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Actualités - ANALYSE

Le déficit budgétaire, principal souci du pouvoir

Jamais deux sans trois: après avoir perdu deux rounds en Conseil des ministres, le président Rafic Hariri en réclame un troisième. Il tient en effet absolument, dit-il, à faire passer son «plan de développement», entendre son projet d’emprunter au dehors huit cents millions de dollars et, pour le financer, d’infliger à l’intérieur de lourdes surtaxations au contribuable de base. Pour décrocher la timbale, il lui faut gagner à sa cause quelques-uns des ministres qui ont voté «non» et s’assurer du même coup de l’adhésion d’une majorité de parlementaires, car tout projet à caractère financier et fiscal doit nécessairement être approuvé par l’Assemblée nationale.

Y réussira-t-il?

Difficilement a priori, car il fonde toutes ses espérances sur une mesure hautement impopulaire: l’augmentation des 20 litres d’essence d’au moins 25%, entendre de 3000 L.L. A son avis, il n’existe aucun autre moyen, aussi «efficace» et surtout aussi rapide, pour un lifting cosmétique des finances publiques, piteusement délabrées, qui permettrait la mise sur pied d’un Budget 98 assez présentable. En effet, pour se rétablir dans les bonnes grâces de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, le Liban doit impérativement rabaisser au-dessous d’un plafond fixé à 40% son déficit budgétaire qui pour l’exercice actuel se chiffre à 53% selon les déclarations officielles, à plus de 60% selon nombre d’experts. C’est donc parce que le projet de Budget doit être soumis à la Chambre dans les trois mois qui viennent que M. Hariri veut faire vite et insiste tellement sur l’essence...
Quant à l’aide aux régions déshéritées, au financement du retour des déplacés, à la couverture du passif du Conseil du Sud, à la promotion des transports en commun et aux autres différents projets socio-médico-pédagogiques qui sont les objectifs déclarés, le paravent, du «plan de développement», les haririens avouent sans fausse honte qu’on «pourra les faire attendre, le temps d’améliorer les recettes par une perception fiscale accentuée, puisque dans la plupart des cas la réalisation de ces projets devra prendre des années».

Offensive de charme

Il n’empêche que ces projets servent de carotte pour séduire les parlementaires, naturellement très concernés par tout ce qui peut toucher leurs circonscriptions et l’électorat en général. «De fait, reprennent les haririens, si nous voulons gagner au Parlement, au cas où le projet de loi y parviendrait, il nous faut entamer dès à présent des contacts intensifiés avec ceux que l’on appelle les «députés de proximité», connus pour s’occuper plus des petites affaires de leurs régions que de haute politique. Nous devons les prendre en bloc pour ce qui est de Baalbeck-Hermel et du Akkar qu’on convierait à une réunion générale ou individuellement pour ce qui est des écoles, des hôpitaux, des dispensaires installés dans telle ville ou tel village. Il nous faut leur faire comprendre que si le plan n’était pas approuvé, si on nous refusait les moyens de le financer, ils n’auraient plus grand-chose à attendre pour leurs localités question prestations».
Mais côté dialectique, les haririens risquent d’arriver trop tard: à l’instar de l’opinion, il y a sans doute peu de ces députés qui croient encore que le projet des huit cents millions de dollars a été conçu pour les beaux yeux des régions, déshéritées ou pas… Il serait donc difficile de leur vendre du vent. Et pour commencer, il faut d’ailleurs emporter le morceau au sein même de l’Exécutif, ce qui est rien moins que certain.
Pourtant, à y regarder de près, on constate qu’il existe dans le social des urgences aussi évidentes que la réduction du déficit budgétaire. Ainsi si l’on n’assure pas sans tarder 130 millions de dollars pour payer les arriérés dus aux hôpitaux conventionnés, ces établissements cesseraient d’accueillir les patients «gratuits», entendre soignés aux frais de l’Etat. De même, si l’on ne trouve pas 200 millions de dollars pour le retour des déplacés (indépendamment de la polémique sur le demi-milliard déjà claqué dans ce domaine sans grand résultat), il faudrait gommer pour de bon ce projet d’importance nationale. Enfin, même si le Conseil du Sud devait mettre la clé sous la porte, il reste nécessaire d’honorer son ardoise qui se monte à 50 millions de dollars.
Dans la foulée de leur chef, les haririens soutiennent que c’est pour des causes politiques et non économiques qu’on a rejeté le plan des huit cents millions. Ils ajoutent, ce qui n’est pas tout à fait exact, que les opposants n’ont avancé aucune contre-proposition, aucun programme de substitution…
Toujours est-il que certains députés tentent d’arranger plus ou moins les choses, en suggérant que l’on renonce à présenter les choses sous forme de package deal, ce qui permettrait au chef du gouvernement de faire adopter puis transmettre à la Chambre les projets qui l’intéressent un par un. Une formule apparemment pratique, mais qui en réalité ne permet pas de surmonter l’obstacle qui bloque tout: l’augmentation du prix de l’essence. Si M. Hariri devait y renoncer (mais il ne le peut absolument pas, dit-il) il lui serait assez facile d’obtenir gain de cause.

E.K.
Jamais deux sans trois: après avoir perdu deux rounds en Conseil des ministres, le président Rafic Hariri en réclame un troisième. Il tient en effet absolument, dit-il, à faire passer son «plan de développement», entendre son projet d’emprunter au dehors huit cents millions de dollars et, pour le financer, d’infliger à l’intérieur de lourdes surtaxations au...