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Actualités - DISCOURS

Lors d'une cérémonie à Zghorta en souvenir de son époux assassiné en 1989 Nayla Moawad : le Taëf de René Moawad n'est pas celui que nous vivons aujourd'hui

Face à un grand échantillon de la classe politique, face aux responsables — certains présents physiquement et d’autres s’étant fait représenter —, Mme Nayla Moawad, député de Zghorta, s’est livrée dimanche, au nom de son époux René Moawad, assassiné un 22 novembre il y a huit ans, à une violente diatribe contre les dirigeants, les accusant d’avoir rendu méconnaissables les accords de Taef, de plonger le pays dans les intérêts «affairistes», de restreindre les libertés, et de «jouer sur les contradictions de la société libanaise».
Mme Moawad a tenu ces propos dans un discours qu’elle a prononcé à l’issue d’une messe à Zghorta à la mémoire de René Moawad, mort victime d’un attentat à la bombe.
Le chef de l’Etat Elias Hraoui était représenté par le ministre d’Etat Michel Eddé, le chef du gouvernement Rafic Hariri par son suppléant aux Finances Fouad Siniora et le président de la Chambre par le vice-président Elie Ferzli.
Ont assisté à la cérémonie l’ancien premier ministre Sélim Hoss, l’ex-président de la Chambre Hussein Husseini, les ministres Sleiman Frangié, Jean Obeid et Anouar el-Khalil, un représentant du ministre Ayoub Hmayed, et les députés Ahmad Karamé, Ahmad Fatfat, Riad Sarraf, Nicolas Ghosn, Fayez Ghosn, Marwane Hamadé, Abdo Bejjani, Emile Naufal, Georges Dib Nehmé, Pierre Daccache, Sayed Akl, Estéphan Doueihy, Khalil Hraoui, Abdellatif Kabbara, Jihad Samad, Raji Abouhaidar, Chaker Abou Sleiman, Farid Mékari, Kabalan Issa el-Khoury, Maurice Fadel, Gebrane Tok, Saleh Kheir, Wajih Baarini et Misbah el Ahdab, ainsi que des représentants des députés Boutros Harb, Tammam Salam et Robert Ghanem.
Etaient également présents, le président de la Ligue maronite Pierre Hélou, le chef du Parti national libéral Dory Chamoun, le directeur de notre confrère An-Nahar Gebrane Tuéni, les anciens députés Mahmoud Ammar, Chafic Badre, Karim Racy et Sobhi Yaghi, l’ambassadeur des Etats-Unis Richard Jones et des représentants du roi Hussein de Jordanie et du souverain du Maroc Hassan II. L’ambassadeur de France Daniel Jouanneau était représenté par le chef du protocole et attaché de presse à l’ambassade François Abisaab.
Une délégation syrienne, conduite par un émissaire du président Hafez el-Assad, Wahib Fadel, et comprenant notamment le chef des services de renseignements syriens au Liban Ghazi Kanaan, a également assisté à la cérémonie.
La messe a été célébrée par Mgr Boulos Saadé, vicaire patriarcal pour Batroun.
Prenant la parole après l’homélie de l’officiant, Mme Moawad a ouvert le feu dès ses premiers mots, accusant implicitement les dirigeants de «s’efforcer d’effacer le souvenir» de René Moawad et d’avoir «voulu assassiner la République» qu’il représentait.
«Je vais vous dire très franchement, ce que tous les Libanais ne font que chuchoter: le Taëf de René Moawad n’est pas le Taëf que nous vivons aujourd’hui. Son Taëf, comme il l’a décrit, n’exclut personne, pas même ceux qui insistent pour s’en exclure eux-mêmes. Leur Taëf ne séduit personne, pas même ceux qui essayent de s’en convaincre», a-t-elle lancé.
Selon elle, «l’entente nationale n’est pas une entente entre ceux qui prétendent représenter les communautés autour d’intérêts affairistes. L’entente, c’est l’accord fondé sur des valeurs communes qui s’incarnent dans un projet de société sur la base duquel nous construisons l’Etat et la nation».
«Le Liban n’aurait ni sens ni entité s’il n’incarnait ces valeurs essentielles de la vie en commun, à savoir la liberté, la justice et l’équilibre social», a-t-elle poursuivi, soulignant que «la Constitution souscrit à ces valeurs et donne à l’Etat les compétences et les prérogatives pour les protéger».
«Que font les hommes au pouvoir pour convaincre les Libanais que l’Etat est vraiment la seule alternative aux allégeances confessionnelles et familiales? Est-ce en excluant les autres ou en appliquant la règle des deux poids deux mesures?» s’est interrogé Mme Moawad, «en constatant que le pouvoir interdit un regroupement en faveur des élections municipales et se retrouve impuissant devant des manifestations armées qui défient le régime».
«Ils interdisent un regroupement pacifique organisé par les syndicats pour obtenir aux travailleurs le droit à un niveau de vie digne et protègent des regroupements de clientèles qui applaudissent aux seigneurs et aux hommes au pouvoir».
«Combien de citoyens n’ont-ils pas été arrêtés, interrogés, malmenés et menacés pour des convictions muettes qui ne convenaient pas aux gens au pouvoir, comme si la liberté d’opinion était un crime dans mon pays. Cette discrimination touche le citoyen jusque dans son train de vie quotidien: certaines régions subissent le poids des facteurs et des mesures officielles alors que d’autres ressemblent à des réserves gardées où il est interdit aux fonctionnaires de l’Etat de mettre les pieds. Les citoyens proches du pouvoir sont des citoyens de première classe qui bénéficient de tous les bienfaits de l’Etat. Alors que les autres ne connaissent de l’Etat que les impôts, l’oppression et la misère», a-t-elle ajouté.
Critiquant la loi sur les naturalisations et les mesures régissant l’audiovisuel, elle s’est interrogée sur les causes de «l’interdiction de l’apparition sur certains écrans de télévision de l’épouse de René Moawad et de nombreux politiques».

