L’ASSAUT DES PYRAMIDES
LE CAIRE, 31 Décembre (AFP). — Etouffé par le béton, couvert d’ordures, un mur datant de l’époque pharaonique, cerné par les parkings d’un immeuble en construction, témoigne du triste sort des alentours des célèbres Pyramides de Guizeh.
A quelques centaines de mètres de la dernière merveille du monde, les énormes blocs vieux de près de 5.000 ans n’ont pas résisté à l’appétit des promoteurs malgré trois ans de batailles du service des antiquités égyptiennes.
Le Conseil supérieur des antiquités (CSA) a simplement obtenu qu’une trentaine de mètres du mur excavé soient préservés, au fond d’un fossé dérisoire dans les «Tours de lumière», ensemble de plusieurs immeubles dépassant dix étages avec vue imprenable sur les Pyramides, construit par la Compagnie arabe d’investissement immobilier, à capitaux koweïto-égyptiens.
Le mur avait été découvert en février 1993, au début des travaux de construction, et une partie, sur environ 25 mètres, avait été détruite avant que le CSA puisse procéder à des fouilles, sans parvenir à s’opposer à la poursuite du chantier.
«Le terrain vaut au moins 15 millions de livres égyptiennes (4,4 millions de dollars) et le bâti 32 millions (9,4 millions de dollars), explique l’ingénieur en chef du projet, Mamdouh Ahmed. Nous avons toutes les autorisations gouvernementales nécessaires et l’ensemble sera fini dans un an. Quatre cents familles y habiteront. Les appartements seront vendus minimum 1.000 livres (300 dollars) le mètre carré, peut-être un peu plus pour ceux qui surplomberont le mur».
Selon lui, une partie du mur est enterrée sous les parkings de l’immeuble et les vestiges vont jusque sous un terrain voisin, «où une école sera bâtie prochainement».
«Le chantier aurait dû être arrêté, regrette Zahi Hawass, le responsable des antiquités pour Guizeh et Saqqarah. Ce mur est un élément du complexe architectural de la grande pyramide de Chéops, il s’élevait dans le port utilisé par les bâtisseurs».
M. Hawass réclame «une nouvelle loi qui place la zone comprise entre l’hôtel Siag et les Pyramides sous la pleine autorité du CSA». Un vœu pieux: les «Tours de lumière» voisinent avec des dizaines de nouveaux bâtiments, dont des hôtels.
Des dizaines de milliers de personnes vivent à Nazzlet el-Sissi et Nazzlet el-Simane, véritables «villes nouvelles» sauvages au pied des Pyramides, à la lisière du site classé où toute construction est interdite.
Le gouvernement promet depuis des années la destruction de ces quartiers champignons pour protéger le site des Pyramides, mais les laisse prospérer en les dotant des équipements nécessaires.
«Les habitants sont riches, ils vivent du tourisme, avec la vente de souvenirs, la location de chevaux ou de chameaux, mais aussi le trafic d’antiquités», glisse un inspecteur local des antiquités qui souhaite garder l’anonymat. «Sous chaque maison gisent des antiquités, c’est une véritable mafia», confie-t-il.
Depuis les années 70, la ville enserre de plus en plus les Pyramides, à environ 12 kilomètres au sud-ouest du centre du Caire. L’agreste route inaugurée en 1869 par l’impératrice française Eugénie, à l’occasion des cérémonies d’ouverture du canal de Suez, est devenue l’une des artères les plus encombrées de la capitale égyptienne, bordée d’hôtels, de magasins de souvenirs et de boîtes de nuit.
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