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Actualités - ANALYSE

Une énigme : la vraie position de Washington par rapport à Netanyahu

Que pense exactement l’Administration Clinton de la politique d’implantation suivie par le gouvernement Netanyahu... En est-elle tacitement complice... Estime-t-elle qu’on peut laisser faire du moment que les Arabes, Palestiniens compris, sont incapables d’une réaction efficace et se contentent pour toute riposte de fulminer dans des communiqués de presse... Ou au maximum de manifester, de lancer des pierres pendant quelques jours avant de se laisser retomber dans une morne résignation... Peut-on au contraire imaginer que, machiavéliques, les Américains laissent à dessein Netanyahu s’embourber dans des sables mouvants dont il ne pourra se dégager en définitive qu’en démissionnant ou qu’en acceptant de partager le pouvoir avec les travaillistes au sein d’un Cabinet d’union nationale plus pacifiste que le sien... Enfin faut-il croire que dans une sorte d’esprit de troc, les Américains autorisent les gesticulations israéliennes d’Abou Ghoneim moyennant le ferme engagement de Netanyahu de ne pas lancer d’opération militaire d’envergure contre la Syrie, directement ou à partir du territoire libanais...
Ces interrogations spéculatives ont été développées au cours d’une réunion qui a groupé des officiels et des spécialistes. Selon l’un d’eux «Netanyahu appartient à une espèce dangereuse que l’on croyait à tort en voie de disparition: l’idéologue. C’est même un fanatique de la Thora qui croit à l’Eretz Israël, le Grand-Israël patrie mythique qui engloberait aussi bien le Golan que la Judée-Samarie. C’est uniquement dans ce cadre qu’il conçoit la paix avec les Palestiniens et les Arabes. Mais comme l’homme n’est pas fou, quoi qu’en disent les Egyptiens, il sait que pour atteindre son véritable objectif il doit procéder par étapes et tenir compte de circonstances qui à la base ne sont pas favorables. Ce que nous qualifions de «provocations délibérées» destinées à faciliter le déroulement de son plan. Autrement dit, tout ce qu’il fait maintenant représente à ses yeux une simple préparation prophylactique visant dans un premier temps à faire abroger les principes de Madrid pour les remplacer ensuite par un processus plus conforme aux intérêts d’Israël qu’à ceux des USA, des Européens ou des Arabes. Comme le souligne Mohammed Hassanein Heykal, Netanyahu est l’un de ceux qui pensent que si Israël devait accepter une paix réduisant les frontières auxquelles il estime avoir droit, il aurait perdu sa raison même d’exister et partant sa légitimité en tant qu’Etat de droit divin. Le journaliste égyptien ajoute que les Arabes doivent réaliser qu’ils risquent sérieusement d’être confrontés à un projet dont ils ne peuvent pas empêcher la formation mais auquel ils peuvent, ils doivent, résister sur un long terme et non une seule fois. Comme le dit également Heykal, force est de constater qu’actuellement Clinton fléchit devant les pressions du lobby sioniste aux States et ne se montre pas aussi libre de ses mouvements qu’on l’avait cru lors de sa réélection».

Tactique

«On pensait en effet, poursuit cet analyste, que durant son deuxième mandat, et du moment qu’il ne peut pas en briguer un troisième consécutif, il ne serait plus otage de considérations électorales. Il semble qu’on s’est trompé parce qu’on a oublié qu’un président doit également songer aux intérêts électoraux du parti auquel il appartient d’une part; et d’autre part, quand on est relativement jeune comme Clinton, à son propre avenir politique puisqu’après un interlude de quatre ans on peut se représenter devant les électeurs. Dès lors on entend le porte-parole du département d’Etat Nicholas Burns affirmer au sujet de la situation en Cisjordanie que l’Amérique ne fera aucun effort pour relancer les négociations israélo-palestiniennes tant que les deux parties n’ont pas préparé le climat à cet effet. Et ce porte-parole s’empresse de préciser, sans mentionner Abou Ghoneim, que la pression est mise tout d’abord sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle neutralise avant toute chose les parties responsables de l’attentat de Tel-Aviv, ajoutant qu’Arafat doit faire ses preuves en actes autant qu’en paroles au sujet de l’éradication du «terrorisme» dirigé contre la paix. On voit donc que les Américains inversent les données, mettent la charrue devant les bœufs et au lieu de s’arrêter aux causes, à savoir la politique de Netanyahu, ne veulent en considérer que les effets, les gestes de révolte désespérée d’un soldat jordanien ou d’un kamikaze palestinien. Ils vont encore plus loin en opposant leur veto à deux reprises à une résolution, tout à fait normale, du Conseil de Sécurité condamnant Israël et établissant donc les responsabilités réelles dans le blocage du processus de paix. En ce faisant les Etats-Unis dédouanent Netanyahu et l’encouragent à poursuivre sur une voie qui pourtant attaque en tout premier lieu leurs propres plans concernant la région. Les Américains ont d’ailleurs l’air de travailler eux-mêmes contre la paix telle qu’ils affirment la concevoir: au Liban, encore plus que Netanyahu, ils exigent la neutralisation préalable d’une résistance active dont ils devraient être les derniers à contester la légitimité, eux qui sont les auteurs de la 425...»
Mais une autre personnalité estime que «l’Administration Clinton sait comment fonctionne l’opinion israélienne qui se réunifie quand le pays est attaqué, à l’ONU ou ailleurs. C’est donc pour ne pas laisser Netanyahu rassembler derrière lui tous les Israéliens que paradoxalement les Américains ont recouru au veto pour empêcher sa condamnation au palais de Verre. Ceci étant, dès le début les Etats-Unis ont combattu l’homme et dès son élection ils lui ont publiquement conseillé de ne pas faire cavalier seul, de former avec les travaillistes un Cabinet d’union nationale. Une proposition qu’ils n’ont cessé depuis de marteler. Il est donc probable qu’en réalité Washington laisse exprès Netanyahu accumuler les erreurs, pour l’enfoncer progressivement, l’éliminer politiquement ou à tout le moins l’obliger à s’allier avec les colombes travaillistes pour relancer sérieusement le processus de paix, en base des principes de Madrid. Leur homme à Tel-Aviv Shimon Pérès n’a-t-il pas déclaré dernièrement que si Netanyahu ne rejoint pas le processus cette année, il le paierait très cher... N’a-t-il pas précisé que la population israélienne, un moment trompée durant la campagne électorale par le Likoud, réalise parfaitement maintenant que la paix ne peut se faire sans restitution de territoires et n’admet plus que Netanyahu s’y oppose car elle comprend aussi qu’il y va de la vraie sécurité d’Israël comme de sa survie économique...»

E.K.
Que pense exactement l’Administration Clinton de la politique d’implantation suivie par le gouvernement Netanyahu... En est-elle tacitement complice... Estime-t-elle qu’on peut laisser faire du moment que les Arabes, Palestiniens compris, sont incapables d’une réaction efficace et se contentent pour toute riposte de fulminer dans des communiqués de presse... Ou au maximum de...