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Actualités - ANALYSE

Pour la Ligue maronite, un rôle à définir par la pratique

Cette Ligue maronite qui vient d’élire un nouveau directoire présidé par M. Pierre Hélou, quel sera son rôle… Pourra-t-elle pallier, sur le plan politique, les notables déficiences structurelles découlant de la disparition de grands leaders, de l’avancement en âge d’autres figures de proue, de la marginalisation des partis ou courants, de l’exil ou de l’emprisonnement de chefs de file… En somme, la Ligue sera-t-elle en mesure, sur la scène nationale aussi bien que sur le plan chrétien ou communautaire, d’être un timbre laïc aussi important que la voix de Bkerké…
Ces questions aussitôt posées suscitent chez les parties maronites concernées des réponses contradictoires.
Pour certains il est nécessaire que la Ligue vienne remplacer l’ancien «Front libanais» dont l’autorité et l’audience étaient si bien établies que tout pouvoir devait en tenir compte. Pour d’autres, il ne faut pas viser si haut, la Ligue, organe communautaire, devant se contenter de défendre les intérêts immédiats, pour ne pas dire prosaïques de la collectivité sans trop faire de politique pour la simple raison qu’elle n’aurait dans ce domaine qu’une efficacité réduite.
En tout cas, les élections de la Ligue ont été exemplaires. D’autant plus que c’était la première fois qu’elles se déroulaient sur une base élargie. En effet, auparavant l’appartenance à la Ligue était pratiquement limitée à des notabilités comme les ministres et les députés, les présidents des corps constitués, en exercice ou anciens. Et le comité était plutôt désigné qu’élu, par consensus. Dernièrement l’on a étendu le champ d’adhésion aux corps constitués eux-mêmes, ce qui a produit une base consistante de 940 électeurs actifs. Il y a eu, pour la première fois, alliances, formation de listes et vraie campagne électorale, ce qui n’a pas empêché le scrutin de se dérouler dans un climat démocratique sain, aussi empreint d’enthousiasme que de fair-play. Les perdants ont été ainsi les premiers à féliciter les gagnants, à leur souhaiter bonne chance en soulignant qu’ils restaient eux-mêmes pleinement au service de la Ligue, prêts à coopérer.
Le nouveau conseil exécutif a devant lui trois ans pour faire ses preuves et pour marquer, comme on dit, le territoire de la Ligue. Quelles que soient ses options générales, il se trouve au départ confronté à de graves questions dont le traitement nécessite autant de calme réfléchi que de persévérance.

Objectifs

A première vue, les objectifs peuvent se résumer comme suit:
— Réaliser justement, et à tout le moins, l’unité d’objectifs entre maronites, vu qu’il est très difficile voire impossible d’en unifier les rangs. On sait en effet que leurs leaderships sont séparés par des brouilles mortelles, des divergences d’influence ou d’ego… D’innombrables tentatives ont été effectuées comme on sait pour recoller les morceaux du puzzle disloqué, mais en vain. L’on a par contre réussi, notamment en 1992, à obtenir un ralliement général à une même ligne et une participation de toutes les parties ou presque à des congrès, des Etats généraux, organisés à Bkerké ou ailleurs. Il est donc toujours possible de faire converger les potentiels disponibles vers la défense des principes nationaux et des intérêts bien compris de la communauté. On sait dans ce cadre que les leaderships maronites, du moins à l’Est, sont d’accord pour réclamer la souveraineté, l’indépendance, le départ de toutes les forces non libanaises et la laïcisation totale (entendre la récupération par l’Etat des statuts personnels) en cas d’abolition du confessionnalisme politique. Ils sont également d’accord pour rejeter les naturalisations, la partition, l’implantation des Palestiniens, pour réclamer le retour des réfugiés et pour l’adoption du caza comme base de circonscription.
— Batailler pour faire appliquer complètement les accords de Taëf. Mais à dire vrai un tel but est non seulement illusoire mais aussi diviseur. Car comme on sait les pôles maronites ne sont pas du tout d’accord entre eux à ce sujet, certains n’ayant jamais reconnu ces accords, d’autres s’en lavant les mains à cause du détournement subi par les textes tandis que d’autres pensent qu’il y a encore moyen de s’arranger avec ce pacte devenu Constitution et ses tenants…
Toujours est-il que les principaux points de Taëf qui restent lettre morte sont, comme on ne l’ignore pas, l’entente nationale, la libération du Sud, le redéploiement des forces syriennes, la prise en charge de tout le territoire par les forces régulières libanaises, la décentralisation administrative, le retour des réfugiés, la création d’un Conseil économique et social, le développement équilibré des régions, l’unification du manuel scolaire d’histoire…
— Sur un plan plus à portée de main, la Ligue peut mener campagne pour des amendements constitutionnels assurant un rééquilibrage des pouvoirs et gommant les fautes institutionnelles apparues à la pratique.
— Par ailleurs, la Ligue, dans le cadre de sa contribution à l’abolition du système de confessionnalisme politique, peut tenter de promouvoir un nouveau code unifié des statuts personnels.
— Au niveau de l’administration, la Ligue peut lutter pour que le dosage communautaire quantitatif et qualitatif soit vraiment respecté en ce qui concerne les postes de première catégorie où ces dernières années les positions chrétiennes, soumises à une razzia systématique, ont beaucoup régressé.
— En ce qui concerne l’émigration, la Ligue peut de toute évidence déployer un effort utile pour rapprocher les émigrés de la mère-patrie et les amener à y investir, financièrement, culturellement ou politiquement, tout en aidant le Liban au dehors grâce à leur influence. Pour ces émigrés, la Ligue doit surtout continuer à se battre afin qu’ils récupèrent leur nationalité libanaise.
— D’autant qu’on l’a accordée à des milliers de non-Libanais, ce qui a outré l’Est et la Ligue elle-même a introduit une action en justice contre les décrets de naturalisation, en élaborant parallèlement une étude pour une nouvelle loi des naturalisations.
— Pour les municipales, la Ligue doit continuer à les réclamer et à se dresser contre la prorogation des mandats de conseils municipaux qui n’existent pratiquement plus, les dernières élections remontant au déluge…
— Enfin, la Ligue peut engager un dialogue sur le plan national avec toutes les composantes politiques du pays en vue de parvenir un jour ou l’autre à l’entente…

E. K.
Cette Ligue maronite qui vient d’élire un nouveau directoire présidé par M. Pierre Hélou, quel sera son rôle… Pourra-t-elle pallier, sur le plan politique, les notables déficiences structurelles découlant de la disparition de grands leaders, de l’avancement en âge d’autres figures de proue, de la marginalisation des partis ou courants, de l’exil ou de...