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Actualités - CHRONOLOGIE

Un demi-million de personnes à la messe en plein air du port Le Pape a laissé l'espoir d'un Liban meilleur Points-clés de l'exhortation : - dialogue intercommunautaire - unité dans la diversité - ancrage arabe - justice et égalité - l'occupation du sud et la présence des forces non libanaises (pho

C’est à un véritable électrochoc que les chrétiens du Liban, prostrés dans un apparent défaitisme, ont eu droit avec la visite historique de 32 heures de Jean-Paul II a Liban.

L’immense foule qui a envahi, hier, la base navale du port de Beyrouth, est là pour le prouver. Cet électrochoc a apporté, avec lui, un prudent espoir de changement, ou disons une promesse conditionnelle de fruits, pour peu que les Libanais sachent cultiver entre eux et établir définitivement des rapports de confiance. Ces promesses auxquelles ils ont décidé de croire, ils ne les auraient acceptées de nul autre. Mais de Jean-Paul II le champion des droits de l’homme, le tombeur du rideau de fer, les Libanais semblent décidés à l’accepter.
Au terme de la seconde et dernière journée historique de son court séjour chez nous, Jean-Paul II a pu assister, ainsi que les cardinaux qui l’accompagnaient, à la «vitalité pastorale» des catholiques du Liban, et à leur extraordinaire foi. Après l’émouvante messe à Beyrouth il devait se rendre à Bkerké avant de retrouver les principaux chefs des Eglises sœurs non-catholiques au siège de la Nonciature apostolique, à Harissa. Il a ensuite repris l’avion pour Rome sur un appareil de la MEA, spécialement aménagé pour cette occasion.
L’accueil exceptionnellement chaleureux réservé au souverain pontife par les catholiques du Liban, dont un demi million se sont rendus au rendez-vous de la messe sur le front de mer, a plusieurs explications. Le premier est l’extraordinaire charisme de Jean-Paul II dont la vigueur de pensée, la spontanéité et l’infatigable zèle apostolique ont conquis le monde.
Mais le succès de la visite du pape tient aussi au fait que les chrétiens du Liban, brimés depuis des années dans leur aspirations légitimes, n’attendaient que cette occasion pour crier leurs frustrations en toute liberté. C’est dire la lourdeur de la chape idéologique qui pesait, qui pèse encore sur cette liberté, comme sur l’indépendance et la souveraineté du pays, otage de la crise régionale. L’extraordinaire «happening» de ces deux jours montre à l’évidence que s’ils sont démobilisés en apparence, le sens politique des chrétiens du Liban, du petit peuple aux chefs, n’est pas mort. Saura-t-on le comprendre en haut lieu?
En tout état de cause, on se félicitait hier, dans l’entourage du président du Conseil, du fruit de cette visite. «Les chrétiens sont satisfaits et les musulmans sont contents», a estimé le chef du gouvernement dans une déclaration télévisée retransmise à partir de l’aéroport. Qualifiant la visite papale de «positive», M. Hariri a affirmé que son importance principale réside dans le fruit qu’elle portera sur le plan du renforcement de l’unité nationale et de la vie en commun entre les différentes communautés, dans l’écho que les paroles du pape auront sur les chrétiens du Liban, invités à «ne pas bâtir de nouveaux murs, mais à jeter des ponts».
La troisième raison du phénoménal succès de la visite du pape au Liban est l’abondance des déclarations qu’elle a permis au chef de l’Eglise catholique de faire. En quelques allocutions, le pape a abordé tous les aspects de la vie nationale de l’entente entre les communautés à la dimension internationale de la crise libanaise, en passant par la crise socio-économique.

