Exhortation apostolique : La concrétisation reste tributaire du bon vouloir des parties concernées...

L’Exhortation apostolique, c’est un peu comme Proust, tout le monde en parle, tout le monde s’en réclame, mais personne — à de rares exceptions près — n’en a lu autre chose qu’un résumé de presse. Le texte, publié ici même in extenso, est cependant repris et diffusé sous forme de plaquette, en français et en arabe. Dans l’espoir, dit-on, que les responsables prendront la peine d’en approfondir l’étude en vue d’en traduire les recommandations en actions concrètes…
Pour ce qui est de l’Eglise, le pape l’invite à se rénover au niveau du personnel ainsi que des structures et des relations, au sein de chaque patriarcat catholique, l’objectif étant de dépasser toute mentalité limitée par le confessionnalisme pour rejoindre l’essence de l’enseignement chrétien. Le Saint-Père insiste sur une étroite coopération entre tous, patriarches, évêques, religieux et laïcs comme au sein des wakfs ou dans les diverses prestations de la collectivité. L’accent est notamment mis sur la nécessité pour l’Assemblée des patriarches et des évêques d’accroître son efficience propre en consultant les laïcs pour les décisions et en élargissant leur participation aux actions envisagées. En ce qui concerne la gestion des biens de l’Eglise, le texte recommande la transparence autant que la modernité, en invitant les évêques à se fier à des compétences techniques d’une moralité à toute épreuve évitant la quête du profit personnel, familial ou de clan. Entrant dans les détails, le Saint-Père conseille que l’on procède à un inventaire précis des biens comme à l’étude de leur situation juridique et de la manière dont ils sont gérés. Ceci en vue de procéder ensuite à un ajustement par rapport à l’ensemble des besoins à assurer, que cela soit pour l’entretien des lieux de culte, les traitements des religieux ou pour les prestations socio-humanitaires, écoles, dispensaires et autres.
Sur le plan social, Jean-Paul II recommande qu’on laisse la femme exercer un rôle accru et qu’on encourage les jeunes à s’intégrer aux rouages de la société en leur assurant les bases nécessaires pour construire leur avenir. Le pape, qui leur prête une attention spéciale, a signé l’Exhortation devant eux comme témoins privilégiés et comme dépositaires d’une mission de rénovation dans l’Eglise comme sur le plan national.
Le Saint-Père conseille qu’on modernise l’information ecclésiale, pour mieux répandre la vérité et les valeurs spirituelles en recourant à un personnel qualifié. Dans ce cadre, certains estiment qu’on doit unifier le thème des sermons dominicaux ou des retraites dans tous les diocèses.
Sur le plan politique, on le sait, le Saint-Père a souligné qu’à son sens le Liban se trouve confronté à quatre difficultés principales: l’occupation israélienne du Sud, la situation économique, la présence de forces non libanaises et le problème des déplacés.
A son arrivée à l’aéroport, Jean-Paul II avait pressé le Liban de choisir sa propre voie avec audace, chacun devant avoir sa place dans un pays qui se reconstruit petit à petit, notamment ceux qui, mus par une légitime pulsion patriotique, souhaitent s’engager dans la vie politique ou économique. Il avait souligné avec insistance que la toute première condition pour réaliser une vraie démocratie est d’assurer un juste équilibre entre les forces vives de la nation, sur base d’un principe de coopération impliquant que tout particulier puisse participer, directement ou par saine représentation, à la prise des décisions nationales. Un appel à peine voilé au rééquilibrage, donc à la réhabilitation de l’Est politique, dont le pouvoir en place — à en croire ses contempteurs — n’aurait nulle intention de tenir compte… Et encore moins, ajoutent-ils, de l’Exhortation apostolique qui pour sa part estime clairement qu’il est tout à fait normal que les chrétiens du Liban, comme tous leurs concitoyens, aspirent à se voir assurés de conditions leur permettant de s’épanouir, dans la paix, la liberté et le respect de leur dignité comme de leurs traditions culturelles ou spirituelles.
Le texte place encore plus nettement la balle dans le camp du pouvoir quand il souligne que le traitement de la situation économique et du problème fondamental du retour des déplacés ainsi que, d’une manière plus globale, la réalisation d’une véritable entente nationale engagent la responsabilité directe des dirigeants. Ils en ont pris certes acte… mais uniquement d’une façon verbale. Du moins jusqu’à présent et toute la question est de savoir si le système qu’ils défendent peut, sans se saborder, s’accommoder des recommandations pontificales…

E.K.