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Actualités - REPORTAGE

Un reportage du national geographic magazine Beyrouth aura besoin de toute sa détermination pour affronter la paix régionale

NEW YORK, DE SYLVIANE ZEHIL. —
Dans son édition de septembre, la revue mensuelle «National Geographic» publie sous le titre «Beirut Rising» un reportage sur la renaissance de Beyrouth. Cet article de vingt-quatre pages écrit par Peter Theroux, auteur de nombreux ouvrages dont «L’Etrange disparition de l’imam Moussa Sadr» (The Strange Disappearance of Imam Moussa Sadr) et «Tempêtes de sable: Jours et nuits en Arabie», est accompagné de nombreuses illustrations réalisées par le photographe Ed Kashi. Peter Theroux et Ed Kashi ont collaboré au reportage sur la Syrie: «La Syrie derrière le masque», paru en juillet 1996.
Peter Theroux a vécu au Moyen-Orient de 1978 à 1985, il n’a visité qu’en 1994 Beyrouth, où il a pu voir la ville en ruines. Lors de sa récente visite, les projets de reconstruction du centre-ville sous la houlette de la compagnie Solidere ont modifié le paysage beyrouthin. «Un semblant de vie ordinaire a repris dans cette ville de 1.2 million d’habitants. Les klaxons des voitures ont remplacé le grondement des canons. Les barricades de la ligne de démarcation qui divisaient physiquement la ville en secteurs chrétien et musulman, se sont disloquées, et les dix-huit sectes religieuses — maronite, catholique, orthodoxe, chiite, sunnite, druze entre autres — se mélangent librement. La ligne verte a servi de cadre à un récent défilé de mode présenté par des mannequins fantomatiques se pavanant le long d’une passerelle baignée d’une étrange lumière bleue», écrit-il.
«Je partais à travers la ville à la recherche non seulement de signes physiques de convalescence mais aussi pour capter l’insaisissable restauration d’harmonie et de tolérance. J’ai découvert que la même ténacité qui avait aidé les Beyrouthins à survivre à la guerre civile inspirait encore la vitalité physique et spirituelle de la ville. Après la dévastation, les signes de convalescence sont visibles. J’apprenais vite que le district des hôtels et le centre-ville adjacent, épicentre de la guerre, étaient devenus le point focal de la renaissance du Liban. Pour ranimer Beyrouth, le gouvernement et les investisseurs privés dépenseront plus de 3 milliards de dollars». relève encore l’auteur.
Le reportage et les illustrations, accompagnées de légendes fort vivantes, couvrent tous les quartiers et les aspects socio-économiques de la vie, avec ses contrastes et ses contradictions. L’auteur et le photographe nous promènent à Achrafieh où ils rencontrent Béchara Nammour, «le plus brillant entrepreneur du Liban», qui n’a pas hésité à quitter Washington DC avec sa famille, en dépit des conseils prodigués par le département d’Etat américain. «Depuis son retour, il a ouvert avec succès douze restaurants et investi dans trois grands hôtels (...) Et de citer Nammour: fin de compte, nous sommes Libanais (...). Seule l’identité nationale compte».
La promenade se poursuit le long de la ligne de démarcation où de nombreux résidents ont refusé de partir et où les réfugiés attendent qu’il soit statué sur leur sort. C’est aussi l’occasion d’ouvrir une parenthèse sur les chrétiens «qui représentent moins de la moitié de la population de Beyrouth, une ville parsemée d’églises, même dans les quartiers musulmans». Une halte est faite à Harissa, «cœur du Beyrouth chrétien», perché au sommet d’une montagne qui surplombe une mer azur. La «Vierge protectrice du Liban», vénérée de tous, trône. «Là, musulmans et chrétiens se mélangent naturellement», note Theroux.

Tolérance et diversité

Peter Theroux va à la rencontre d’un notable sunnite de Koraytem, Youssef Soubra. Grand carrefour du monde, «Beyrouth était une ville sunnite et grecque-orthodoxe (...). La ville a prospéré grâce à sa diversité et cette ouverture d’esprit. Lorsque ces qualités font défaut, Beyrouth échoue. Nous avons bien retenu la leçon» explique-t-il.
Pendant la guerre, l’AUB «était la seule région de la ville à avoir conservé ces qualités. L’Université a continué à prodiguer l’enseignement à chaque secte, et son hôpital a soigné les blessés des différentes milices. Le campus est le joyau du quartier de Ras Beyrouth et peut-être même de la ville. La guerre a détruit le centre-ville. C’est le seul lieu de rencontre de tous les Libanais de différentes religions et origines», dit Sana Murad. Sana est la quintessence de l’idéal beyrouthin: une femme éduquée, parlant couramment trois langues. «Le Liban, dit-elle, est très compartimenté. Nombreux étudiants chiites ont eu leur première conversation avec un chrétien ici. Il y a des chrétiens venus des régions uniquement chrétiennes et qui tremblent à l’idée de rencontrer un musulman. Ici, leurs enfants se feront des amis musulmans...»
Cet optimisme n’est pas évident dans les quartiers pauvres de la capitale, surtout dans la banlieue-sud où les stigmates de la guerre sont encore visibles. Les régions de Chyah et Aïn Remmaneh sont habitées aujourd’hui par les ouvriers syriens: «Ils sont deux millions au Liban. Ils envoient en Syrie tout l’argent qu’ils gagnent, dit Malek Rizk. La plupart des Libanais voient avec inquiétude cette hémorragie de dollars, étant donné le haut niveau de chômage au Liban».
«La sanglante guerre du Liban (...) montre la fragilité de l’espoir et de la tolérance. Comment savoir si la leçon de tolérance à été retenue? Le prix de l’immobilier» est la réponse pratique fournie par Samir Khalaf, professeur de sociologie et d’anthropologie à l’AUB.
«La valeur des terrains est plus élevée dans les régions mixtes, en dépit de la qualité de la région. L’économie est en train d’envoyer des messages mettant en garde contre toute exclusion. Les Libanais ont la volonté de vivre dans la diversité et la tolérance».
«Face à une économie chancelante, aux inégalités sociales et au malaise régional, Beyrouth aura besoin de toute sa détermination pour affronter une paix durable», conclut Theroux.
NEW YORK, DE SYLVIANE ZEHIL. —Dans son édition de septembre, la revue mensuelle «National Geographic» publie sous le titre «Beirut Rising» un reportage sur la renaissance de Beyrouth. Cet article de vingt-quatre pages écrit par Peter Theroux, auteur de nombreux ouvrages dont «L’Etrange disparition de l’imam Moussa Sadr» (The Strange Disappearance of Imam Moussa Sadr) et...