensuite comme on sait Elias Hraoui puis Elias Hraoui bis, avec la seule bénédiction de la Syrie et à l’exclusion de tout autre joueur international ou local… La question, après toutes ces expériences, est donc de savoir si Damas va encore faire cavalier seul cette fois ou si Washington aura de nouveau son mot à dire. Et la réponse dépend sans doute en grande partie de l’évolution sur le plan régional qui déterminera également les critères de sélection du futur président… libanais. E. K.
Retour de Damas, un ancien président du Conseil note qu’on n’y parle guère de proroger le mandat de M. Elias Hraoui comme on le faisait en 95… Mais aussi que, pour le moment, les Syriens se soucient des prochaines présidentielles comme d’une guigne et éludent toute question se rapportant à leurs préférences… A son avis, et on voit par là combien il apprécie les...