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Actualités - REPORTAGE

A l'Assembly Hall, Abdel Rahman El-Bacha Un talent plus étincelant que jamais...

Il est de ces princes du clavier dont nous guettons avec plaisir le retour en terre natale... On ne présente plus Abdel-Rahman el-Bacha et l’on sait que son compagnonnage avec le piano a quelque chose de passionnel mais relève aussi d’une fervente dévotion.
Pour cette avant-veille des fêtes, présentée par le Centre culturel arabe, il a concocté un programme où se mêlent, avec subtilité, bravoure, panache et sentiments romantiques. Du Beethoven, Chopin et Ravel pour servir un talent plus étincelant que jamais... Tout d’abord les vagues écumantes d’une narration beethovenienne où déferlent l’orage et la tempête d’un cœur épris d’élévation mais n’ignorant rien des redoutables désirs qui entraînent vers une insondable félicité...
Romantisme débridé avec cette sonate No 23 en fa mineur, puissante et fougueuse «appassionata», mais d’où le rêve n’est guère exclu. Pluie diluvienne de notes qui charrient du monde sonore éblouissant où résonnent les échos des espoirs, des déceptions et de la douleur du maître de Bonn. L’«appassionata» dans ses trois mouvements, dont la particularité est d’être entièrement bâtie sur deux thèmes très courts, qu’on appelle habituellement «cellule», est interprétée ici avec une vélocité et une impétuosité à couper le souffle. A la fois radieuse et tourmentée, cette œuvre a, sous les doigts d’el-Bacha, des scintillements captivants et que révèle la force étonnante d’un jeu marmoréen tissé d’émotion contenue, de raffinement, de naturel et de sérénité.
Après ces accords tumultueux, la voix du poète du clavier: Chopin. Après les notes chargées de rêverie et de tendresse d’un «andnate spianato» aux grandes arches sonores, la grande polonaise op.22, brillante, tourbillonnante, éveillait les accents nostalgiques et fiévreux d’un incurable romantique qui n’a jamais cessé de témoigner d’une terre natale dont il s’est douloureusement éloigné... Inépuisable source d’inspiration pour ce poète qui portait le cœur en écharpe, cette «Pologne» a, ici , des images sonores exaltées et exaltantes.
Après l’entracte, el-Bacha a choisi d’interpréter trois (op 9) des 19 «nocturnes» de l’amant de George Sand, qui ont jeté un véritable sortilège sur un auditoire religieusement recueilli pour capter la pulsation secrète de cette narration libre et originale où l’esprit vagabonde, et où les notes se rejoignent comme une kyrielle de lucioles aux rives d’un étang surpris par le tendre velours de la nuit...
Pour terminer, «Gaspard de la nuit» de Maurice Ravel. Ecrit d’après les poèmes d’Aloysius Bertrand, cette œuvre, aux contrastes remarquables, renferme trois pièces: la transparente Ondine avec des effets arpégés liquescents; le Gibet aux harmonies étranges, soutenues par une pédale lancinante et Scarbo — une des partitions pour piano très difficiles — qui dépeint un nain difforme «pirouettant sur un pied». Virtuosité extrême qui demeure toutefois soumise à la recherche de la couleur et de l’expression.
Tempête d’applaudissements d’une salle archicomble qui, malgré un vibrant «bis» gratifié par l’artiste d’une nouvelle polonaise de Chopin, prolongeait avec déférence et gratitude sa «standing ovation»...
Abdel-Rahman el-Bacha, du diamant pur et dur. Il a, devant le clavier, la modestie des grands. Il s’efface et laisse l’instrument parler. Chaque note prend toute sa valeur, incroyablement limpide. Il n’y a plus ni interprète, ni compositeur, juste la musique et ce silence d’une salle littéralement médusée...

Edgar DAVIDIAN
Il est de ces princes du clavier dont nous guettons avec plaisir le retour en terre natale... On ne présente plus Abdel-Rahman el-Bacha et l’on sait que son compagnonnage avec le piano a quelque chose de passionnel mais relève aussi d’une fervente dévotion.Pour cette avant-veille des fêtes, présentée par le Centre culturel arabe, il a concocté un programme où se mêlent,...