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Actualités - CHRONOLOGIE

Le débat de politique générale se termine en queue de poisson Tempête parlementaire ... dans un verre d'eau (photo)

Signe des temps: c’est un débat de politique générale hautement «contrôlé» auquel ont eu droit hier les députés et l’opinion publique, en général. Les vingt-cinq parlementaires qui ont pris la parole au cours des deux séances qui se sont déroulées le matin et le soir n’ont, certes, pas épargné le gouvernement, mais le chef du Législatif Nabih Berry a savamment manœuvré de manière à éviter que le débat ne dépasse certaines limites. Parallèlement au déballage auquel se sont livrés, en toute franchise, deux des principaux pôles de l’opposition parlementaire, les députés Boutros Harb et Najah Wakim, la journée d’hier a été essentiellement marquée par une escarmouche verbale entre le chef du gouvernement Rafic Hariri et M. Zaher el-Khatib au sujet de l’affaire des déplacés, à la suite de l’intervention de l’un des membres du bloc joumblattiste, M. Wadih Akl, qui a critiqué le laxisme du Cabinet sur ce plan .
Cette escarmouche a poussé le premier ministre à lancer une boutade en disant qu’il souhaitait que le bloc parlementaire joumblattiste prenne en charge désormais le dossier des déplacés! Le premier ministre a aussitôt «légalisé» quelque peu cette boutade en demandant à Mme Bahia Hariri, député de Saïda, de présenter au Parlement un projet de loi prévoyant que la Caisse des déplacés soit placée désormais sous la tutelle du ministre des Déplacés et non plus du chef du gouvernement...
Cet épisode du débat de politique générale ainsi que les critiques acerbes formulées par MM. Harb et Wakim n’ont pas ébranlé le sang-froid de M. Hariri. Le premier ministre misait sans doute sur M. Berry pour «contrôler» la situation, de sorte qu’en définitive, le débat parlementaire n’aura été — comme à l’accoutumée — qu’une tempête dans un verre d’eau. Cette fois-ci, la «mise en scène» paraissait peut-être plus claire dans la mesure où un climat de détente tacite semble marquer (du moins apparemment) les rapports entre les pôles de la «troïka» du pouvoir. Et pour cause: le dernier sommet libano-syrien aurait mis l’accent sur la nécessité d’éviter toute escalade politique sur la scène locale dans les circonstances présentes.

Nominations en
Conseil des ministres

Cette «entente cordiale» devrait se traduire aujourd’hui par quelques nominations, à l’occasion du Conseil des ministres appelé à se tenir au palais de Baabda sous la présidence du chef de l’Etat Elias Hraoui. Parmi les nominations attendues figurent, notamment, celles de M. Mounir Honein à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, et du brigadier Samir Kadi qui serait désigné chef d’état-major de l’armée (après avoir été promu général), en remplacement du général Riad Takieddine, qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le général Husni Abdel Khalek serait, d’autre part, nommé secrétaire général du Conseil supérieur de Défense, en remplacement du général Mohammed Yahya.
Il faudra attendre encore quelques jours pour déterminer d’une manière tranchée si «l’entente cordiale» entre les trois pôles de la «troïka», suite au dernier sommet libano-syrien, englobera le problème de la désignation d’un nouveau commandant de la Gendarmerie et l’affaire du nom de la Cité sportive Camille Chamoun. M. Hariri insisterait toujours pour l’élimination du poste de commandant de la gendarmerie, dans la perspective d’une vaste réorganisation des FSI. Quant à la Cité sportive, le premier ministre serait tenté, malgré tout, de laisser cette question en suspens pour une période de deux ou trois mois. Le chef de l’Etat insisterait toujours, de son côté, pour que le nom de feu le président Camille Chamoun (à qui le pays doit la construction de la Cité sportive) soit attribué définitivement et officiellement aux nouvelles installations sportives, récemment reconstruites.

Le débat
parlementaire

Pour en revenir au débat parlementaire, il a permis aux députés qui ont pris hier la parole d’évoquer les grands thèmes qui marquent l’actualité locale. En sus du dossier des déplacés — soulevé par le député du Chouf Wadih Akl — la politique de «deux poids deux mesures» pratiquée depuis plusieurs années par le pouvoir a été dénoncée sans détours par le député de Batroun, M. Boutros Harb, qui s’est notamment demandé quelle aurait été l’attitude de l’Etat si le mouvement de fronde déclenché par le chef intégriste Sobhi Toufayli avait été initié par un leader ou une fraction d’une autre communauté ou d’un autre courant que celui de cheikh Toufayli. L’allusion est suffisamment claire, mais M. Boutros n’a pas manqué, quand même, de rappeler, que pour beaucoup moins que la désobéissance civile proclamée dans la Békaa par cheikh Toufayli, des rafles avaient été opérées dans les régions est à la suite d’un attentat contre un bus syrien, en décembre dernier.
Quant à M. Wakim, il a repris une nouvelle fois ses attaques contre la gestion du Cabinet Hariri, dénonçant, avec la même franchise qu’on lui connaît, les malversations financières et la dilapidation des fonds publics. Allant plus loin que d’habitude dans ses accusations, M. Wakim devait affirmer que l’équipe actuellement en charge des affaires publiques ne se soucie nullement de rendre compte de sa gestion car les «décideurs internationaux» désirent qu’elle se maintienne au pouvoir, dans la perspective des bouleversements attendus dans la région. Ces allusions avaient déjà été évoquées la veille, sous une autre forme, par le député Zaher el-Khatib.

