Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Les procès d'intention mutuels ont atteint un paroxysme

Selon un député, dont les sympathies ne sont pas excessivement gouvernementales, «après la chute en Conseil des ministres, sur recommandation du président de la Chambre, de l’emprunt des huit cent millions de dollars, les haririens ont vu si rouge qu’il est très difficile de les apaiser. Ce pactole qui leur passe sous le nez, ils n’en reviennent pas. Ils veulent à tout prix rendre coup pour coup et ce ne sera donc pas de sitôt, à moins d’un miracle syrien, que le calme reviendra sur la scène politique locale...» Ce parlementaire redoute que, «dans leur soif de revanche, les haririens ne s’arrangent pour transposer leurs mouvements tactiques dans le domaine financier et monétaire, qui est leur fort, voire leur chasse gardée, ce qui aggraverait encore plus la crise socio-économique ambiante. Ils pourraient ainsi laisser exprès la livre vaciller, pour rappeler qu’ils sont seuls capables de la soutenir. Ce serait d’autant plus dangereux que le conflit politique pourrait durer assez longtemps et ne pas être réglé en quelques jours».
Mais un autre député qui n’oublie pas ce que pour sa part il doit au président du Conseil affirme qu’on a «cherché noise à M. Hariri pour des raisons essentiellement politiciennes et non pour sa gestion économique qui, jusqu’à la fin de l’été, n’était contestée que par l’opposition radicale, les amalistes ne trouvant pour leur part rien à y redire, du moment que le Conseil du Sud pouvait dépenser autant qu’il voulait, ce dont il ne s’est pas privé, son passif finissant par atteindre les 50 millions de dollars...» Et d’ajouter que «certains n’ont jamais gobé l’idée d’un Hariri salvateur et cela fait en réalité depuis son avènement, depuis cinq ans, qu’ils luttent contre lui et lui en font voir de toutes les couleurs, tantôt à visage découvert et tantôt de manière plus sournoise... Il reste que s’ils ont tendance à mélanger les genres, ce n’est pas le style de la maison du côté de Koraytem et M. Hariri, comme il le répète depuis cinq ans, n’est prêt à laisser personne s’amuser avec la stabilité de la livre et ce n’est certainement pas lui qui va exploiter une carte où il a placé toute sa crédibilité».
Un hraouiste, candidement cynique, se frotte les mains pour sa part en notant que, «par leur querelle, MM. Berry et Hariri sont en train de tirer les marrons du feu pour nous. Ils se déchirent en effet essentiellement, c’est très visible, à cause des prochaines présidentielles. Et s’ils continuent de la sorte il est probable que les décideurs, pour ne pas avoir à se casser la tête et à trancher entre ces deux pôles, vont proposer comme compromis une nouvelle prorogation du mandat de M. Hraoui qui courrait pour trois bonnes années encore... Même si cela ne devait pas être, aujourd’hui nous nous retrouvons en position d’arbitres-conciliateurs, ce qui fait de nous de futurs électeurs privilégiés lors des présidentielles, alors qu’il y a quelques semaines, lors du voyage du président de la République au Brésil par exemple, la partie mahométane du pouvoir était liguée contre nous».
A quelque chose ou à quelqu’un malheur est donc bon... si l’on veut oublier la gravité de l’heure vue sous l’angle socio-économique. Une crise ou un malaise sur lesquel insistent toutes les parties en conflit, tout en se refusant à y apporter le premier des traitements, à savoir l’arrêt des prises de bec politiciennes.

Critique acerbe de Boueiz

Pour sa part, M. Farès Boueiz, qui est comme on sait l’un des principaux ministres opposés à la ligne Hariri, affirme en substance que «la situation dans laquelle nous nous trouvons résulte d’une accumulation d’erreurs ou de fautes commises pendant cinq ans. Le gouvernement, ou plutôt certains de ses membres, ont joué pendant ce temps-là les faux témoins car les chiffres leur étaient cachés et ils étaient tenus dans l’ignorance de ce qui se passait vraiment. Quand on posait la question à M. Hariri il répondait invariablement par un «ça va...» et jamais le Conseil des ministres n’a été réuni pour un round-up global».
«Pourquoi veut-on aujourd’hui, poursuit M. Boueiz, que des ministres et un gouvernement que l’on avait réduits au rôle de faux témoins assument la responsabilité de la situation à laquelle le pays est parvenu? La crise économique est sévère. Elle nécessite un traitement radical de fond, impliquant un plan bien étudié. L’improvisation n’est pas plus admissible que les mesures dilatoires de fuite en avant ou les palliatifs».
Le ministre des Affaires étrangères croit pouvoir rappeler ensuite, toujours en substance, que «lorsqu’on a fait appel à M. Rafic Hariri c’était essentiellement pour des raisons économiques que l’on peut résumer de la sorte:
— L’homme était en mesure de faire investir au Liban, notamment dans des projets de développement ou de reconstruction des capitalistes du Golfe arabe.
— Il pouvait réactiver les aides arabes, notamment le Fonds créé à Taëf ainsi que celui de la Ligue arabe, après que le sommet arabe tenu au Maroc eut dévolu sur le papier deux milliards de dollars, dont le Liban n’a reçu à ce jour que 250 millions.
— D’une façon générale, on misait sur la confiance que M. Hariri inspirait au dehors et pouvait attirer les investisseurs.
— On considérait de même qu’il pouvait redresser et stabiliser la livre qui effectivement en avait besoin ayant beaucoup chuté sous le gouvernement de M. Omar Karamé. De fait, dit M. Boueiz, M. Hariri a réussi sur ce point, mais on s’aperçoit aujourd’hui que c’est en puisant dans la poche du Libanais. Car ce soutien à la monnaie a coûté 9 milliards de dollars. Et sur une dette publique qui atteint les 13 milliards de dollars, 3 milliards seulement ont été affectés à la réalisation de projets. Le recours aux bons du Trésor pour appuyer la livre a creusé considérablement le déficit budgétaire. Et quant aux autres raisons qui avaient motivé le recours à M. Hariri en 92 elles se sont révélées infondées: ni les Arabes ou les amis n’ont donné des aides et ni les capitaux ne sont revenus».
Toujours est-il que, comme tout le monde le sait, la solution ne passe pas par un départ de M. Hariri: même si lui-même le voulait, cela reste prohibé...
Cependant un modéré se montrait quant à lui, hier matin, plutôt optimiste «car, affirme-t-il, MM. Berry et Hariri ont l’air également décidé à crever l’abcès et à n’avoir de cesse de parvenir à un arrangement, même si leurs rencontres sont encore houleuses. Le happy end, conclut-il, devrait intervenir avant le débat sur le budget, donc avant la fin de l’année».
Ph. A.-A.
Selon un député, dont les sympathies ne sont pas excessivement gouvernementales, «après la chute en Conseil des ministres, sur recommandation du président de la Chambre, de l’emprunt des huit cent millions de dollars, les haririens ont vu si rouge qu’il est très difficile de les apaiser. Ce pactole qui leur passe sous le nez, ils n’en reviennent pas. Ils veulent à tout...