Un budget «transparent»

Abordant la crise économique et sociale, Mme Moawad a estimé «inacceptable, au vu de la crise étouffante, que le gouvernement vienne nous proposer un budget qui, comme à l’habitude, manque de transparence et ne laisse la place à aucun contrôle contre la spoliation de l’argent public».
«L’état exceptionnel que nous vivons requiert un budget exceptionnel traduisant une politique d’austérité qui s’imposerait à tout le monde. A tous sans exception», a-t-elle souligné.
«Je demande au gouvernement de prendre des mesures audacieuses pour mettre un terme à la dilapidation des deniers publics, comme je réclame la transparence la plus totale. Autrement, le peuple va refuser de se tenir à cette politique d’austérité, et le gouvernement portera la lourde responsabilité d’une catastrophe économique et sociale», selon elle.
Après avoir énuméré ce qu’elle considère comme des manquements de la part de l’Etat à l’égard de la région du Liban-Nord, Mme Moawad s’est demandé pourquoi le gouvernement a recours «à l’improvisation et aux défis dans chaque proposition qu’il fait».
«Pourquoi jouer sur les contradictions de notre société plutôt que d’incarner ses ambitions et la réalité de ses convictions»? a-t-elle dit.
Elle a enfin estimé nécessaire d’œuvrer en vue d’enraciner «nos relations privilégiées avec la Syrie au niveau du gouvernement et du peuple et confirmer la concomitance des deux volets dans les négociations de paix».
Elle a néanmoins averti qu’il ne saurait y avoir d’avenir aux relations libano-syriennes «que dans le respect de l’allégeance à la patrie». «Et ici, je fais assumer une responsabilité historique à ceux qui se prétendent les garants de cette relation parce qu’ils torpillent les bases et les vérités historiques, géographiques et politiques qui imposent cette relation».
«Je mets en garde contre son usage dans nos conflits internes. Cela mènerait à une catastrophe dont le Liban paierait le prix ainsi que la Syrie. Pour cette raison nous ne devons accepter en aucun cas que cette relation reste sous l’emprise de ceux qui l’utilisent à leurs fins propres», a-t-elle insisté.
Face à un grand échantillon de la classe politique, face aux responsables — certains présents physiquement et d’autres s’étant fait représenter —, Mme Nayla Moawad, député de Zghorta, s’est livrée dimanche, au nom de son époux René Moawad, assassiné un 22 novembre il y a huit ans, à une violente diatribe contre les dirigeants, les accusant d’avoir rendu...