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Actualités - ANALYSE

Hariri-Berry : un accord étrange qui laisse de côté l'essentiel

C’est un véritable imbroglio: à cor et à cris, toutes griffes dehors, les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri se sont déchirés des semaines durant au sujet des finances publiques, du Budget 98 et du «barème numéro neuf». Puis ils se réconcilient et tout sourires annoncent un accord en six points dont aucun ne porte sur l’objet du litige! Même les plus chevronnés des politiciens qui ont vu tant de bizarreries dans leur carrière, se grattent l’occiput perplexes devant cette «solution» en se disant qu’il doit y avoir sans doute un autre accord, gardé secret, réglant le conflit sur les taxes…
Du reste, même les six points, comment être sûr qu’ils vont être respectés, comment savoir si au fond les deux hommes n’ont conclu qu’une trêve plus ou moins durable, pour s’entraccuser ensuite d’avoir rompu l’accord et reprendre de plus belle leur bras de fer…
Car le ver est dans le fruit: l’arrangement prévoit que les élections municipales auraient lieu en avril prochain; s’il en était vraiment ainsi cela voudrait dire à la fois qu’il n’y aurait ni présidentielles anticipées ni prorogation du mandat de M. Elias Hraoui, pour des raisons à la fois pratiques et politiques… Toujours en ce qui concerne les municipales, si on devait suivre la recommandation du chef de l’Etat qui pense qu’il vaut mieux ne pas organiser d’élections dans les villages de l’enclave occupée au Sud par Israël, et probablement aussi dans les villages de la montagne où les déplacés ne sont toujours pas retournés, cela signifierait que plus d’un tiers des localités libanaises resteraient toujours sans conseils municipaux…

Questions

Les autres points de l’accord rendent tout aussi dubitatifs les observateurs: comment, avec quel appareil, avec quel personnel, va-t-on appliquer le contrôle convenu sur les institutions publiques, dont les Caisses, les Conseils et les municipalités? Comment va-t-on régler le mouvement de rotation intercommunautaire pour les postes de première catégorie sans provoquer un assourdissant tollé, une levée de boucliers généralisée des communautés et de leurs hérauts politiques si influents sur la scène locale? Comment va-t-on soudainement se retrouver en mesure d’endiguer le gaspillage des deniers publics et d’éradiquer la corruption et pense-t-on qu’en mutant certains pourris on aura résolu le problème? L’on parle de même de mouvement administratif, mais ne serait-il pas plus logique et plus efficace d’attendre la mise en place l’an prochain d’un nouveau régime et d’un nouveau gouvernement qui de toute façon voudront sans doute faire procéder à tout un tas de nominations et de transferts dans les postes-clés de l’Administration? Toujours dans ce cadre, comment prendre au sérieux les dirigeants quand ils soutiennent que désormais on ne retiendra que le critère de compétence dans les désignations: d’une part cette compétence où la trouver, surtout quand on promet de ne nommer que des fonctionnaires du cadre; et d’autre part il est trop tard, tout est pourvu ou presque, sur des bases de clientélisme politique où les signataires intéressés ont autant leur part que leur responsabilité…
Quant à l’histoire du Bureau national des médicaments, elle traîne depuis le temps du président Fouad Chehab et tous les régimes, tous les gouvernements qui ont défilé se sont engagés la main sur le cœur à lui donner enfin corps, sans qu’on ne voie jamais rien venir. On peut certes aujourd’hui faire un effort pour croire aux promesses renouvelées à ce sujet; mais on ne peut s’empêcher de penser qu’un Etat qui cherche à réduire son déficit budgétaire et à faire le plus d’économie possible ne va pas vraiment s’engager dans un projet aussi coûteux que ce Bureau…

Mais pour le fond, et n’importe quel citoyen en est conscient, si les deux présidents ont bien voulu reconnaître implicitement par leur accord que le Budget, qu’ils ont ignoré superbement, n’était qu’un faux prétexte pour leur querelle, les six sujets sur lesquels ils se sont entendus ne forment pas non plus le fond du contentieux qui les oppose. Et qui a pour nom: présidentielles… Tout le monde sait aussi, et surtout, que c’est sous la contrainte, la pression des décideurs, que les deux hommes se sont réconciliés. Alors il faudra voir si cela va durer…

E.K.
C’est un véritable imbroglio: à cor et à cris, toutes griffes dehors, les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri se sont déchirés des semaines durant au sujet des finances publiques, du Budget 98 et du «barème numéro neuf». Puis ils se réconcilient et tout sourires annoncent un accord en six points dont aucun ne porte sur l’objet du litige! Même les plus chevronnés des...