Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Le budget 1998 approuvé en conseil des ministres Hariri : une collecte intégrale des taxes et impôts, la clef de voûte de finances saines (photo)


Hariri: Une collecte intégrale des taxes et impôts, la clef de voûte de finances saines

Un épilogue heureux a été apporté à deux semaines de tension entre l’Exécutif et le Législatif, qui avait culminé lors du rejet d’un plan d’emprunt de 800 millions de dollars que comptait mettre en œuvre le gouvernement. Réuni hier pour sa troisième séance de la semaine, le Conseil des ministres a approuvé le budget de l’année 1998, un jour avant la date constitutionnelle limite de lundi (10 jours avant le début de la session ordinaire d’automne du Parlement). Ce budget prévisionnel a été établi à 7.325 milliards de L.L. (environ 5 milliards de dollars), avec un déficit prévu de 37,5%. Le service de la dette, 3.200 milliards de L.L., fait à lui seul presque la moitié du budget.
Il semble que le déblocage du débat sur le budget — qui paraissait la veille dans l’impasse en raison des coupes jugées trop drastiques effectuées dans les budgets des ministres membres du mouvement Amal, — soit le résultat d’un «marché» conclu entre MM. Hariri et Berry comprenant, entre autres, le Conseil du Sud, mais dont on ne connaîtra vraisemblablement les termes exacts que dans quelques semaines.
Annonçant les chiffres du nouveau budget, M. Hariri a précisé que les recettes doivent s’élever à 4.956 milliards de L.L. (3,2 milliards de dollars). «Le déficit sera donc de 2.969 milliards de L.L. (1,9 milliard de dollars), soit environ 37,46%», a-t-il ajouté. Ce déficit est en ce moment la grande hantise aussi bien du gouvernement que de l’ensemble de la classe politique, qui redoute un endettement trop lourd pour le Liban, susceptible de l’engager sur la voie de l’inflation plutôt que sur la voie du redressement.
En comparaison, le budget pour 1997 s’élevait à 6.433 milliards de L.L., avec un déficit prévu de 36,6%. Ce déficit est cependant actuellement de plus de 50%, en raison des dépenses excédentaires effectuées indépendamment du budget, et d’un système de collecte déficient.
L’exercice tout entier est un «budget d’austérité» dans lequel les dépenses de presque tous les ministères ont été réduits — en termes relatifs —, de 30%. Ces coupes ont toutefois relativement épargné les ministères de la Santé et des Travaux publics.
Effort de transparence: en annonçant le chiffre du budget, le président du Conseil a affirmé que, pour la première fois, celui-ci comprenait les dépenses extrabudgétaires, telles que les reliquats et les dépenses municipales, qui représentent au total 550 milliards de L.L.. Il s’est félicité par ailleurs de ce que le service de la dette (3.200 milliards de L.L.) soit inférieur aux recettes prévues, formulant l’espoir que l’excédent ainsi réalisé pourra contribuer à l’allègement subséquent de la dette.
M. Hariri a affirmé par ailleurs qu’il veillera «personnellement» à contrôler, «mensuellement», les recettes budgétaires que les ministres devront se faire un devoir de contrôler, afin qu’elles correspondent effectivement aux prévisions.
Le président du Conseil s’est montré visiblement détendu. Il a assuré avoirconscience d’avoir «placé le pays sur les rails», en répartissant les recettes escomptées sur divers secteurs, et en soulignant une fois pour toute l’importance d’une collecte intégrale des taxes et impôts, clef de voute de finances saines non seulement pour l’exercice budgétaire en cours, mais pour toutes les années à venir.
M. Hariri a également souligné que le contrôle des dépenses était «un effort permanent, qui devra se renouveler chaque jour». Tout en admettant que les 300 inspecteurs que l’Etat vient d’engager aux Finances et à la Santé représentent une «dépense supplémentaire», il a souligné que cette dépense allait rendre possible une amélioration notable de la perception des recettes et un contrôle plus rigoureux des dépenses. Par contre, M. Hariri a été formel, en affirmant qu’il n’y aura plus, désormais, d’avances du Trésor.
L’adoption du projet de budget s’est fait à l’issue d’une journée de rencontres bilatérales entre le chef du gouvernement et les ministres, comme entre ces derniers et le ministre d’Etat aux Finances Fouad Siniora. Ces rencontres ont suivi un entretien téléphonique «providentiel» entre M. Hariri et le président de l’Assemblée, M. Nabih Berry, alité avec un problème dorsal. Un entretien qui semble avoir fait disparaître, comme par enchantement, les obstacles qui se dressaient devant le gouvernement, hier encore accusé d’un comportement «punitif» à l’égard des ministres proches de M. Berry.
