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Actualités - ANALYSE

Un automne politique plutôt lourd, avec trois gros problèmes à la clé

Trois dossiers, autant de batailles qui font rage et risquent d’influer durablement sur la situation interne.
A) - Tout d’abord, le projet d’augmenter taxes et impôts indirects qui a provoqué d’entrée de jeu une empoignade des plus sévères au sein même de l’Exécutif, mettant à mal la cohésion ministérielle. Là, les chiffres le disputent aux calculs politiques. D’où un embouteillage qui retarde à la fois le traitement du déficit budgétaire, de la crise sociale, du règlement des arriérés dus par le Trésor aux hôpitaux privés conventionnés, du passif financier du Conseil du Liban-Sud, du retour des réfugiés et de l’aide aux régions déshéritées.
Cette bataille n’en est apparemment qu’à ses débuts et nul ne peut en prédire à coup sûr l’issue. Jusque-là, les différentes parties campent fermement sur leurs positions, inconciliables, de départ, pour des raisons multiples dont certaines seraient sans doute difficilement avouables.
La Syrie a conseillé l’ouverture d’un dialogue, mais cela n’a rien donné. Le président du Conseil s’est efforcé de gagner l’opinion à sa cause, en s’expliquant longuement à la télévision sur ses objectifs. Cependant, il semble avoir peu convaincu. Cela, essentiellement pour la bonne raison qu’il est extrêmement difficile quand on n’est pas Churchill de demander des sacrifices à toute une population. D’autant que l’effort serait discriminatoire, les pauvres assumant proportionnellement beaucoup plus que les nantis. Mais aussi parce que le chef du gouvernement a, sur le plan dialectique, opéré un virage à 180 degrés difficilement compréhensible pour les gens. Après avoir pendant des années soutenu que la situation économique du pays est saine, voici que brusquement il parle d’une crise à résoudre de toute urgence.
Il a cependant marqué un point quand il a souligné que si on ne veut pas de ses propositions, il faut leur trouver un substitut qui n’affecte pas la stabilité de la monnaie nationale, sans quoi on courrait tout droit à la catastrophe. Toujours est-il que des suggestions, il y en a déjà beaucoup (comme la revente des biens domaniaux maritimes, défendue notamment par M. Michel Murr). Mais il y en aura sûrement encore plus, même peut-être un peu trop, quand les commissions parlementaires spécialisées commenceront à débattre de la question, dans le cadre de l’examen du budget 98.
Certains répèteront alors, sans aucun doute, qu’avant de rien faire, il faut épurer l’Administration et éradiquer la corruption. Mais le temps presse, et tout en gardant en vue cette nécessité (avec ce que cela implique comme arrêt du gaspillage), il faut trouver immédiatement des ressources pour que le prochain budget ne s’enfonce pas trop dans le rouge et pour que, tout de même, on puisse traiter quelques graves problèmes sociaux qui commencent à tourner au drame.

Les municipales

B) - La deuxième question-clé qui intéresse tout autant la population que la caste politique, mais pour des considérations qui ne sont pas forcément identiques, reste celles des municipales, qui va de pair avec l’élection — encore plus capitale sur le plan pratique — de nouveaux «makhatirs». Les loyalistes en général et le pouvoir en place plus particulièrement peuvent redouter cette épreuve très localisée, très barométrique pour ainsi dire, qui montrera, en partie, le degré de leur représentativité réelle.
Un test et un texte qui, de l’avis et de l’aveu du président de la Chambre en personne, qui exige que la loi sur la municipale s’accompagne de l’étude d’une nouvelle loi sur les législatives, gardent une forte connotation électorale parlementaire et entrent dans le cadre de l’influence politique des différents protagonistes de la scène locale.
Toujours est-il que le Conseil constitutionnel, en annulant le maintien en place des conseils municipaux jusqu’à fin 98, a mis le couteau sur la gorge du gouvernement. Dans son intervention télévisée, M. Rafic Hariri a donc dû confirmer que les élections municipales auront lieu «au plus tard en avril prochain». Un défi car dans le même temps, refusant la voie de la facilité, le président du Conseil ne veut pas que l’on vote en base de la loi de 1963, ni que les nouvelles dispositions soient arrêtées sur une base confessionnelle. Il s’est déclaré «désolé» qu’apparemment on l’ait si mal compris: à l’en croire, s’il a voulu reporter les municipales, c’est pour les chrétiens, pour qu’ils ne souffrent pas d’un déséquilibre dans la représentation et ce sont eux, affirme-t-il encore, qui se sont le plus vivement dressés contre cet ajournement.
Il a reconnu que le gouvernement avait commis d’abord une erreur en fixant la date des élections au mois de juin dernier, car on s’est alors aperçu que dans les conditions existantes, vu le problème des déplacés, il n’y aurait pas eu plus de 25% d’édiles chrétiens contre 75% de musulmans. Dès lors, conclut M. Hariri, l’on a décidé de suspendre le processus en attendant une nouvelle législation qui permettrait à tous de voter à l’endroit où ils sont installés.
Toujours est-il qu’on attend de voir sur quel pied au juste on va danser, en avril...

Échéance

C) - Quant au troisième dossier, le moins fourni actuellement mais qui ne cessera de gagner en ampleur, c’est évidemment les présidentielles de l’an prochain. Beaucoup de manœuvres se feront, ou se font déjà, en fonction de cette échéance. Et M. Rafic Hariri a pratiquement ouvert le feu, en soutenant que la prorogation du mandat de M. Elias Hraoui est hors de question, ne serait-ce que parce que selon lui, le principal intéressé lui-même n’en veut pas.
M. Nabih Berry, on le sait, n’est pas loin de partager ce point de vue. Ce qui fait qu’en coulisses, les candidats potentiels s’agitent beaucoup déjà. Au fil des jours, des sympathies et des intérêts, les choses vont peu à peu se décanter. Et s’il est vrai que les protagonistes locaux doivent attendre comme chaque fois «le mot d’ordre», ils ont quand même assez de marge dans la phase préparatoire pour rendre plus difficile ou plus facile la sélection par les décideurs de tel ou tel candidat.
Et cette influence «par ricochet» pourrait leur suffire pour se considérer ultérieurement comme gagnants ou vaincus, d’où les crocs en jambe qu’ils se font dès à présent, comme s’ils étaient eux-mêmes directement en course...

E.K.
Trois dossiers, autant de batailles qui font rage et risquent d’influer durablement sur la situation interne.A) - Tout d’abord, le projet d’augmenter taxes et impôts indirects qui a provoqué d’entrée de jeu une empoignade des plus sévères au sein même de l’Exécutif, mettant à mal la cohésion ministérielle. Là, les chiffres le disputent aux calculs politiques....