La réponse de Hariri

Au terme du débat, le premier ministre a répondu aux critiques des députés en se lançant dans une plaidoirie axée sur des lieux communs et une approche «sentimentale» de l’analyse de la situation présente dans le pays. M. Hariri a reproché, en substance, aux députés de ne mettre en relief que les aspects négatifs de la situation actuelle, en négligeant les aspects positifs. Evoquant les succès enregistrés par son gouvernement sur le plan externe (il a cité à ce propos les visites du pape Jean-Paul II, du premier ministre malais, du président de la Banque mondiale et du prince héritier d’Arabie Séoudite), le premier ministre a déclaré qu’un gouvernement ne peut pas réussir sur le plan externe et échouer au niveau interne.
Et M. Hariri de s’interroger à ce propos: «Est-il vrai qu’il n’existe aucun aspect positif? Est-il vrai que le pays va à la dérive? Est-il vrai que les Libanais n’ont aucun avenir dans ce pays? Est-il vrai que l’Etat et les institutions sont sur le point de s’effondrer? Quel message cherche-t-on, donc, à donner à la population? Le pays est confronté à des difficultés, cela est vrai. Il est vrai, également, que nous faisons face à une dette publique. Mais est-il vrai que tout n’est que corruption et dilapidation des fonds publics»?
Tout en s’abstenant de répondre directement aux critiques formulées par les députés, M. Hariri s’est contenté de souligner que le pays fait face à de graves dangers, et que par conséquent, les Libanais doivent unifier leurs rangs et «dépasser les considérations personnelles ou marginales». Poursuivant sur sa lancée, le premier ministre a été jusqu’à affirmer que dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les transports en commun et la couverture par l’Etat des frais d’hospitalisation, la situation actuelle est nettement plus avantageuse pour les citoyens que la situation d’avant-guerre.
Par ailleurs, M. Hariri devait souligner qu’«il n’y a pas de salut pour les Libanais en dehors de la coexistence pacifique». «Le Liban n’existerait pas sans coexistence, et il est nécessaire d’entamer un dialogue afin de faire évoluer cette coexistence», a-t-il déclaré. Et le premier ministre de conclure que si les Libanais persistent à ne mettre en relief que leurs différends, ils ne feraient que détruire leur pays. «C’est en insistant sur les points de convergence que nous pourrons nous rassembler», a affirmé le premier ministre.
Pour sa part, le ministre d’Etat chargé des Affaires financières, M. Fouad Siniora, a répondu aux critiques des députés concernant la dilapidation des fonds publics, affirmant que les opérations de détournements de fonds existent depuis longtemps et que c’est le gouvernement actuel qui s’emploie à les dévoiler et à saisir le parquet au sujet des ces affaires frauduleuses. Se montrant confiant dans la situation financière et économique du pays, M. Siniora a affirmé que la multiplication des accords économiques conclus avec plusieurs pays étrangers et la réaction favorable des marchés financiers internationaux aux emprunts contractés par le gouvernement constituent autant d’indices positifs qui mettent en relief, selon lui, la confiance de la communauté internationale envers le Liban.
Réfutant les informations faisant état d’une stagnation économique dans le pays, M. Siniora a affirmé que près de 100.000 nouveaux emplois ont été créés dans le pays durant les années 1994, 1995 et 1996. Abordant, ensuite, le volet de la dette publique, M. Siniora a relevé que celle-ci est due principalement non pas à des dépenses d’investissements, mais à des dépenses de fonctionnement (salaires et allocations accordées aux fonctionnaires).
A l’issue de la réponse du gouvernement aux députés, M. Berry devait lever la séance d’une manière quelque peu hâtive afin d’éviter que les députés n’entreprennent de répondre aux interventions de MM. Hariri et Siniora. La Chambre tiendra ce matin une séance ordinaire qui sera consacrée à l’examen d’une série de projets de loi.
Signe des temps: c’est un débat de politique générale hautement «contrôlé» auquel ont eu droit hier les députés et l’opinion publique, en général. Les vingt-cinq parlementaires qui ont pris la parole au cours des deux séances qui se sont déroulées le matin et le soir n’ont, certes, pas épargné le gouvernement, mais le chef du Législatif Nabih Berry a savamment...