L’approbation du budget de 1998 appelle plusieurs commentaires. Le premier est qu’aucun budget n’a été fixé pour le ministère des Déplacés. Une somme de 10 milliards de L.L. affectée à la Caisse des déplacés a été jugée «dérisoire» par rapport aux besoins, et a été mise par M. Walid Joumblatt à la disposition du président du Conseil, qui l’utilisera pour combler quelques trous dans d’autres budgets. Il faut donc prévoir que le financement de ce département, dont l’action figure en tête des préoccupations nationales, devra être examiné indépendamment du projet de budget. C’est aux yeux de beaucoup la voie ouverte à une surtaxe sur l’essence, rejetée une première fois en Conseil des ministres. Les milieux proches de M. Berry assurent, cependant, qu’aucun accord n’existe à ce sujet entre le président de l’Assemblée et M. Hariri. Ce dernier lui-même serait convaincu de la nécessité de diversifier les sources de recettes.
Or, précisément, le projet de budget a été approuvé en même temps qu’une série de nouvelles taxes portant sur la «mécanique» des véhicules (dont le seuil a été fixé à 150.000 L.L.), les passeports (50.000 L.L. par an), le permis de séjour et le permis de travail des étrangers, la succession et les droits d’inscription à l’Université libanaise (concours d’entrée, 50.000 L.L., inscription à l’examen, 250.000 L.L., librairie, 50.000 L.L., laboratoire, 100.000 L.L.), de l’inscription au colloquium (10.000 L.L.), et enfin de l’instauration d’une nouvelle taxe sur le ciment et le plâtre (8.000 L.L./tonne).
Selon des sources proches du gouvernement, ce sont ces nouvelles taxes qui ont permis de rajuster à la hausse les budgets de certains départements ministériels, à un niveau jugé raisonnable par leurs titulaires. Selon ces sources, les recettes annuelles escomptées de ces nouvelles taxes se situent autour de 300 milliards de L.L., ce qui permettra notamment d’alimenter le ministère de la Santé, qui pourra faire face à une partie de ses dettes à l’égard des hôpitaux privés, ainsi que le Conseil du Sud, ce qui n’est pas pour mécontenter M. Berry. Le ministère de l’Habitat, l’EDL et le ministère des Affaires sociales, en bénéficieraient aussi. Confirmant ces orientations, M. Sleiman Frangié, ministre de la Santé, a annoncé après une entrevue avec le chef du gouvernement, que son département allait commencer à payer une partie de la dette qu’il doit aux hôpitaux privés. Les ministres Ayoub Houmayed et Mahmoud Abou Hamdan ont tenu, pour leur part, à protester — pour la forme? — contre ces taxes.
Le budget d’austérité a fait des victimes. La principale semble être le ministère de l’Agriculture, dont le titulaire, M. Chaouki Fakhoury, a annoncé qu’il ne pourra mettre en œuvre son programme d’aide au secteur agricole et à l’agroalimentaire. On apprenait en outre que le projet de développement de 150 milliards de L.L. pour la région de Baalbeck-Hermel ferait l’objet d’un projet de loi indépendant.
Pour sa part, M. Bahige Tabbarah (Justice) a annoncé que le budget d’austérité affectera la caisse de retraite des magistrats ainsi qu’une taxe dont bénéficient les avocats. Le budget de la Justice accuse une baisse, passant de 30 à 22 milliards de L.L., a précisé le ministre.
Le ministre des Travaux publics, M. Ali Hrajli, l’un des plus fermes opposants au budget d’austérité, dans sa forme initiale, a obtenu une rallonge de 40 milliards de L.L.. Il a toutefois affirmé qu’avec les sommes mises à sa disposition, seules les rues et routes classées dans le Grand Beyrouth pourront être convenablement entretenues. Initialement, M. Hrajli exigeait une rallonge de 10 milliards de L.L., qui lui a été refusée.
Le ministère des Ressources hydrauliques et électriques, M. Elie Hobeika, a annoncé, de son côté, que l’EDL va devoir accélérer son programme de redressement financier, de manière à parvenir plus rapidement à l’autonomie financière. La subvention annuelle au fuel, qui a été fixée pour l’exercice budgétaire 1998 à 100 milliards de L.L., devrait diminuer à mesure que la perception des quittances d’électricité ira s’améliorant. On sait en effet
qu’en ce moment, plus de la moitié de ces quittances ne sont pas collectées, pour des raisons qui tiennent à la fois du social et du politique.
De telles déclarations pourraient fort déplaire aux employés de l’EDL, qui constatent que, de mois en mois, leurs acquis salariaux semblent menacés, et qui ont décidé une grève générale ouverte à partir du 14 octobre.
Ce genre d’indicateur social ne trompe pas. L’approbation du budget de 1998, s’il comporte des points positifs, n’en règle pas pour autant le fond du problème. Qui doit payer le prix de la reconstruction? Les catégories sociales à revenu limité, «taillables et corvéables à merci», ou bien tous les Libanais? Le chef du gouvernement avait vu juste, vendredi: les Libanais sont prêts à des sacrifices, pour voir leur pays reconstruit. A une condition: l’égalité devant les taxes et les impôts, l’intégrité dans la conduite des affaires publiques, la justice.

F.N.
Hariri: Une collecte intégrale des taxes et impôts, la clef de voûte de finances sainesUn épilogue heureux a été apporté à deux semaines de tension entre l’Exécutif et le Législatif, qui avait culminé lors du rejet d’un plan d’emprunt de 800 millions de dollars que comptait mettre en œuvre le gouvernement. Réuni hier pour sa troisième séance de la semaine, le...