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Actualités - OPINION

L'autre guerre

Nos responsables ne ratent aucune occasion pour affirmer béatement que la «guerre est finie» et que «les clivages confessionnels se sont révélés artificiels, puisque les Libanais se sont empressés de se retrouver fraternellement dès les premiers jours de l’élimination des lignes de démarcation». Depuis la fin des combats, en 1990, ces mêmes responsables, par leurs décisions et leurs agissements, ne ratent aucune occasion d’apporter la preuve du contraire.
Tout récemment, deux développements — le problème de Jezzine et l’affaire de la Cité Camille Chamoun — sont venus illustrer à quel point le discours officiel est en totale contradiction avec les faits sur le terrain. Certes, il s’agit là de deux dossiers totalement différents et nullement comparables. Ils ont, toutefois, un point en commun: ils cachent tous deux en filigrane un même sentiment vindicatif envers une large frange de la population libanaise.
Que les objectifs militaires dans la «zone de sécurité» soient la cible d’opérations de commando ou d’attentats aux explosifs, cela fait partie (malheureusement) de la règle du jeu. Mais que les forces de l’ombre s’acharnent sur la population civile de la région de Jezzine (ou de tout autre secteur de la «zone de sécurité») et que des engins infernaux soient semés aveuglement sur les routes de ces régions ne peut que refléter des pulsions d’hostilité et de vengeance envers toute une population d’une appartenance communautaire bien précise. Comment prétendre, dans un tel contexte, que «la guerre est finie» et que tout va pour le mieux sur le plan des rapports entre Libanais?
Cette même pulsion sous-tend le sombre projet visant à rebaptiser la Cité Sportive Camille Chamoun, actuellement en voie de reconstruction. Sauf que, dans ce cas, le sentiment vindicatif est mû par un esprit mesquin totalement étranger à nos traditions libanaises. Preuve en est que d’anciens adversaires politiques de Camille Chamoun, tels que le président Saëb Salam ou même le bloc parlementaire joumblattiste, se sont élevés vivement contre l’idée — prônée par M. Rafic Hariri — de modifier la dénomination de la Cité Sportive.
A première vue, la polémique qui a éclaté sur cette question peu paraître vaine et déplacée. Cela aurait été le cas dans une situation normale et dans un pays autre que le Liban. Mais dans le contexte présent, ce problème de label prend valeur de symbole. Parce qu’elle est gratuite et injustifiable, l’initiative de M. Hariri risque de constituer une provocation pure et simple envers une composante bien déterminée de la population. Elle ne fait que remuer le fer dans la plaie et raviver malencontreusement les passions confessionnelles. Pour un responsable qui se pose en rassembleur et en «sauveur de la nation», l’initiative est, en tout cas, plus que maladroite.
A la lumière de ces deux affaires de Jezzine et du label de la Cité Sportive, le pouvoir (aussi bien le «réel» que «l’apparent») devrait songer, enfin, à apporter des réponses à une série d’interrogations fondamentales: la guerre est-elle réellement terminée au Liban? Si tel est le cas effectivement, comment expliquer alors cet acharnement à prendre des initiatives qui constituent autant d’actes de provocation envers une certaine composante de la population? Est-il concevable, si la guerre est finie, de traiter les habitants d’une région précise en «ennemis» à abattre? Jusqu’à quand le pouvoir continuera-t-il à s’exercer «contre», plutôt qu’«avec», une certaine catégorie de Libanais?
De la réponse à ces questions dépendra largement le profil du nouveau Liban et, surtout, la stabilité du régime en place.

Michel TOUMA
Nos responsables ne ratent aucune occasion pour affirmer béatement que la «guerre est finie» et que «les clivages confessionnels se sont révélés artificiels, puisque les Libanais se sont empressés de se retrouver fraternellement dès les premiers jours de l’élimination des lignes de démarcation». Depuis la fin des combats, en 1990, ces mêmes responsables, par leurs...