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Actualités - ANALYSE

Le conseil constitutionnel : un bouclier contre les faux prétextes...

En annulant la prorogation du mandat des conseils municipaux et des «makhatirs», le Conseil constitutionnel a gommé du même coup le faux prétexte commode des «circonstances exceptionnelles» qu’on invoque à tout bout de champ pour justifier ce laisser-aller qui est l’une des marques distinctives de la présente République. Le Conseil a de la sorte coupé l’herbe sous les pieds de ceux qui envisageraient d’autres rallonges de mandats et il a barré la voie à nombre d’autres manœuvres politiciennes qui se développent à l’ombre de ce fallacieux prétexte des «conditions régionales»…
Ainsi le gouvernement ne sera plus tenté d’allonger l’espérance de vie de l’actuelle législature. On sait qu’initialement il se proposait de l’étirer de huit bons mois, sous prétexte de sauver la saison touristique d’été. Comme le Conseil constitutionnel avait de suite rejeté cet argument en 1996, (en faisant valoir que c’est sur base de quatre ans, pas d’une autre durée, que les électeurs avaient fixé leurs choix) le pouvoir avait pensé remettre le projet sur le tapis, cette fois sous couvert des «nécessités impératives découlant des circonstances régionales» et maintenant il peut en faire son deuil.
Autre pièce de résistance, c’est bien le mot: la durée du mandat présidentiel. En 1995, sur injonction des décideurs et bien qu’elle y fût fortement réticente, la Chambre des députés avait amendé «pour une seule fois» l’article 49 de la Constitution afin de maintenir M. Elias Hraoui à Baabda pour trois années supplémentaires. On avait, comme on sait, invoqué tout à la fois «les circonstances exceptionnelles, les conditions régionales et les impératifs nationaux». Et ceci pour atténuer le mauvais effet de la mesure en regard des principes de la démocratie. Il faudra trouver autre chose, si on veut rééditer l’expérience «car, dit un juriste, aucun élément sécuritaire ou politique ne peut justifier objectivement que l’on s’amuse à maltraiter, à triturer un article de la Constitution qui n’est ni un un élastique qu’on peut étirer ou comprimer à volonté ni une loi ordinaire qu’on peut continuellement retoucher».

Pérennité

«Il est toujours nécessaire dans n’importe quel système, poursuit le juriste, de veiller jalousement à la stabilité voire à la sacralité de cette «loi fondamentale» si bien nommée qui seule peut garantir la solidité, la fiabilité voire l’existence même de l’Etat-nation. Certes tout texte finit par souffrir de vieillissement et il faut alors le dépoussiérer par des amendements, mais même alors il faut y aller avec prudence, en se limitant à moderniser des mécanismes de fonctionnement institutionnel devenus obsolètes et en évitant autant que faire se peut de toucher aux clauses qui relèvent des principes premiers».
Après avoir rappelé que la Constitution de la Vème République française va fêter l’an prochain son quarantième anniversaire sans retouche de fond, cette personnalité relève que «le sexennat présidentiel chez nous n’est pas un produit du hasard et traduit tout une conception de dosages soignés, d’équilibres intercommunautaires comme de balance entre les pouvoirs. On peut bien entendu réviser le système. Mais s’il s’agit simplement d’une question d’opportunisme et d’intérêts politiciens conjugués, autant supprimer une fois pour toutes la disposition qui interdit la réélection d’un chef de l’Etat sauf six ans après la fin de son mandat. On permettrait ainsi au titulaire, sans plus user de faux-semblants, de se porter candidat à sa propre succession, en laissant quand même leur chance à d’autres, dans le respect de l’esprit démocratique qui doit régner dans une vraie république».
Et de souligner ensuite, contre-argument souvent utilisé par l’opposition que «ces prétendues «circonstances exceptionnelles» dont on a voulu s’armer pour garer en état de vie artificielle des conseils municipaux exsangues vieux de trente trois ans, n’ont empêché ni les élections législatives de 1992 ni celles de 1996, sans compter les partielles de 1994 et de 1997».

Les déplacés

«Autant d’échéances, enchaîne-t-il, qui se sont déroulées sans accroc sur le terrain, même si l’on a eu à se plaindre de triche ou de mauvaise organisation. Qui peut le plus peut le moins: pourquoi est-il possible d’organiser des législatives et pas des municipales? Doit-on rappeler qu’en 91 et tout à fait logiquement. Sami el-Khatib alors ministre de l’Intérieur avait annoncé qu’on ferait les municipales, techniquement plus faciles, en commençant par Beyrouth, en lever de rideau et comme galop d’essai pour les législatives…»
Et de marteler ensuite ce clou: «si les autorités craignent pour la sécurité, elles se contredisent du moment qu’elles prétendent que c’est là l’une de leurs plus glorieuses réalisations… A moins qu’elles ne veuillent laisser entendre, pour justifier le maintien d’une certaine présence, que les forces régulières ne sont toujours pas en mesure d’assumer l’ordre, argument brillamment réfuté lors des législatives où tout le monde était d’accord pour souligner que seule l’armée avait bien fait son travail».
Par contre une excuse valable de reporter les municipales paraît être la situation des réfugiés qui n’ont toujours pas regagné leurs villages. La source citée en convient mais souligne pour conclure que «c’est la faute du pouvoir si le retour des déplacés ne s’est toujours pas effectué… et c’est encore plus sa faute, sur le plan électoral, de n’avoir pas établi une loi permettant d’organiser le scrutin en prenant en compte ce problème».
En pratique on n’est pas sorti de l’auberge et la décision de charger les édiles comme les «makhatirs» de continuer à fonctionner dans un esprit d’expédition provisoire des affaires courantes risque en réalité d’être indéfiniment maintenue. On sait en effet que le président de la Chambre M. Nabih Berry met en demeure le gouvernement de traiter simultanément la loi des municipales, la loi électorale pour les législatives et le vaste projet de décentralisation administrative. Un travail global de législation et le vaste projet de décentralisation administrative. Un travail global de législation qui nécessite tout naturellement beaucoup d’étude, de débats et de temps. Le but de M. Berry, estime-t-on dans les cercles politiques, serait de faire en sorte que tout cela ne se mette en place que sous le prochain régime et sous un autre gouvernement, afin que les dirigeants actuels, ses partenaires-rivaux de la troïka, ne puissent en retirer un surcroît d’influence…
E.K.
En annulant la prorogation du mandat des conseils municipaux et des «makhatirs», le Conseil constitutionnel a gommé du même coup le faux prétexte commode des «circonstances exceptionnelles» qu’on invoque à tout bout de champ pour justifier ce laisser-aller qui est l’une des marques distinctives de la présente République. Le Conseil a de la sorte coupé l’herbe sous les...