Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Salem entendra demain des techniciens de la compagnie et jeudi les membres de la commision juridique L'affaire MEA : un puzzle que le Parquet tente de reconstituer pièce par pièce

Que fait donc la justice? Cette question est sur toutes les lèvres depuis que l’enquête sur la location de trois avions Airbus par la MEA semble faire du surplace. Pourtant, le Parquet travaille d’arrache-pied à tenter de démêler l’écheveau compliqué de cette transaction suspecte. A tel point que samedi, alors qu’il attendait l’issue de la confrontation entre le PDG de la compagnie, M. Khaled Salam, et M. Mahfouz Skayné, le membre de son conseil d’administration, effectuée par le général Béchara Salem, chef de la brigade criminelle, le procureur général Adnane Addoum a déclaré: «C’est un puzzle que nous essayons de reconstituer, pièce par pièce».
De son côté, le général Salem et à l’issue d’une épuisante journée d’auditions — qui s’est terminée à 17h30 — a précisé que «l’enquête progresse lentement parce que ceux qui ont établi le contrat sont très intelligents. Mais nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout».
Apparemment — et au bout de deux semaines d’investigations — le Parquet semble pencher pour l’existence de commissions dans le contrat de bail conclu par la MEA avec la Singapore Airlines, le 4 juillet dernier. Ce qui entraînerait la résiliation du contrat. Même si M. Addoum n’exclut pas la possibilité qu’en définitive, tout soit correct et que «l’affaire MEA» ne soit qu’une tempête dans un verre d’eau.
Pour l’instant, les questions du général Salem aux multiples personnes qu’il a déjà entendues portent sur le contrat en lui-même et les personnes qui en étaient informées. Selon les sources de la MEA, les membres du conseil d’administration n’auraient pas eu connaissance du contrat et se seraient contentés d’en discuter les conditions. D’ailleurs, au cours de l’un des conseils d’administration de la compagnie, tenu après le début de la crise des «Airbus», les 11 membres auraient déclaré qu’ils n’étaient pas responsables de ce contrat, alors que le PDG, M. Khaled Salam, qui, en principe, a reçu un mandat pour négocier la transaction, aurait refusé de signer le procès-verbal de la réunion.
De plus, aussi bien M. Mahfouz Skayné que M. Hussein Kanaan (membres du conseil d’administration) auraient déclaré au général Salem que M. Salam n’avait pas carte blanche pour négocier le contrat et qu’il aurait par conséquent dû consulter le conseil d’administration avant de le signer. Ce qu’il n’aurait pas fait. De plus, selon M. Salam, le contrat aurait été signé à Bey-routh, mais le Parquet essaie de vérifier cela, d’autant qu’on ignore encore l’identité des représentants de la Singapore Airlines au Moyen- Orient ou au Liban.
Tout cela ne signifie nullement qu’il y a eu versements de commissions dans la transaction avec la MEA. Mais le Parquet affirme vouloir vérifier toutes les données, pour s’assurer de la validité de ce contrat, surtout après les protestations de la Banque centrale, principal actionnaire et bailleur de fonds de la MEA, qui souhaiterait le résilier.
Selon des sources proches de la MEA, si le contrat a été conclu aux îles Maurices, c’est parce que la compagnie libanaise l’aurait exigé, ce lieu étant un paradis fiscal. Elle aurait alors demandé à la Singapore Airlines si elle a un représentant là-bas et celle-ci aurait indiqué la Singapore Mauritius, qui est une de ses filiales. Il n’ y aurait donc là rien de très compromettant. Mais il n’en reste pas moins que la MEA a loué les avions pour 5 ans à 39 millions de dollars, alors que la Singapore Airlines les a ensuite vendus à la SALE (Singapore Aircraft Leasing Enterprise) à 45 millions de dollars. C’est d’ailleurs cela qui dérange la Banque centrale, d’autant qu’à ce stade des investigations, peu de gens semblent au courant des détails du contrat.

