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Actualités - REPORTAGE

Une mission de l'UNESCO passe au peigne fin Byblos, Baalbeck, Anjar et Kadisha Situation plutôt positive, mais de gros efforts restent à faire ..(photos)

Le patrimoine, cet empêcheur de tourner en rond, a encore frappé! La situation n’est pas critique, elle serait même sur la pente ascendante. On reste cependant encore loin du paradis. Une mission mandatée par l’UNESCO a passé quatre sites au peigne fin. Résultat: manque chronique de coordination entre les différents services de l’Etat; ignorance de la richesse culturelle et économique que représente le patrimoine.
Trois des quatre sites libanais figurant sur la liste du patrimoine mondial sont en examen depuis une semaine par une commission déléguée par l’UNESCO et constituée de MM. Hendrick Van der Kloet, consultant responsable du PNUD à Beyrouth entre 1991 et 1995; Antonio Almagro, architecte chercheur au centre d’études arabes du Conseil supérieur scientifique espagnol de la recherche; et Masayuki Mori, également architecte, fonctionnaire de l’UNESCO détaché auprès de M. Georges Zouein, directeur adjoint du Centre du patrimoine mondial. Mission: assurer le suivi de ces sites archéologiques en constatant leur état de conservation et de gestion ainsi que leur intégration dans un plan de développement général de la région; définir les problèmes posés par ces sites et en discuter avec les responsables; établir un rapport à remettre avant le 30 janvier prochain au Conseil du patrimoine mondial (21 membres mandatés pour six ans) qui publie ensuite un avis.
Les bonnes conservation et gestion des sites patrimoniaux sont des conditions inscrites dans la Convention du patrimoine mondial, créée en 1972 et signée par 150 pays dont le Liban et en vertu de laquelle les sites d’Anjar, de Baalbeck, de Byblos et de Tyr ont été classés.
La mission a passé en revue Byblos, Baalbeck et Anjar. Elle a visité également la vallée de la Kadisha qui fait l’objet d’une demande de classement. Tyr, protégée depuis 1978, manque au tableau: «Ce site a bénéficié d’une mission spéciale il y a peu de temps», explique M. Van der Kloet. «Il nous était, de plus, difficile, pour des questions de temps de l’inclure dans notre périple».
Le Liban n’était pas l’unique objectif de la mission. Quatre sites en Syrie et trois en Jordanie ont été également passés au crible.

Byblos

Le port et la vieille ville de Byblos, menacés par un projet de port de commerce, ont été visités en premier. «La situation du site archéologique, par rapport à il y a quatre ans et compte tenu des moyens disponibles, est en nette amélioration», estime M. Almagro. «Le souci avec Byblos c’est le projet qui prévoit, entre autres, de prolonger la digue actuelle et d’élargir le port», dit M. Van der Kloet. «Les responsables et notamment le ministre du Transport, M. Meskaoui, nous ont assuré qu’aucune décision n’a encore été prise concernant cette construction. Mais ils nous ont également expliqué l’importance économique de ce port». Le responsable de l’UNESCO fait remarquer que la convention de classement stipule bien que les autorités doivent «respecter l’intégrité des sites grâce à une zone-tampon de 300 mètres dans laquelle n’est autorisé aucun changement qui dénaturerait le site. Une telle modification du port de Byblos en altèrerait l’esthétique et peut-être même l’intérêt archéologique». Quant à savoir si en cas d’élargissement, le port de Byblos se verrait rayé de la liste des sites classés, M. Van der Kloet a précisé que «c’est le Conseil pour le patrimoine mondial qui prend une telle décision», mais qu’en tout état de cause, les choses n’en sont pas encore là. «L’avis que donnera le Conseil est consultatif», a-t-il expliqué. «Si le pouvoir national va à l’encontre de cette décision, les conséquences peuvent être très variées: soit une lettre de protestation, soit une décision de conservation ou de reclassement sur la liste des monuments en péril, soit encore le déclassement». Et il constate qu’une telle mesure n’a jamais été prise, à sa connaissance. Antonio Almagro estime, pour sa part, que ce projet ferait subir à Byblos de considérables modifications dans son environnement, sans oublier «qu’un port a des besoins d’accessibilité. Ces plans affecteront forcément l’ensemble du site». Et M. Van der Kloet de remarquer qu’une grande partie du problème vient du fait «qu’il n’y a presque aucune coordination entre les différents services concernés par la conservation du patrimoine, sa gestion et sa mise en valeur. La DGA, les municipalités, les ministères du Tourisme, des Transports ou des Travaux publics... chacun semble travailler dans son coin».

