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Actualités - ANALYSE

La corruption, un secret de polichinelle mais un secret quand même...

La corruption, c’est comme l’Arlésienne de Bizet, tout le monde en parle mais on ne la voit jamais. Son dossier, c’est tout à fait le lapin dans le chapeau du prestidigitateur: une fois tu le vois, une fois tu ne le vois pas... On l’ouvre ou plutôt on l’entrouvre puis hop on le referme. Sans lui donner de suite sous forme de poursuites judiciaires. Il y a comme un mystère derrière ces jeux d’ombre chinoise qui sont une bien mauvaise plaisanterie faite à un public passif...
Au cours des derniers débats parlementaires, le plupart des intervenants ont traité de la corruption politique et administrative. Ils ont évoqué le gaspillage institutionnalisé des fonds publics, la gabegie, les bazars suspects, les contrats douteux. Ils ont réclamé la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire, idée vite abandonnée parce qu’on voit mal les députés membres de la majorité, donc du système, aboutir à autre chose qu’à un verdict d’acquittement servant de certificat de bonne conduite au pouvoir et couvrant toutes les exactions, passées, présentes et futures! Quand à former une pareille commission avec des membres de l’opposition, c’est techniquement hors de question puisqu’il faudrait un vote et qu’ils n’ont pas la majorité. Mais même si on y parvenait, les investigations des chevaliers blancs capoteraient très certainement car on ne les laisserait pas avoir accès aux vraies informations rarement consignées, est-il besoin de le souligner, noir sur blanc... Donc, tout s’est résumé Place de l’Etoile à un déballage de pieux souhaits, sans accusations précises et sans autre proposition que de prier le Parquet financier de se mettre en action, sans du reste lui dire sur quoi au juste...
Ce n’est pas la première fois, Najah Wakim peut en témoigner, et cela fait des années qu’il y a des charges en prévarications diverses portées à l’encontre de nombreux responsables et des contre-plaintes en diffamation sur plusieurs affaires, sans résultats d’enquête pratiques et probants.
En revanche, lorsque M. Nabih Berry, plus exactement le président de la Chambre, s’exprimant en cette qualité, a lancé contre la troïka dont il fait lui-même partie la très grave accusation d’avoir couvert des opérations de concussion, il n’y a eu aucune réaction, absolument aucune, ni commission parlementaire d’enquête ni investigation judiciaire, comme si l’homme n’avait pas parlé...

Gel en commission

Le cercle paraît vraiment vicieux: Boutros Harb, chantre de la déclaration de patrimoine imposée à tout responsable qui entre en fonction, a voulu aller plus loin dans la lutte contre la corruption en déposant une proposition de loi sur la répression de l’enrichissement illicite. Mais lors du débat en commission parlementaire, et après les remarques du ministre de la Justice Bahige Tabbarah, on a estimé que le texte nécessitait beaucoup de retouches avant de pouvoir être mis en application. Et depuis lors le projet est gelé, personne ne semblant pressé d’en reprendre l’étude...
Dernièrement, quand le gouvernement a fait brusquement flamber le prix des voitures, il s’est répété qu’un délit d’initié avait été commis, que des sociétés avaient été informées d’avance du relèvement des taxes douanières et avaient pu réaliser de la sorte des bénéfices aussi énormes qu’illicites. Ces bruits ont suscité certes l’ouverture d’une enquête par le Parquet financier qui a procédé à certaines auditions, sans que l’on sache encore où il en est de ses conclusions...
Le 1er août, lors de la fête de l’armée, le chef de l’Etat a déclaré en substance que «l’Etat a besoin de plus d’une réforme, de plus d’une réfection, d’une reconstruction radicale. Il faut en bâtir l’administration et les services, organiser les rapports entre les départements. Comment y parvenir, comment construire l’Etat si tout le monde ne s’acquitte pas des obligations fiscales, sans se vanter d’y échapper? Comment construire l’Etat si tout le monde ne s’accorde pas à ce que les fonds publics servent à l’intérêt général et cessent d’être gaspillés?».
Ailleurs, dans le même discours, le président de la République s’indigne du bourrage de crâne commis selon lui «par l’information qui présente le pays comme s’il était mort et le peuple comme s’il n’était pas digne de vivre». Ce à quoi l’opposition répond tranquillement que «ce ne sont pas les médias qui donnent du pays une telle impression, mais bien les dirigeants eux-mêmes, par leurs disputes, par leurs échanges d’accusations, par leur laxisme à l’égard des éléments subversifs qui défient l’autorité de l’Etat et de la loi, ainsi qu’à l’égard des pourris en poste, de la gabegie et du gaspillage à grande échelle...». Et de souligner que «c’est facile de dénoncer le mal, tout le monde le fait, encore faut-il agir pour y remédier et on ne voit toujours pas ce que le pouvoir compte faire au juste à cette fin. Ce ne sont pourtant pas les moyens pratiques qui manquent çà ou là. Ainsi, l’Education emploie 10.000 enseignants cadrés et l’Enseignement supérieur, 5.000 autres qui sont sous contrat tandis que l’on trouve 1.200 pigistes (!) engagés par l’Information... La dispute Siniora-Hobeika sur l’électricité, leur échange réciproque de reproches se sont terminés par une «réconciliation», ce qui équivaut dans le langage officiel à un enterrement de première classe réservé au problème... C’est toujours comme cela, on passe tout finalement sous silence et on ne fait rien», concluent ces sources.

E.K.
La corruption, c’est comme l’Arlésienne de Bizet, tout le monde en parle mais on ne la voit jamais. Son dossier, c’est tout à fait le lapin dans le chapeau du prestidigitateur: une fois tu le vois, une fois tu ne le vois pas... On l’ouvre ou plutôt on l’entrouvre puis hop on le referme. Sans lui donner de suite sous forme de poursuites judiciaires. Il y a comme un mystère...