« Mes chers compatriotes, les pères fondateurs eurent la sagesse de garantir nos libertés de beaucoup de manières. Mais ils ne pouvaient pas garantir nos âmes. C'est à nous et à notre conduite de le faire. Toute grande religion pose la question suivante d'une manière ou d'une autre : à quoi servent la richesse et la fortune si nous perdons nos valeurs morales ? Au cours des huit dernières années, nous avons cautionné des actes qui ont mis en danger l'âme même de notre pays. Le plus grave des crimes que nous ayons commis ou toléré a été la violente attaque de notre chère Constitution. Sans notre Constitution, l'Amérique n'est qu'une grande puissance parmi d'autres, grandie par la richesse et les armes plutôt que par les valeurs et les convictions ; nous risquons donc l'effondrement quand nos prospérités et nos armes nous feront défaut. C'est notre Constitution qui est notre véritable richesse et la vraie garantie de l'endurance de notre pays. Après avoir fermé Guantanamo Bay et interdit la torture, nous devons abroger le Patriot Act, restaurant ainsi les limites imposées par la Constitution aux écoutes et à la surveillance illégales.
« Deuxièmement, bien qu'ayant fermé les prisons, nous devons rechercher le pardon des nations amies pour les horreurs que nous avons commises ou permises en exerçant une torture approuvée par l'État et pour la "reddition extraordinaire " de détenus à des pays pratiquant la torture. Je suis en train de nommer une commission dont la mission est de mettre au point un processus de paix et de réconciliation afin de rendre compte de ces horreurs à nos consciences et au monde.
« Troisièmement, il nous faut un procureur spécial pour poursuivre les coupables. Beaucoup de membres de l'armée ou des renseignements craignent aujourd'hui d'être tenus pénalement responsables pour des actes entrepris sous l'ordre de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. Mais il convient de faire ce qui a été fait à juste titre à Nuremberg, à La Haye, en Sierra Leone et après le conflit bosniaque : poursuivre ceux qui ont conçu, approuvé et mis en place la politique de torture et de reddition, aussi loin qu'il faudra remonter - et cela comprend les juristes qui ont justifié les perversions juridiques menant aux tortures et aux meurtres - plutôt que de viser les plus éloignés des donneurs d'ordre.
« Quatrièmement, interdisons de nouveau la présence militaire dans les rues, comme l'ont voulu les pères fondateurs. Le 7 octobre 2008, plus de 3 000 soldats américains d'Irak ont été déployés aux États-Unis, violant le Posse Comitatus, qui nous préserve de la surveillance militaire depuis un siècle, et l'Insurrection Act, qui nous protégeait au siècle précédent. Aujourd'hui, 20 000 soldats, qui n'ont pas de comptes à rendre au peuple, mais à l'Exécutif, patrouillent dans nos rues.
« C'est le danger d'une telle situation qui a poussé les pères fondateurs à adopter le deuxième amendement, dont le but est de restreindre le maintien de l'ordre national à des milices - à la garde nationale et à la police civile - responsables devant le peuple. L'Amérique n'est ni un champ de bataille ni un État policier ; nous devrions donc envoyer nos soldats au vrai front ou à défaut les rendre à leurs familles.
« Enfin, nous devons nous assurer que cette obscurité ne reviendra jamais. La moitié des enfants américains grandissent sans recevoir d'éducation civique. La moitié des États ne dispensent plus d'instruction civique - l'étude de notre République et de son fonctionnement - au collège. Cela signifie que la moitié des futurs étudiants américains ignorent de quoi notre démocratie est faite, sans parler de la manière de la défendre lorsqu'elle est menacée. J'appelle tous les États de notre pays à réintroduire l'éducation civique américaine à l'école pour que nous puissions former des citoyens qui comprennent notre héritage, et puissent défendre la liberté et la Constitution lorsqu'elles sont menacées.
« Rejoignez-moi dans l'accomplissement de ces cinq tâches futures, et nous pourrons de nouveau nous regarder dans le miroir et nous reconnaître comme de vrais Américains. »
© Project Syndicate, 2009.
Traduit de l'anglais par Bérengère Viennot