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Actualités - ANALYSE

Le conseil constitutionnel bête noire de la classe politique

Lorsque les députés réunis à Taëf ont décidé de créer un Conseil constitutionnel à la place du comité parlementaire chargé de statuer sur les recours en invalidation des mandats parlementaires, cette décision fut considérée comme un progrès démocratique et un tournant dans l’histoire des institutions au Liban. C’était une initiative importante destinée à renforcer l’Etat de droit et des institutions, ainsi qu’un moyen efficace de sauvegarder les libertés et les principes démocratiques.
Ce Conseil aurait dû être formé avant les élections parlementaires de 1992 pour traiter des recours en invalidation qui lui auraient été soumis. Mais, à l’époque, le gouvernement a tardé à élaborer le projet de loi relatif à la création de ce Conseil.
En décembre 1991, le président de l’Assemblée nationale a formé une commission de députés et de juristes en vue d’examiner le projet. Mais elle ne s’est réunie qu’une seule fois et n’a jamais été invitée à se réunir une deuxième fois.
En 1992, le gouvernement a organisé des législatives qu’un grand nombre d’électeurs ont boycottées. Si le Conseil constitutionnel existait à cette époque, il aurait sans doute annulé ces élections tronquées. Le gouvernement aurait donc sciemment retardé la création du Conseil pour éviter l’invalidation de ce scrutin.
Après ces élections, le nouveau gouvernement a retiré de l’Assemblée nationale le projet de loi sur la création du Conseil constitutionnel et chargé le ministre de la Justice de former une nouvelle commission. Le Conseil des ministres a apporté de nombreux amendements à ce projet de loi pour le soumettre ensuite au Parlement au milieu de l’année 93.
Après avoir subi des modifications au sein de l’Assemblée, le 14 juillet 93 le projet de loi a été finalement approuvé et le 23 décembre de la même année les députés ont élu cinq des dix membres du Conseil, et le gouvernement, cinq autres. En avril 94, les dix membres de l’instance ont prêté serment devant le président de la République et, le 30 juillet, le Conseil constitutionnel a pu enfin commencer à exercer ses fonctions.

Motifs et réalisations

Selon le vice-président du Conseil constitutionnel, M. Mohammed Majzoub, plusieurs facteurs ont nécessité la création de cette instance, en l’occurrence:
— Le besoin d’un supplément de garanties pour la protection des droits et des libertés que stipule la Constitution.
— La consolidation du système parlementaire et démocratique, et l’instauration d’un Etat de droit dans le pays.
— Le contrôle de la conformité des lois à la Constitution.
Parmi les premières réalisations du Conseil, l’invalidation de la loi électorale votée en 1996. On se souvient notamment dans ce cadre que le découpage des circonscriptions en mohafazat, d’une part, et en cazas, d’autre part, avait été jugé anticonstitutionnel et injuste par les membres du Conseil.
Mais, sciemment ou non, le Conseil avait ouvert la voie à une interprétation de son jugement en estimant que le Parlement n’avait pas invoqué dans la loi électorale «des circonstances exceptionnelles liées à l’intérêt supérieur de la nation». Une phrase que le gouvernement n’a pas manqué d’exploiter lors de l’élaboration du deuxième projet de loi électorale. C’est ainsi que le découpage en mohafazats et cazas a pu être maintenu...
Cinq des dix députés qui avaient signé la pétition réclamant l’annulation de la loi électorale ont persisté dans leur position lors du vote du second projet de loi. Ils n’ont jamais pu trouver les cinq autres parlementaires susceptibles de joindre leur voix à la leur pour saisir à nouveau le Conseil constitutionnel, et pour cause: suffisamment de pressions avaient été exercées par le gouvernement pour décourager les députés motivés...

Les derniers recours

Mais l’Exécutif ne s’attendait visiblement pas à ce que le Conseil constitutionnel accepte d’examiner un certain nombre de recours en invalidation des résultats des dernières législatives sur les 19 qui lui ont été soumis. L’annulation de ces résultats aurait sans doute eu des répercussions politiques très dangereuses pour le gouvernement. D’où les pressions exercées sur le président et certains autres membres du Conseil constitutionnel en vue de les inciter à renoncer à l’examen de plusieurs recours qui lui ont été présentés.
Les pressions susmentionnées ont atteint leur paroxysme lorsqu’ont filtré des informations sur les noms de députés dont le mandat serait susceptible d’être remis en question. C’est ainsi, qu’en définitive, le Conseil constitutionnel a dû se borner à opérer un nouveau décompte des voix et à en vérifier l’exactitude. Autant dire que le Conseil s’est alors métamorphosé en simple machine à calculer...
Dans les milieux politiques, nul n’est vraiment surpris des limitations imposées à la tâche du Conseil constitutionnel. En effet, une telle instance n’agit en réalité que dans les pays démocratiques qui respectent les lois et la Constitution. C’est ce qui manque au Liban dont la classe politique est encore peu apte à admettre les décisions du Conseil constitutionnel.

E.K.
Lorsque les députés réunis à Taëf ont décidé de créer un Conseil constitutionnel à la place du comité parlementaire chargé de statuer sur les recours en invalidation des mandats parlementaires, cette décision fut considérée comme un progrès démocratique et un tournant dans l’histoire des institutions au Liban. C’était une initiative importante destinée à...