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Actualités - ANALYSE

L'opposition se frotte les mains... et tire à boulets rouges sur le pouvoir désuni

L’opposition boit du petit lait. Les disputes des dirigeants la mettent aux anges. D’autant que dans le feu de leurs déclarations contradictoires, ils se laissent aller à de lourds aveux indirects et même parfois très explicites, comme lorsque M. Nabih Berry bat sa coulpe pour sa responsabilité dans la création de ce monstre tricéphale qu’est la troïka...
Commentant ainsi les réflexions de M. Elias Hraoui sur la «réconciliation nationale», développées au cours de l’iftar de Dar el-Fatwa — alors que M. Nabih Berry lui tournait ostensiblement le dos! — une personnalité de l’Est se demande si elle n’a pas «la berlue...» et affirme ne pas en croire ses oreilles:
«Mais qui donc d’autre que le pouvoir est responsable, s’exclame-t-elle, de la déchirure nationale? Qui donc a rayé de la carte toute possibilité d’entente et, partant, d’édification d’un véritable Etat de droit, souverain, indépendant, égalitaire, respectueux des libertés comme des droits de l’homme? Qui donc a tronqué et dévié les accords de Taëf dont on n’a appliqué que les clauses favorisant une partie, les autres restant lettre morte ou se trouvant détournées d’une manière discriminatoire flagrante comme dans l’exécution du fameux plan de sécurité initial et dans la dissolution des milices? Qui donc a rejeté dans l’exclusion une bonne moitié du pays politique, la plongeant dans la morosité déçue et la poussant à l’exil? Qui donc se place au-dessus des lois, qui donc a organisé à deux reprises des élections législatives pourries à la base, qui avait accepté auparavant le diktat imposant le parachutage de membres nommés au sein du Parlement? Qui s’acharne sur la partie affaiblie par l’hostilité des décideurs, qui persiste à ordonner ou à couvrir des rafles là où il ne faut pas, simplement par souci de constance dans l’oppression? Qui poursuit avec hargne une politique de vindicte pour mieux faire sentir à la partie même pour qui cette patrie a été créée qu’elle est définitivement vaincue? Qui empêche, sous d’innombrables prétextes, la normalisation des relations internes par la participation de tous à la vie politique comme aux institutions? On nous rebat régulièrement les oreilles avec des slogans creux sur l’unité nationale, sans rien faire pour la réaliser...»

Deux points de
vue de l’intérieur

A ce propos, on relève que le député du Nord (Bécharré), Kabalan Issa el-Khoury — qu’on ne peut accuser de parti-pris chauvin en faveur de l’Est —, appelle à l’organisation d’un congrès général auquel participeraient, outre la Chambre, «des pôles divers loyalistes et opposants en vue d’une réconciliation nationale fondée sur des bases solides, des points d’accord précis permettant l’édification d’un Etat des institutions épuré de toute hégémonie individuelle, un Etat qui veillerait à ce que le Liban soit vraiment une patrie pour tous ses fils, où aucune composante essentielle ne se considérerait lésée par des déséquilibres...» En bon parlementaire, M. Issa el-Khoury recommande le retour à l’exercice d’une saine démocratie fondée sur les équilibres et sur le principe du consensus entre toutes les familles spirituelles du Liban.
De son côté, le ministre des Ressources hydro-électriques, M. Elias Hobeika, critique la pratique trop courante du recours à la Syrie pour régler les problèmes, et surtout les conflits ou différends internes, chaque partie tentant ainsi d’obtenir un appui syrien en sa faveur. M. Hobeika dénonce également le comportement de certains prosyriens qui, selon lui, au lieu de chercher à promouvoir leur popularité par des actions positives préfèrent s’acharner sur leurs adversaires pour les anéantir. Ce qui entraîne souvent des retombées négatives pour tout le monde. Il rappelle que cette mentalité a cours sur la scène politique locale depuis le temps des Ottomans, que la règle tacite a presque toujours été que le plus fort doit monopoliser le pouvoir, ce qui signifie en pratique qu’il s’efforcera constamment de faire en sorte que la société ne se rehausse pas pour qu’il ne s’en dégage aucun rival. Selon M. Hobeika, la solution réside dans l’élaboration de dispositions bien planifiées pour l’essor social, syndical et politique, la loi ne devant pas être conçue pour servir le puissant et malmener le faible. Le ministre précise en substance que la situation au Liban «affecte plus particulièrement les chrétiens. Plus que les autres, en effet, ils pâtissent de la déperdition du pouvoir. Les luttes d’influences intestines les ont minés et ils ont eux-mêmes éliminé leurs leaderships. Ils se sentent donc comme égarés, sans guides, ceux qui restent étant récusés».
Il reste que selon M. Hobeika «les chrétiens se trompent généralement dans leur analyse sulpicienne. Personne d’autre que Geagea n’a éliminé Aoun et vice-versa; il en va de même pour les Chamoun-Gemayel. La montagne ne s’est dissociée du Nord qu’à cause de raisons de pouvoir internes. Les Kataëb ne se sont disloqués que parce que leur structure manquait au fond de maturité. C’est que durant de longues périodes notre collectivité a été menée par des leaderships déterminés maintenant disparus. Il y a des éléments qui ambitionnent de les remplacer. Mais les Syriens ne peuvent traiter qu’avec ce qui existe déjà et ne peuvent créer personne du néant. Depuis la fin de la guerre domestique, il y a eu des changements au niveau du leadership chrétien, comme s’il vivait une phase de transition entre la ligne politique qu’il suivait jusque-là et l’émergence de nouvelles figures de proue. Naturellement, les contours d’une telle étape sont toujours gris. D’autant que durant ce temps de passage, effectué sans direction pour ainsi dire, certains en ont profité pour s’affirmer et se renforcer en tentant d’écraser les autres. Cette fraction, qui pose problème à la Syrie, provoque des réactions de rejet...»

Riposte

Cette double légaliste parenthèse close, la personnalité, radicale précédemment citée, reprend sa diatribe: «Qui donc, ressasse-t-elle, ne veut la déconfessionnalisation politique que pour gommer le rôle politique de l’autre, qui a aggravé les dissonances par les naturalisations et qui donc couvre de son autorité l’implantation palestinienne rampante. La loi doit s’appliquer à tous, nous dit-on. Tout à fait juste et il faut commencer par ceux qui l’ont détournée et qui ont si mal géré le pays comme le bien public. C’est vrai que les chrétiens se sentent victimes d’une profonde injustice, marginalisés et abandonnés. Mais s’ils n’ont plus de leaders c’est qu’on les a tués, emprisonnés ou exilés. La loi n’est pas appliquée à tous et quand elle l’est — à sens unique — les procédures ne sont pas respectées, sans parler des droits de l’homme. L’Etat n’arrive pas à lier d’une manière saine la sauce des événements, à veiller à ce que la sécurité, la loi et les libertés fassent bon ménage. Cette faiblesse chronique de l’Etat se nourrit de ses propres causes pour ainsi puisqu’elle s’accroît à chaque recours de l’arbitrage des décideurs pour régler les querelles entre gens du pouvoir. Comme le dit le président Hraoui, il faut que tout le monde se range derrière la bannière de l’Etat. A commencer par les dirigeants...», conclut cet opposant.

E.K
L’opposition boit du petit lait. Les disputes des dirigeants la mettent aux anges. D’autant que dans le feu de leurs déclarations contradictoires, ils se laissent aller à de lourds aveux indirects et même parfois très explicites, comme lorsque M. Nabih Berry bat sa coulpe pour sa responsabilité dans la création de ce monstre tricéphale qu’est la troïka...Commentant ainsi...