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Actualités - CHRONOLOGIE

L'affaire Abou Rizk aggravée par les manoeuvres politiciennes

Contre toute attente, et surtout contre toute logique (si, toutefois, le terme «logique» a encore une quelconque signification au Liban), le leader de la CGTL non reconnu par l’Etat, M. Elias Abou Rizk, a fait l’objet samedi d’un mandat d’arrêt en bonne et due forme, après avoir été interrogé par le juge d’instruction Saïd Mirza.
Accusé par le gouvernement et par son rival, le président de la CGTL loyaliste Ghanim Zoghbi, «d’usurpation de titre et de pouvoir», M. Abou Rizk a été maintenu en détention dans un hôpital de Hazmieh. Aujourd’hui, son avocat, Me Nagi Boustany, devrait présenter une demande officielle de remise en liberté qui pourrait ne pas être tranchée avant demain, mardi (VOIR PAGE 4).
Sur le plan strictement juridique, rien ne justifie l’arrestation de M. Abou Rizk, d’autant que le tribunal civil n’a pas encore rendu son verdict dans le litige opposant MM. Zoghbi et Abou Rizk au sujet du caractère légal des élections du 24 avril dernier qui ont abouti à l’émergence de deux centrales syndicales, l’une loyaliste (présidée par M. Zoghbi) et l’autre contestatrice, conduite par M. Abou Rizk. Celui-ci accuse le gouvernement d’avoir façonné, au sein de la CGTL, un corps électoral à sa mesure afin de mettre en place un directoire qui lui soit inféodé. Quant à M. Zoghbi, il a déposé une plainte contre son rival pour «usurpation de titre».
Puisque le tribunal n’a pas encore tranché le litige sur la légalité de l’une et l’autre des deux centrales syndicales, pour quelles raisons le pouvoir s’est-il donc embourbé de la sorte dans cette affaire? L’archevêque grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Elias Audeh, a fait état à ce propos de «vengeance personnelle et d’esprit vindicatif». M. Abou Rizk, rappelle-t-on sur ce plan, est farouchement hostile à la politique socio-économique et à la gestion du Cabinet Hariri. Il bénéficie à ce sujet du soutien de tous les courants d’opposition (aussi
bien parlementaire que chrétienne). Il a été, en outre, un concurrent très sérieux à l’actuel ministre du Travail Assaad Herdane, lors des élections législatives de 1996.
Certes, les milieux gouvernementaux affirment qu’ils ne sont nullement concernés par l’arrestation de M. Abou Rizk. Mais nul n’est dupe, et la portée politique de la question n’échappe à personne. A l’évidence, et indépendamment de toute considération en rapport avec la «vengeance personnelle» et «l’esprit vindicatif», le pouvoir désire mater, voire briser, la contestation au sein du mouvement syndical. La mise aux arrêts d’un leader syndical qui se refuse à toute complaisance envers les hautes sphères constituerait ainsi un «message de fermeté» adressé aux différents opposants.
L’affaire de l’arrestation de M. Abou Rizk pourrait cacher, par ailleurs, des manoeuvres essentiellement politiques, s’inscrivant dans le cadre des luttes d’influence (et peut-être aussi des règlements de compte) entre certains courants au sein même du pouvoir actuellement en place.
Il reste que quelles que soient les véritables motivations qui ont pu déboucher sur un tel développement, c’est la renommée de l’Etat libanais à l’étranger qui souffre, pour l’heure, d’un très grave préjudice. Durant le week-end, la confédération des syndicats des travailleurs arabes (CISTA) ainsi que les participants au congrès ouvrier mondial qui s’est tenu à Copenhague se sont élevés contre «les ingérences du gouvernement libanais dans les affaires intérieures du mouvement syndical» et ont vivement stigmatisé les atteintes aux libertés et aux droits syndicaux dans le pays. Les organisations syndicales arabes et internationales, rappelle-t-on, ne reconnaissent que M. Abou Rizk comme leader légitime du mouvement syndical au Liban.
Ce dossier sera sans doute largement évoqué lors des travaux de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui se réunira aujourd’hui à Genève. Deux responsables de la CGTL non reconnue par l’Etat, MM. Georges Berbéri et Abdel Amir Najdé, se sont rendus hier à Genève où ils ont entrepris dès leur arrivée une série de contacts avec les dirigeants de l’OIT et les délégations syndicales étrangères afin de soulever le cas Abou Rizk. MM. Berbéri et Abdel Amir Najdé ont notamment conféré à ce propos avec plusieurs délégations arabes, dont la délégation syrienne.
Au plan local, l’arrestation de M. Abou Rizk a provoqué au cours des dernières quarante-huit heures un véritable tollé dans différents milieux politiques et syndicaux. Reflétant le sentiment général à ce sujet, le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, devait souligner sans ambages, au cours de son homélie dominicale, hier, que les lois sont faites pour préserver les droits des citoyens et non pas pour bafouer leur dignité. Encore faut-il qu’il y ait réellement un Etat de droit au Liban. L’affaire Abou Rizk a mis en évidence à ce sujet le caractère impératif de la lutte que les Libanais se doivent de mener, à plus d’un niveau, afin d’atteindre un tel objectif.

M. T.
Michel TOUMA
Contre toute attente, et surtout contre toute logique (si, toutefois, le terme «logique» a encore une quelconque signification au Liban), le leader de la CGTL non reconnu par l’Etat, M. Elias Abou Rizk, a fait l’objet samedi d’un mandat d’arrêt en bonne et due forme, après avoir été interrogé par le juge d’instruction Saïd Mirza.Accusé par le gouvernement et par son...