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Actualités - REPORTAGE

Le président tchèque s'est entretenu hier avec Hraoui Vaclav Havel : le Liban , un modèle de coexistence pacifique "Le dissident devenu politique continue de croire à beaucoup des principes qu'il a défendus, souligne l'ancien instigateur de la charte 77 (photos)


«Le dissident devenu politique continue de croire à beaucoup des
principes qu’il a défendus», souligne l’ancien instigateur de la «charte 77»
«Je suis convaincu que le Liban peut être un modèle pour plusieurs autres pays», a affirmé hier au palais de Baabda, le président tchèque M. Vaclav Havel. Il a poursuivi: «Le Liban peut être un modèle de coexistence pacifique entre des citoyens qui ont des convictions et des religions différentes mais qui partagent un principe civique commun». M. Havel, qui tenait une conférence de presse, s’est exprimé en chef d’Etat — homme politique — même si c’est l’ancien dissident — voir «l’antipolitique» comme il se définissait lui-même à une époque — que tous les journalistes présents souhaitaient manifestement entendre. Cela, toutefois, ne l’a pas empêché de revenir, à plusieurs reprises sur des «principes éthiques» qu’il affectionne et de jeter son éclairage «existentiel» sur les réalités libanaises et moyen-orientale. «J’ai traversé pendant 10 minutes, a-t-il dit, une rue qui a constitué la ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, entre le Beyrouth chrétien et le Beyrouth musulman. Cela a été un passé de souffrance et m’a rappelé Sarajevo que j’ai visité et qui m’a laissé la même impression. Seulement lorsque j’ai vu au déjeuner les représentants des différentes communautés, deviser ensemble, cela m’a donné l’impression d’une communauté en accord et je me suis dit: c’est là l’espoir de ne pas voir se répéter les horreurs dont j’ai vu les traces au cours de ma promenade parmi les ruines». Affirmant que le «retrait des troupes israéliennes de la bande frontalière du Liban-Sud doit faire partie du processus de paix en général et de l’application de la résolution 425», M. Havel a précisé que la «signification» du terrorisme, diffère du point de vue de son concept, en fonction de la différence des régions. Interrogé par «L’Orient-Le Jour» sur le fait de savoir s’il reste grand chose de la dissidence lorsque l’on accède au pouvoir et que l’on y reste longtemps, M. Havel répond: «Cela dépend du caractère et du tempérament de chacun. Les principes et les idéaux peuvent avoir plus d’une signification et être défendus de plusieurs moyens. Je pense que le dissident devenu politique continue de croire à beaucoup des principes qu’il a défendus dans le passé et qu’il doit continuer à défendre comme homme politique et s’efforcer de soutenir».

Le président de la République tchèque était arrivé à Beyrouth à bord d’un avion privé, accompagné de son épouse Mme Dagmar Veskrnovà et d’une délégation officielle, pour une visite officielle de 24 heures dans le cadre d’une tournée dans les pays de la région. Il a été accueilli à l’Aéroport international de Beyrouth par le vice-président du Conseil des ministres et ministre de l’Intérieur M. Michel Murr, représentant le président de la République M. Elias Hraoui et le directeur général du protocole à la présidence de la République M. Maroun Haïmari ainsi que l’ambassadeur tchèque au Liban Mme Eva Filipiova et les membres de l’ambassade.
Le président tchèque, la délégation l’accompagnant et les responsables libanais devaient ensuite se rendre au palais de Baabda où un accueil officiel lui a été réservé. Les deux présidents ont passé en revue la garde présidentielle, avant d’avoir un tête-à-tête de 40 minutes. Après quoi le président libanais devait offrir un déjeuner en l’honneur de son homologue tchèque auquel ont pris part le chef du Législatif M. Nabih Berry et plusieurs ministres notamment MM. Michel Eddé, ministre d’Etat, Bahige Tabbarah, ministre de la Justice, Chawki Fakhoury, ministre de l’Agriculture, Chahé Barsoumian, ministre du pétrole, Michel Murr, Fouad Siniora, ministre d’Etat pour les Affaires financières et Yassine Jaber, ministre de l’Economie et du Commerce.
Plusieurs ambassadeurs étaient également présents ainsi que le gouverneur de la Banque du Liban, M. Riad Salameh, des représentants des organismes économiques et de hauts magistrats.
De son côté, Mme Mona Hraoui devait offrir un déjeuner en l’honneur de Mme Havel auquel ont pris part les épouses des ministres et des ambassadeurs accrédités au Liban.

«Un petit groupe de
terroristes, contre
la paix»