Baalbeck

A Baalbeck, l’entretien est relativement satisfaisant. «Il faudrait faire un effort du point de vue de la gestion du site», relève M. Almagro. «Il faudrait que le circuit de visite soit mieux délimité et qu’il y ait un vrai centre d’accueil des touristes», détaille-t-il. En technicien, il note que les pierres du temple de Bacchus souffrent des effets conjugués de l’eau et du gel. «Nous envisageons de proposer une étude soigneusement menée sur les solutions techniques d’abord et ensuite sur les moyens pour financer l’opération de sauvetage». A l’instar de Byblos, Baalbeck n’a pas été épargné par les constructions dans la zone-tampon. «Il y a notamment une mosquée», dit M. Van der Kloet, avant de noter que «la DGA vient de refuser l’autorisation de construire une école technique près de l’ancienne carrière de pierres monumentales». Et Hendrick Van der Kloet constate que «l’Etat libanais, qui a réussi à éradiquer la culture de la drogue dans la Békaa et à la remplacer par une agriculture nourricière, devrait pousser au développement, dans la région, des secteurs du tourisme et des services».
A Anjar enfin, l’entretien est assuré dans la mesure du possible, «le site étant en partie occupé par des unités de l’armée syrienne», rappelle l’expert.

Kadisha, dossier
en cours

La vallée de la Kadisha, dont le dossier est en instance d’être présenté par les autorités libanaises, serait en bonne voie de classement. «C’est un patrimoine naturel et culturel important qui, malgré la carrière de pierre, est dans l’ensemble encore en bon état», soutient Hendrick Van der Kloet. «Grâce au travail du Comité de Bécharré qui compte des responsables municipaux et des administrés» la vallée a été apprêtée pour être baptisée «classée». «Notons que même quand l’Etat prend en charge un site, la communauté humaine qui y vit doit avoir une part d’action. C’est le seul moyen pour qu’elle se sente concernée». La mission qui a rendu visite au patriarche Sfeir a constaté «l’engagement du clergé dans ce travail de sauvegarde de la vallée sainte, berceau des maronites».
L’état des lieux semble plutôt positif pour les trois experts. M. Almagro estime que «la DGA a consenti de gros efforts et qu’elle est consciente des problèmes concrets qui se posent». Il a estimé qu’en tant qu’expert, il allait appuyer l’idée d’un support actif de l’UNESCO. Les experts proposeront différentes idées de collaboration, dont «un centre pour la conservation des peintures murales et des mosaïques», indique M. Almagro. «Préparer un plan d’assistance technique pour la gestion de Baalbeck et une ébauche de plan pour la Kadisha», souligne pour sa part M. Van der Kloet. «Sans négliger les différentes possibilités de formations»...
Les experts ont insisté sur le fait qu’une bonne coordination entre les différents services est la seule garantie qui puisse encourager les bailleurs de fonds à investir. Et une bonne gestion de tous les sites patrimoniaux culturels et naturels est l’assurance d’une prospérité économique solide... Il est difficile de conserver un site si on n’a pas conscience de la richesse qu’il représente. Le classement des sites archéologiques, loin d’être une mesure répressive, est une base saine pour un développement étudié et rémunérateur.

Aline GEMAYEL
Le patrimoine, cet empêcheur de tourner en rond, a encore frappé! La situation n’est pas critique, elle serait même sur la pente ascendante. On reste cependant encore loin du paradis. Une mission mandatée par l’UNESCO a passé quatre sites au peigne fin. Résultat: manque chronique de coordination entre les différents services de l’Etat; ignorance de la richesse culturelle...