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Actualités - CHRONOLOGIE

Mars 1956, mars 1997, un même épicentre : l'Iqlim El-Kharroub La psychose du séisme s'empare du Liban Mais les experts se veulent rassurants : les secousses d'hier marqueraient la fin d'un cycle sismique (photo)


Mais les experts se veulent rassurants: «Les secousses d’hier marqueraient la fin d’un cycle sismique»

On l’attendait depuis la fin de l’été, cette forte secousse tellurique qui devait nous mettre dans tous nos états et c’est hier qu’elle s’est produite, à 6h22 précises: Un grondement sourd se fait entendre. Dans les appartements, tout vacille. Nos cœurs aussi. Et le sol se dérobe sous nos pieds l’espace de sept petites secondes qui paraissent une éternité. Le séisme, le plus fort depuis 1956, est d’une force 5 sur l’échelle de Richter et son épicentre se situe dans l’Iqlim el-Kharroub, au même endroit où l’énergie souterraine accumulée pendant des années avait été violemment libérée le 16 mars 1956.

La coïncidence est troublante: on commence à se poser des questions: Est-ce le «big one» attendU ou est-ce une secousse annonciatrice du séisme dévastateur puisqu’on suppose qu’un cycle sismique est, en moyenne, de 50 ans? Neuf heures plus tard, c’est la panique: la terre tremble de nouveau pendant cinq secondes. La magnitude de la secousse est de 4,3 sur l’échelle de Richter. En soirée, plus rien, mais la psychose est toujours là. Des gens se cloîtrent chez eux dans la capitale. D’autres, dans le secteur de Chatila et à Chéhim, passent la nuit dans la nature (VOIR AUSSI PAGE 5). Les sismologues s’efforcent toutefois de dissiper cette psychose en multipliant les explications rassurantes et en insistant sur le fait que la secousse de la matinée est «à 90%» celle qu’ils redoutaient, à la suite de la succession des petites secousses des mois derniers. Quant au tremblement de terre de l’après-midi, il serait une des répliques de celui de l’aube.
Dans certains quartiers de la capitale et de sa proche banlieue, un triste spectacle s’offre aux regards: des immeubles et des vieilles bâtisses aux façades fissurées, des bris de verre et des pierres ou des blocs de béton jonchent les trottoirs et la chaussée, des voitures endommagées par l’effondrement de pans de murs et des câbles électriques qui pendent... on est toutefois vite rassuré: il n’y a eu aucune victime. Mais quels sont les risques d’un troisième tremblement de terre encore plus fort? Très minimes, répondent les spécialistes qui précisent toutefois qu’il faut s’attendre dans les prochaines heures à une série de répliques dont l’intensité pourrait varier entre 2,5 et 3,5 sur l’échelle de Richter. Et d’affirmer surtout qu’ils sont à peu près certains que le séisme de l’aube marque la fin d’un cycle sismique. Si cela est vrai, cela veut dire que le pire a été évité. Le responsable de l’observatoire de Bhannès, M. Charles Tabet, se veut très rassurant. Il met en relief l’existence de ce cycle et rappelle à «L’Orient-Le Jour» la thèse selon laquelle chaque cinquante ans, l’écorce terrestre au Liban se décongestionne et fait évacuer l’énergie souterraine accumulée au fil d’un demi-siècle. Cela se passe sur la faille de Roum, une des ramifications de celle de Yammouné qui traverse le Liban du Sud au Nord. La faille de Roum passe par Jezzine, l’Iqlim el-Kharroub jusqu’au large de Damour. Le dernier désengorgement de l’écorce terrestre s’était produit en 1956 sur la faille de Roum et, sur base de cette théorie, on approche donc de la fin d’un cycle sismique. M. Tabet avait d’ailleurs effectué une étude à ce sujet.

Les séismes sont
imprévisibles

Son point de vue est partagé par M. Kamal Kheir, professeur de géophysique à l’AUB. «J’ai le sentiment qu’il s’agit du séisme qui marque la fin d’un cycle. J’espère qu’il l’est», nous précise-t-il. Comme M. Tabet, il n’exclut toutefois pas catégoriquement la possibilité d’une nouvelle forte secousse tellurique. On ne peut pas prévoir un séisme et les études statistiques effectuées sur base de la fréquence des tremblements de terre au fil de l’Histoire peuvent comporter des marges d’erreur. S’il est impossible de prévoir les séismes au Liban, c’est parce qu’ils sont d’origine tectonique (dues aux déformations des couches géologiques de lithosphère dans l’écorce terrestre) et non pas volcanique. Le Liban est situé à cheval sur les deux plaques tectoniques d’Arabie et d’Afrique dont l’une se déplace vers le Nord et l’autre vers le Sud. «Leur mouvement n’est pas rapide et fort, et c’est pour cela qu’on considère que le Liban est situé sur un secteur tectonique semi-actif».
M. Kheir rappelle l’existence d’autres ramifications de la Yammouné, notamment la faille de Ferghaya, une ville syrienne qui se trouve au sud-est de Baalbeck, et celle de Rachaya, dans la Békaa et précise qu’un tremblement de terre sur une faille déterminée peut réactiver une autre faille, au cas où elle se situerait dans le prolongement de la première. C’est l’effet Domino: une laque qui bouge et son mouvement se répercute sur l’ensemble des plaques qu’elle fait tomber. M. Kheir souligne toutefois que depuis que la magnitude des tremblements de terre a commencé à être enregistrée au Liban, aucune activité sismique importante n’a été observée au niveau de Yammouné.

