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Actualités - ANALYSE

Conseil constitutionnel : des impasses cumulées ...

Un président démissionnaire, trois Sages indisposés: le Conseil constitutionnel est grippé. Et de plus comme certaines redoutables espèces, il entre en période de mue: il doit, en vertu du système de rotation qu’on lui inflige, changer cinq de ses membres d’ici le 5 juillet, le tirage au sort des partants devant en fait intervenir avant le 5 juin, pour être suivi par un vote en Conseil des ministres et/ou à la Chambre. Sans compter qu’il faut évidemment doter le C.C. d’un nouveau président.
Tous ces tracas internes viennent se greffer sur une conjoncture assez inconfortable puisque le Conseil constitutionnel doit se prononcer le plus vite possible — mais pas avant la semaine prochaine, pour cause de visite papale! — sur les dix-neuf recours en invalidation qui lui ont été soumis au sujet de dix-sept mandats parlementaires. Certes personne ne lui met le couteau sur la gorge, mais il est évident que même s’il avait à étudier 128 dossiers, il ne saurait laisser traîner les choses et y mettre, par exemple, un an entier... Or au stade actuel c’est ce qui risque effectivement d’arriver. Car le problème-clé, en faisant abstraction de tout le bruitage politico-médiatique extérieur, c’est que les juges ne sont pas d’accord entre eux, ni sur le nombre, ni sur le fond ni sur la forme, pour ce qui est des cas à trancher. Des sources informées croient savoir que la politisation extrême de l’affaire rend encore plus difficile une entente entre les membres, qui se seraient encore compliqué la tâche en se mettant d’accord sur un seul point: rendre les verdicts en bloc, en une seule fois, sans les sérier. Selon ces sources, sous couvert de dialogue nécessaire, il y aurait même des tentatives de marchandage en direction de quelques incorruptibles: donnez votre feu vert pour tel dossier et vos collègues vous soutiendront pour tel autre... On imagine aisément le succès que de semblables manigances, si elles étaient avérées, pourraient rencontrer au sein d’une si auguste assemblée. En tout cas, à en croire les mêmes sources, la répugnance manifeste de ce «corps de métier» à de telles pratiques amorales aurait provoqué de sa part un raidissement accentuant encore le blocage... et le clivage interne. Car les «drôles de propositions», ajoute-t-on, ne seraient pas que le fait de pôles extérieurs.
Toujours est-il que loin de ces considérations — dont on peut douter, tant qu’elles n’ont pas été directement confirmées par les intéressés —, on en reste encore à la case départ. On reconnaît en effet de tous côtés que certains membres du C.C. refusent toujours d’appliquer le principe d’une grille unique de critères pour juger les différents procès, en affirmant que chaque cas offre des aspérités spécifiques qu’il faut traiter d’une manière particulière. Autrement dit qu’il faut tenir compte d’un contexte socio-politique déterminé. Ce qui semble être le meilleur moyen de politiser le travail du Conseil dans le mauvais sens, en lui faisant appliquer la règle des deux poids deux mesures par ailleurs si chère à la présente République.
Mais il y a aussi un point très important et que les textes — c’est dire leur qualité — ne traitent pas: le plaignant prendrait-il automatiquement la place de l’«invalidé» s’il vient juste après lui en nombre de voix? Ce n’est pas aussi évident que cela paraît, car s’il y a invalidation, les chiffres donnés pour officiels ne tiendraient évidemment plus, ni dans un sens ni dans l’autre. A supposer qu’un élu par détournement de suffrages ait obtenu 10.000 voix, le second 9.000, qui peut dire si les 1.000 voix de différence n’auraient pas été chipées à un troisième candidat coté par exemple à 8.500... Et puis que faire si un même mandat — le cas se présente deux fois — fait l’objet de plus d’une plainte?.... Mais organiser des élections partielles, quel tracas! Car, sauf dans le Mont-Liban, il faudrait alors convoquer aux urnes tout un mohafazat...
Enfin un tribunal peut-il rendre une sentence en l’absence d’un de ses membres, surtout si c’est le président et surtout si la décision doit être prise par vote. A la majorité, dit le texte, de sept sur dix. Pas sur neuf...

Ph. A.-A.
Un président démissionnaire, trois Sages indisposés: le Conseil constitutionnel est grippé. Et de plus comme certaines redoutables espèces, il entre en période de mue: il doit, en vertu du système de rotation qu’on lui inflige, changer cinq de ses membres d’ici le 5 juillet, le tirage au sort des partants devant en fait intervenir avant le 5 juin, pour être suivi par un...