Après son entrevue avec le président Hraoui et avant de s’entretenir avec le premier ministre libanais M. Rafic Hariri en présence de M. Hraoui, le président tchèque devait tenir une conférence de presse.
Relevant qu’il s’agit de la première visite officielle au Liban d’un chef d’Etat dans l’histoire de la République tchèque ou de l’ex-Tchécoslovaquie, M. Havel devait saluer les «traditions culturelles ancestrales» et la «vieille civilisation» de ce pays, évoquant au passage le volet culturel de son séjour de quelques heures puisqu’il devait dîner hier soir à Byblos accompagné du ministre libanais du Tourisme M. Nicolas Fattouche.
Soulignant le caractère régional de sa tournée moyen-orientale; puisqu’il se rend aujourd’hui en Jordanie avant de visiter la Palestine et Israël, M. Havel a précisé qu’elle a pour objectif de développer les relations politiques et économiques bilatérales entre la République tchèque et chacun des pays de la région. Mais au-delà de cet aspect, a-t-il affirmé, cette tournée tchèque qui se déroule à un moment où le processus de paix accuse une certaine lenteur et un certain «gel», est aussi l’occasion d’exprimer l’appui tchèque au bon déroulement de ce processus.
Rappelant les principales étapes depuis le démarrage du processus à Madrid, M. Havel a qualifié ce processus de «rêve qui, étape par étape, deviendra un jour une réalité même si un grand laps de temps doit se dérouler avant que cela ne se concrétise». «Il faut aujourd’hui, a ajouté M. Havel, arriver à un règlement israélo-syrien et à un règlement israélo-libanais».
«Je suis convaincu, a affirmé le président tchèque, que la majorité des gens de la région œuvrent pour la paix. Seul un petit groupe de terroristes veulent l’empêcher de réaliser ses objectifs». Et le président tchèque de souligner que cela requiert «une compréhension mutuelle entre Arabes et Israéliens, une grande part de tolérance de part et d’autre ainsi que l’acceptation de solutions intermédiaires» pour faire aboutir ce processus.
Soulignant que son pays se reconnaît un rôle et une responsabilité, en raison notamment de son expérience vécue, dans l’établissement de relations pacifiques inter-étatiques entre les différentes nations et à fortiori dans la région tourmentée, du Moyen-Orient, le président tchèque a avancé l’idée d’une initiative éventuelle de son pays en vue de promouvoir la coexistence entre les peuples de la région.
Répondant à une première question le priant de préciser ce qu’il entend par «groupe de terroristes, alors que le Liban connaît dans sa zone frontalière, l’occupation israélienne», M. Havel a affirmé que l’on ne peut ignorer la réalité qu’une partie du pays subit cette occupation. Il a estimé dans ce sens que la Résolution 425 doit être appliquée en vue d’un retrait d’Israël de la partie occupée du Liban-Sud. «Pour nous, a-t-il précisé, le terroriste est celui qui menace et attaque des personnes innocentes qui ne représentent pas une menace pour lui».

«La violence produit
la violence»

— Comme philosophe, pensez-vous que le Liban demeure une nécessité pour le monde et pour cette région du Moyen-Orient en cette fin de siècle?
M. Havel répond: «Si un Etat représente ou non une nécessité, cela doit être décidé par ses citoyens». Et le président tchèque d’enchaîner à ce propos qu’il croit à un bel avenir du Liban, pays modèle de coexistence, dans la région et dans le monde, entre citoyens de différentes religions et convictions.
Interrogé par «L’Orient-Le Jour» sur le regard qu’il jette, lui l’instigateur de la «Charte 77» marquant le sursaut de la nation de l’ex-Tchécoslovaquie, sur le parcours démocratique du Liban actuel et si les dissidents se font assez entendre dans ce pays, M. Havel affirme: «Ceux qui défendent leurs principes jusqu’au bout sont une minorité». Cependant il n’omet pas de préciser dans ce sens que ce ne sont pas tous les règlements entre les dissidents et les politiques qui sont condamnables.
Précisant le rôle qu’il ambitionne pour son pays dans le processus de paix, M. Havel a déclaré que Prague est prête à offrir sa contribution à l’effet d’activer la paix si l’on sollicite son intermédiation, rappelant au passage que cela a toujours été une constante de la politique extérieure de son pays.
Interrogé sur le message qu’il délivrerait au premier ministre israélien M. Benjamin Netanyahu, M. Havel a affirmé qu’il en informerait l’opinion publique après son entretien avec le chef du gouvernement israélien.
Appelé à commenter le massacre israélien de Cana, M. Havel a répondu: «La violence produit la violence: c’est une chaîne ininterrompue». Nous devons regarder vers le futur et oublier les malheurs du passé.
Interrogé enfin sur les perspectives de coopération culturelle plus accrue entre Beyrouth et Prague, le chef de l’Etat tchèque a mentionné un récent événement culturel liant les deux pays et qui l’a «impressionné»: l’exposition sur un pont de la capitale tchèque, des sculptures de l’artiste libanais Nadim Karam et qui s’est étalée un mois durant, en raison de son succès.

Promotion des
investissements
entre le Liban et la
République tchèque

En marge des discussions présidentielles, un accord bilatéral de «promotion des investissements», a été conclu entre M. Fouad Siniora, ministre d’Etat pour les Affaires financières et le ministre tchèque du Transport et des communications. M. Siniora a précisé à ce propos que la conclusion du présent accord avait été précédée. Il y a quelques semaines au cours du séjour de M. Siniora à Prague, par celle d’un accord portant sur l’élimination de la double imposition.
Deux entretiens devaient également réunir, d’une part le ministre libanais de la Justice M. Bahige Tabbarah et son homologue tchèque et d’autre part le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères l’ambassadeur M. Zafer el-Hassan et le vice-ministre tchèque des Affaires étrangères.
Notons pour conclure que M. Havel et la délégation qui l’accompagne — outre une délégation importante de journalistes tchèques — quittera Beyrouth ce matin en direction de la capitale jordanienne.

Nayla ABI KARAM
«Le dissident devenu politique continue de croire à beaucoup des principes qu’il a défendus», souligne l’ancien instigateur de la «charte 77»«Je suis convaincu que le Liban peut être un modèle pour plusieurs autres pays», a affirmé hier au palais de Baabda, le président tchèque M. Vaclav Havel. Il a poursuivi: «Le Liban peut être un modèle de coexistence pacifique...