Un cycle de
200 ans

Il rappelle ensuite l’existence d’une autre théorie fondée également sur le phénomène cyclique des séismes et selon laquelle une secousse dont l’intensité serait supérieure à 7 points sur l’échelle de Richter se produirait au Liban chaque 200 ou 300 ans. En 1759, soit 248 ans plus tôt, un séisme dont la magnitude a été évaluée à 7.4 sur l’échelle de Richter avait fait des ravages au Liban. Normalement, on est en pleine période à risque. Mais M. Kheir conteste fortement cette hypothèse en raison, dit-il, des marges d’erreur des études statistiques sur lesquelles elle se fonde.

Il précise que le calcul de l’intensité des séismes suivant une échelle précise n’a commencé qu’il y a environ 120 ou 140 ans. Pour évaluer la force d’un tremblement de terre qui se serait produit il y a 200, 300 ou 500 ans plus tôt, on se basait essentiellement sur les dégâts qu’il a provoqués, ce qui en soi, dit-il, n’est pas un facteur très fiable. «Dans l’Antiquité, des villes côtières libanaises ont été complètement détruites. Mais qui nous dit que c’est à cause d’un séisme dont l’épicentre serait situé dans leur périmètre et non pas à cause d’un «Tsunami». Les tremblements de terre de force supérieure à 6 auraient très bien pu se produire au large du Liban et provoquer un «Tsunami» une vague gigantesque qui déferle à une vitesse pouvant atteindre les 800 ou les 1000 km/h et qui aurait détruit les villes sur lesquelles elle se serait abattue», explique-t-il. De plus on peut estimer à 7 degrés sur l’échelle de Richter la magnitude d’un séisme qui se serait produit dans l’Antiquité mais qui serait en réalité de force 5. «N’est-ce pas là une importante marge d’erreur»? note-t-il.

Des milliers de secousses

M. Georges Hatem, un ingénieur qui s’est spécialisé dans les phénomènes sismiques à l’Université de Standford, aux Etats-Unis, et qui a effectué des recherches sur les risques sismiques au Liban, est beaucoup moins nuancé. Pour lui, la menace d’un séisme ravageur pèse toujours sur le pays. Une secousse comme celle d’hier n’est pas suffisante, à elle seule, pour faire évacuer toute l’énergie souterraine accumulée: il en faudrait des milliers d’autres. En se basant sur le calcul logarithmique sur lequel l’échelle de Richter est fondée, il estime que «pour éviter un séisme de force 6, il faut qu’un tremblement de terre de magnitude 3 se produise chaque jour pendant un siècle» et que «pour éviter un autre de force 7 et plus, il nous faut mille séismes de magnitude 5 étalés sur trois ans».

M. Hatem relève que, contrairement à la Californie dont le «catalogue sismique ne remonte qu’à deux ou trois siècles, le Liban possède un catalogue vieux de plusieurs millénaires» et sur lequel il fonde ses études. Il insiste aussi sur le phénomène cyclique des tremblements de terre au Liban et fait remarquer que chaque 250 ans environ «une ou deux secousses de magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter se produit dans le pays. Le dernier avait eu lieu en 1759 et avait son épicentre dans la région de Baalbeck. Nous sommes à la fin d’un cycle». Et d’indiquer que trois des colonnes du temple de Jupiter à Baalbeck — qui en comptait donc neuf — s’étaient écroulés lorsque la terre avait bougé au dix-huitième siècle.
M. Hatem note que depuis 1100, il y a eu dix séismes de magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter: en 1157, 1170, 1202, 1404 et 1759, et plusieurs autres plus ou moins violents. Selon ces explications, c’est le même «catalogue sismique» du Liban qui a permis d’établir le cycle de cinquante ans au bout duquel un tremblement de terre modéré se produit. Et si cette théorie s’est avérée correcte, cela signifie que l’autre l’est aussi puisqu’elle se fonde sur le même calcul, laisse-t-il entendre. M. Hatem cite plusieurs personnalités qui ont confirmé le caractère cyclique des tremblements de terre qui se produisent au Liban et estime que le risque qu’il y ait d”ici 50 ans, une secousse de force supérieure à 7 se situe entre 60 et 70%.
On ne peut que relever les contradictions dans les explications fournies. Mais là où les spécialistes s’entendent parfaitement, c’est lorsqu’on aborde la question de la prévention et de la préparation. Sil l’on ne peut pas empêcher la terre de bouger, il reste tout à fait possible de faire en sorte que son mouvement provoque le moins de dégâts possibles et en apprenant à la population comment réagir durant et après un séisme. M. Hatem relève qu’aussi bien les hôpitaux que les centres de secours au Liban ne sont pas édifiés de sorte à résister à un tremblement de terre. Beaucoup plus que les secousses, c’est cette absence de préparation qui fait peur aujourd’hui. Après tout, nous sommes bien dans une zone à risques, au même titre que le Japon, l’Iran, la Californie, Chypre...



Mais les experts se veulent rassurants: «Les secousses d’hier marqueraient la fin d’un cycle sismique»On l’attendait depuis la fin de l’été, cette forte secousse tellurique qui devait nous mettre dans tous nos états et c’est hier qu’elle s’est produite, à 6h22 précises: Un grondement sourd se fait entendre. Dans les appartements, tout vacille. Nos cœurs aussi. Et...