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L'état-nation, un voeu pieux, un rêve ecorché...

L’ETAT-NATION, UN VŒU PIEUX, UN RÊVE ECORCHÉ...
C’est l’heure des vœux, des bonnes — et grandes — résolutions. Dans le cadre politique structurel — en faisant abstraction de concepts comme la souveraineté, justement trop abstraits pour les autorités en place —, si l’on veut que le pays atteigne un certain stade de normalité mature, il faudrait notamment:
— Une loi électorale bien dosée qui soit équitable à l’égard des régions comme des communautés ou des différents corps sociaux, tout en servant la cause d’un brassage national.
— Une réforme administrative en profondeur, accompagnant la mise en place de la décentralisation recommandée par le «document de l’entente nationale» de Taëf, dont c’est d’ailleurs l’une des rares clauses qui ne fassent pas l’objet d’une controverse.
— Une nouvelle loi des partis gommant dans ce domaine le confessionnalisme et le sectarisme, pour qu’il n’y ait plus de formations maronites, sunnites, chiites ou druzes, mais des regroupements à caractère laïc et national, ce qui est — partiellement — le cas du P.C., du PSNS ou du Baas.
— Une révision des programmes scolaires avec unification des manuels d’histoire et d’éducation civique, la citoyenneté bien comprise commençant à l’école...
Comme on sait, aucun point de ce programme de base, qui vise essentiellement à promouvoir l’allégeance politique des Libanais à la nation-Etat, n’a encore été abordé. Un ancien ministre, qui commente les indications du chef de l’Etat pour qui l’unification des statuts personnels serait un premier pas vers la séparation de la religion et de l’Etat, donc vers l’abolition du confessionnalisme, estime que «rien n’indique en réalité que le pouvoir soit en mesure d’atteindre un tel objectif. Les propositions de M. Elias Hraoui ont été en effet accueillies par un concert quasi unanime de protestations, tant dans les cercles loyalistes eux-mêmes que de la part des autorités religieuses de différentes communautés. Certains ont été si loin dans leurs réactions qu’ils n’ont pas hésité à remettre en cause les bases de la coexistence et la répartition traditionnelle des trois présidences. En tête des adversaires des propositions Hraoui l’on a trouvé M. Nabih Berry qui pourtant avait tenté lui-même par le passé, sans plus de succès et en essuyant la même vague de refus, de commencer l’opération de déconfessionnalisation politique par la mise sur pied de l’instance supérieure préparatoire prévue dans Taëf et qui, dirigée par le chef de l’Etat, devrait inclure les deux autres présidents entourés de sommités. Le chef du Législatif, qui s’était donc contenté d’essayer de ranimer l’article 96 de la Constitution portant sur la nécessité d’abolir le confessionnalisme politique, avait dû battre en retraite et mettre de côté sa proposition. C’est un thème qui est en fait aussi vieux que le Liban indépendant, puisque l’ancienne Constitution aussi stipulait que le système confessionnel ne devait avoir qu’un caractère provisoire. Nul n’a pu en sortir auparavant et les choses, malgré ou à cause de la guerre, ont si peu changé au fond qu’il n’y a pas de raison objective pour que maintenant on puisse enclencher le processus, du reste lent, de l’abolition du confessionnalisme politique. On en est même à un tel point que paradoxalement, avant d’établir des textes régulateurs, il faut agir sur le terrain. Il faut modifier les mentalités, par un travail de propagande continue comme par l’éducation à l’école. Il faut aussi préparer la voie par une loi électorale qui renforce la fusion nationale et l’impression que la coexistence peut être, plutôt que cause de friction, un élément positif de sécurisation pour tous».