La problématique
de la guerre

Ce que les discours du pape montrent, entre autres, c’est que la problématique de la guerre continue à dominer la vie nationale et le discours politique. Le synode, a-t-on dit et redit, trouve l’une de ses raisons d’être dans la nécessité de sortir les chrétiens du Liban du bourbier de la guerre, en leur faisant reprendre conscience de leur identité et de leur mission: ou, pour reprendre les mots adressés par le pape aux jeunes de Harissa, «de leur identité (...) qui est leur mission». C’est donc un contentieux en suspens que les catholiques, mais aussi tous les Libanais à leur exemple, sont appelés à clore et à dépasser.
Ce chemin, assure le pape, ne se fait pas par l’oubli, mais par la mémoire. L’Exhortation apostolique, remise solennellement aux Libanais, et aux jeunes générations, qui sont «l’avenir» de l’Eglise, le dit très clairement. Ce document, que l’Eglise toute entière méditera au cours des prochains mois, souligne en particulier qu’«il faut maintenir vivant le souvenir de ce qui s’est passé, pour que jamais plus cela ne se reproduise». Les Libanais sont donc invités à tirer les leçons de la guerre, lucidement, en regardant les choses en face. Pas d’absolution gratuite pour eux, mais une invitation ferme à «des gestes courageux et prophétiques de pardon et de purification de la mémoire». «Une société ne peut se reconstruire, dit le pape, si chacun de ses membres, si ses familles ou les différents groupes qui la composent, ne cherchent à sortir des rapports conflictuels qui ont marqué les temps de violence et à apaiser tout désir de vengeance». «Que chacun se rappelle qu’avec la guerre on ne peut rien obtenir», y clame-t-il. Amnistie, oui. Amnésie, non.

Amplification
inespérée

L’exhortation papale résume aussi, en ces termes, les séquelles politiques et économiques de la guerre, auxquelles la visite papale a donné une amplification inespérée, «Je suis conscient des difficultés actuelles les plus importantes, dit le pape, l’occupation menaçante au Liban-Sud, la conjoncture économique, la présence de forces armées non-libanaises, le fait que demeure non totalement résolu le problèmes des déplacés, ainsi que le danger de l’extrémisme et l’impression pour certains d’être frustrés dans leurs droits». Certains estiment que cette façon de dire les choses est «en retrait» par rapport au message final du synode. Il n’en est rien, même si le langage est plus feutré.
Pour le pape, les chrétiens du Liban «aspirent à un respect sincère de leurs droits et de ceux des autres, et à une justice qui consacre l’égalité de tous devant la loi et qui permette à chacun de prendre sa part de responsabilité dans la vie sociale».
Mais le chef de l’Eglise catholique est conscient que, pour développer «un nouvel ordre social», les Libanais doivent jouir d’une liberté de décision qui dépend, dans une large mesure, d’une «concertation internationale». Dans son message d’adieux, il a donc «exhorté les dirigeants des nations au respect du droit international, tout particulièrement au Moyen-Orient, pour que soit garanties la souveraineté, l’autonomie légitime et la sécurité des Etats, et que soient respectés le droit et les aspirations compréhensibles des peuples».

L’ancrage dans
le P.-O. arabe

Pour assurer la pérennité du Liban, le pape insiste par ailleurs sur la nécessité d’un «vrai dialogue entre les croyants des grandes religions monothéistes». Evoquant «une paix véritable, c’est-à-dire une paix qui soit plus qu’une absence de conflits», le pape rappelle aux chrétiens du Liban leur ancrage dans le Proche-Orient arabe. Il les invite à «considérer leur insertion dans la culture arabe, à laquelle ils ont tant contribué, comme un lieu privilégié pour mener, de concert avec les autres chrétiens des pays arabes, un dialogue authentique et profond avec les croyants de l’islam».
Sur le sujet délicat des droits de l’homme, le pape estime qu’«au sein d’une nation, les autorités légitimes ont le devoir de veiller à ce que toutes les communautés et tous les individus jouissent des mêmes droits et se soumettent aux mêmes devoirs, selon le principe de l’équité, de l’égalité et de la justice». «Parmi les droits fondamentaux, insiste-t-il, il y a le droit à la liberté religieuse».
Et pour conclure, le pape lance aux Libanais cet appel: «Je vous exhorte, vous tous Libanais de toutes confessions, à réussir le défi de la réconciliation et de la fraternité, de la liberté et de la solidarité, qui est la condition essentielle de l’existence du Liban».
Pour le premier déplacement de son pontificat au Moyen-Orient, Jean-Paul II a choisi de venir au Liban, un pays cher à son cœur. Son message, ses prières, produiront-ils leurs fruits dans notre vie nationale? Persuaderont-ils les chrétiens du Liban, et toutes les communautés avec eux, que la conversion au commandement d’amour est une arme de transformation sociale et politique? Ceux qui président aux destinées du Liban donneront-ils une véritable chance à cette «nouvelle espérance» de se concrétiser?


F. N.
C’est à un véritable électrochoc que les chrétiens du Liban, prostrés dans un apparent défaitisme, ont eu droit avec la visite historique de 32 heures de Jean-Paul II a Liban.L’immense foule qui a envahi, hier, la base navale du port de Beyrouth, est là pour le prouver. Cet électrochoc a apporté, avec lui, un prudent espoir de changement, ou disons une promesse...