Divergences entre
les dépositions

Certaines personnes entendues par le général Salem auraient laissé entendre que les trois avions loués ne seraient pas en bon état. C’est pourquoi le chef de la brigade criminelle a convoqué, pour demain mardi, la commission technique qui aurait examiné les avions avant la signature du contrat de bail. Elle est formée des techniciens Iskandar Nahas, Nazareth Agchakarian, Antoine Tehoumi et Antoine Massoud. Le général a aussi convoqué MM. Khaled Salam et Youssef Lahoud, afin de procéder à de nouvelles confrontations. Jusqu’à présent, celles qui ont été réalisées entre M. Salam et M. Skayné ne semblent pas avoir été concluantes. En effet, selon des sources judiciaires, il y aurait d’importantes divergences entre les dépositions des différents membres du conseil d’administration entendus et celles du PDG, mais il n’a pas encore été possible de savoir où réside la vérité.
Jeudi, le général entendra les deux membres de la commission juridique de la MEA, MM. Semrani et Mallat, qui auraient supervisé la rédaction du contrat, afin d’en connaître les différentes étapes.
Le général Salem — qui a quitté le Palais de justice à 17h30 samedi, visiblement épuisé — estime qu’il aboutira certainement à un résultat, mais cela prendra du temps, car les vérifications sont longues et délicates. Les parties impliquées se trouvent en effet aux quatre coins du monde et il y a encore plusieurs inconnues, dont les rôles de Sélim Salam, fils du PDG de la MEA, et Marwan Bardawil, placé en garde à vue depuis 15 jours, aux arrêts du Palais de justice.
Officiellement, Sélim Salam travaille à la Banque American Express à New York qui s’occupe de financer les transactions portant sur l’achat, la vente ou la location d’avions. A partir d’un billet d’avion, le Parquet a appris que Sélim Salam se trouvait à Singapour dans la période qui a précédé la transaction de la MEA. Après la vérification de son passeport, il est apparu qu’il se trouvait sur place en septembre 96, alors que les négociations entre la MEA et la Singapore Airlines ont commencé en février 97. Interrogé par le Parquet, Sélim Salam a déclaré qu’il s’est rendu sur place, envoyé par ses supérieurs pour le compte d’une compagnie aérienne, la SILK Air qui voulait acheter des avions. Le général Salem lui aurait demandé de fournir une lettre de la Banque American Express pour corroborer ses dires.
Le sort de
Marwan Bardawil

Et Marwan Bardawil — de la Bardawil Aviation, une société de services libanaise offshore, basée à Dubaï — en garde à vue depuis deux semaines? Selon le Parquet, il pourrait être impliqué dans la transaction, puisqu’avec son père, il est le représentant de la Boullioun, qui possède le tiers des actions de la compagnie qui a racheté les avions loués à la MEA, la SALE. Le Parquet pense aussi qu’il pourrait avoir des informations sur la transaction et il l’a placé en garde à vue pour les besoins de l’enquête. Mais ses avocats, MM. Badawi Abou Dib, Joe Khoury-Hélou, Antoine Abou Dib et Assaad Najm, soutiennent qu’il n’a rien à voir avec cette affaire et que les sommes qu’avec son père il a touché de la Boullioun ne sont que des honoraires. En principe, le Parquet devrait décider mardi soit de le relâcher, soit d’engager des poursuites contre lui. Selon des sources judiciaires, la balance pencherait pour sa remise en liberté, d’autant que, selon les avocats, la Boullioun (une société américaine) aurait envoyé un message au Parquet dans lequel elle clarifie le rôle des Bardawil.
Et Youssef Lahoud, le directeur général de la MEA? Il a attendu, samedi, pour la troisième fois, au Palais de justice. Gardant le sourire, malgré la longue attente, il a fait de temps en temps les cent pas dans le petit espace devant le bureau du général Salem, lançant aux cameramen qui le filmaient: «J’ai désormais appris comment marcher devant les caméras...» Youssef Lahoud a été confronté samedi à M. Khaled Salam et il est de nouveau convoqué mardi.
Demain donc, «la journée-MEA» au Palais de justice s’annonce longue et comme elle sera suivie jeudi d’une autre série d’auditions, les employés de la MEA sont de plus en plus inquiets. Non seulement, le PDG et le directeur général sont mobilisés au Palais de justice deux à trois fois par semaine, mais de plus, un climat de suspicion et de méfiance règne désormais entre les membres du conseil d’administration. Ainsi, pour discuter l’ouverture d’une nouvelle ligne aérienne Beyrouth-Colombo, chacun d’eux a voulu consulter son avocat et plus rien ne fonctionne normalement au sein de la compagnie. Le but de cette affaire serait-il de porter atteinte à la MEA, qui pendant les années de guerre et alors que les ambassades officielles étaient plus ou moins paralysées, est restée le seul symbole du Liban uni? De plus en plus de personnes commencent à se poser des questions: trois scandales en même temps (MEA, Intra, Casino) et une troïka présidentielle, l’équation prête à équivoque.

Scarlett HADDAD
Que fait donc la justice? Cette question est sur toutes les lèvres depuis que l’enquête sur la location de trois avions Airbus par la MEA semble faire du surplace. Pourtant, le Parquet travaille d’arrache-pied à tenter de démêler l’écheveau compliqué de cette transaction suspecte. A tel point que samedi, alors qu’il attendait l’issue de la confrontation entre le PDG de...