Disparités

Un vœu louable, mais quelle pourrait bien être cette loi électorale? Au cours des dernières élections on a cherché, par exemple, à promouvoir «le brassage civique» dans la Békaa en en faisant une seule circonscription. Résultat: Zahlé et Baalbeck, qui jusqu’alors étaient assez solidaires psycho-socialement, se sont mises à se regarder en chiens de faïence, par rivalité de leadership électoral...
Et puis, problème réel, il y a bien d’autres priorités. Ainsi au «il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» d’un M. Hraoui plaidant pour l’unification des statuts personnels, le patriarche Sfeir a répondu en ces termes:
— «Nous n’abordons pas le champ public pour faire de la politique. Un adage bien connu reconnaît que «seule la religion forme les mœurs». Ce sont les valeurs morales, la justice, la liberté de la population, la libération du joug de l’oppression, qui nous importent. Il ne s’agit pas là de politique, mais d’une orientation prodiguée à tous les Libanais pour qu’ils se sentent rassurés...»
Le métropolice grec-orthodoxe de Beyrouth Mgr Elias Audeh et le métropolite grec-catholique de Zahlé Mgr André Haddad ont abondé dans ce sens, en signalant qu’il existe des hommes de religion au sein même de l’Assemblée nationale...
De même l’idée d’une nouvelle loi sur les partis se heurte dès le départ à de fortes objections. Le projet de nouvelle loi électorale suscite pour sa part d’innombrables divergences et il en va évidemment de même pour celui de l’unification du manuel d’histoire dans les écoles...
«D’ailleurs, reprend l’ancien ministre cité plus haut, bien des parties extérieures aussi bien que locales ont intérêt à ce que le corps libanais ne se débarrasse pas du parasite rongeur du confessionnalisme politique, source de tensions comme de divisions qu’on peut toujours exploiter à telle ou telle fin, ou pour mieux régner comme disaient les Romains. Tant que la citoyenneté ne prime pas toute autre allégeance, il est évident qu’il ne peut y avoir d’Etat de droit, d’Etat des institutions, d’Etat central vraiment fort et solide, donc indépendant autant que souverain, qualités qui ne se résument pas au contrôle nominal du territoire... Il est donc tout à fait probable que le président Elias Hraoui se résigne en définitive, comme l’avait fait le président Nabih Berry pour la déconfessionnalisation politique, à remiser au placard ses propositions concernant les statuts personnels. Tant que le statu quo convient aux décideurs on n’y touchera pas. Il aurait été bien plus facile d’ailleurs de réformer le système de fond avant la guerre domestique, qui a tout envenimé, tout aggravé, aussi bien notre dépendance à l’extérieur que notre «fidélité» viscérale à la communauté ou au clan aux dépens de notre allégeance à l’Etat dans la mesure où il est censé représenter la patrie, rôle qu’en outre il assume visiblement très mal. Très rarement dans le passé on a vu dans ce pays rendre à César ce qui est à lui, car très rarement il a su préserver son bien. L’on a même souvent vu les hommes de religion contraints, par la faiblesse et les égarements du pouvoir, de se faire les porte-parole du peuple, donc de déborder largement sur la vie politique. Dans les pays où le pouvoir est fort et l’Etat équitable, on ne les entend guère et ils en sont d’ailleurs aise. En lançant sa boutade le chef de l’Etat a sans doute songé avant tout au patriarche Sfeir, à ses interventions régulières dans le domaine public, à ses inlassables dénonciations des failles, des lacunes comme des fautes commises par les dirigeants, les responsables et les politiciens. M. Hraoui aurait eu raison si Bkerké ne se trouvait forcé de défendre des constantes foulées aux pieds, essentielles pour les Libanais comme pour la suivie effective de l’entité étatique elle-même en tant que reflet d’une patrie. Quand une caste politique démissionne ou dévie de sa mission, il faut bien qu’une autorité morale prenne la parole pour dire ce qui ne va pas et pour défendre le peuple comme les valeurs dont il se réclame, dont les libertés, la souveraineté, la justice, l’égalité et la démocratie. Que César avant toute autre chose prenne donc ses responsabilités...», conclut cet ancien ministre.

E.K.
L’ETAT-NATION, UN VŒU PIEUX, UN RÊVE ECORCHÉ...C’est l’heure des vœux, des bonnes — et grandes — résolutions. Dans le cadre politique structurel — en faisant abstraction de concepts comme la souveraineté, justement trop abstraits pour les autorités en place —, si l’on veut que le pays atteigne un certain stade de normalité mature, il faudrait notamment:— Une...