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Actualités - ANALYSE

Orage d'hiver : le système en pleine crise de pouvoir

La désinvolture cavalière, les innombrables boutades, le soin manifeste à favoriser l’opposition de M. Nabih Berry lors des débats parlementaires sur le budget montrent qu’après le président de la République c’est au président du Conseil qu’il en veut. La tension entre les pouvoirs est donc vive, le conflit aigu, bien qu’on n’en saisisse pas vraiment les raisons profondes, les indications des deux camps concernés à ce sujet ne montrant probablement que la partie émergée de l’iceberg, le reste n’étant peut-être pas très avouable... On se souviendra du reste à ce propos des accusations, aussi vagues que graves, portées par le chef du Législatif à l’encontre de la troïka qui selon lui aurait couvert nombre de détournements de deniers publics et d’affaires de concussion.
Au stade actuel, il ne reste de la troïka que le volet querelles, et aucune trace de cette coopération qui, au nom de Taëf, servait de justificatif à ce système collégial. Le président de la Chambre ne veut donc plus, comme cela lui était souvent arrivé auparavant, défendre le gouvernement et il annonce que désormais il en sera «le vigilant censeur». Il a été très loin dans ce sens en dirigeant les derniers débats, intervenant à tout propos pour critiquer le gouvernement, les ministres et le président du Conseil, en n’hésitant pas à les interrompre quand c’était leur tour de parole et à laisser les députés en perturber les discours. Même les opposants radicaux ont fait montre de plus de courtoisie que lui dans leurs attaques, pourtant sévères, et n’ont pas adopté son ton sarcastique.
Malgré les provocations évidentes dont il a été la cible, malgré la discrimination évidente dans le temps de parole, malgré qu’on ne lui ait pas laissé grande latitude pour se défendre, M. Rafic Hariri a pour sa part conservé son calme, en évitant tout esclandre avec la présidence de la Chambre. Un sang-froid assez méritoire, si l’on considère que l’examen du budget a tourné à une discussion aigre de politique générale, le climat étant bien rendu par cette étrange anomalie procédurière: après la réponse globale du gouvernement aux remarques des députés, qui clôture ordinairement les débats après quoi on passe au vote, M. Berry a redonné la parole aux opposants, en participant lui-même de bon cœur à cette curée. Poussé de la sorte à bout le chef du gouvernement a comme on sait menacé de poser la question de confiance sur l’histoire des bons du Trésor.
Par cette surenchère désespérée, M. Hariri a remis un peu les pendules à l’heure. Et M. Berry ne croyait pas si bien dire lorsque reprenant au vol une balle lancée par M. Najah Wakim au sujet de l’appariement Exécutif-Législatif souhaité par le gouvernement, il s’est exclamé: «Vous verrez, il ne laissera personne derrière lui quand il s’en ira...» Ce qui résume bien le drame du foyer loyaliste dont les composants, qui ne peuvent se voir en peinture, restent tributaires les uns des autres pour leur survie politique. Plus exactement, plus objectivement, si l’on peut à la limite imaginer un changement au niveau du leadership parlementaire (comme cela s’était du reste produit avec M. Hussein Husseini), on ne peut concevoir pour le moment une direction qui puisse se passer de M. Hariri...
Tactiquement ce dernier s’est adapté aux circonstances, en permettant aux ministres de le relayer sur plusieurs points, pour amortir les chocs. Et l’on s’est retrouvé dans une atmosphère semblable à celle qui règne aux States lors des séances féroces de «hearing» des commissions du Congrès qui mettent sur la sellette les cadres de l’Administration.
M. Berry, prenant la tête de l’inquisition, a posé des questions chiffrées, notamment au sujet des 60 milliards de LL dépensés sur Télé-Liban. Une interrogation ciblant M. Bassem el-Sabeh qui se trouve être comme par hasard l’un des éléments dont le président de la Chambre aurait préféré voir remplacé au sein du gouvernement par un de ses propres amis.
Pour ne pas être en reste d’amabilités, les haririens ont fait remarquer dans les couloirs de la Chambre qu’en intervenant en personne, au lieu de laisser faire les membres de son bloc, M. Berry s’expose à des ripostes et à des contre-interrogations... On est donc, comme on voit, en pleine corrida. Et sauf intervention des décideurs, cela risque encore de rebondir...

Ph. A-A.
La désinvolture cavalière, les innombrables boutades, le soin manifeste à favoriser l’opposition de M. Nabih Berry lors des débats parlementaires sur le budget montrent qu’après le président de la République c’est au président du Conseil qu’il en veut. La tension entre les pouvoirs est donc vive, le conflit aigu, bien qu’on n’en saisisse pas vraiment les raisons...