Critiques littéraires Jeunesse

Une famille entre ombre et lumière

Une famille entre ombre et lumière

Un démon parmi nous de Thomas Lavachery, L’École des Loisirs, 2025, 152 p.

Thomas Lavachery est un auteur classique, pilier des éditions de L’École des loisirs. On lui doit de nombreuses œuvres marquantes, de la saga Bjorn le Morphir (neuf volumes), à des titres tels que Jojo de la jungle ou Henri dans l’île. Mais lorsqu’on dit « classique », c’est autant pour décrire le succès de son œuvre que pour définir la voix de cet écrivain : celle d’un auteur qui s’appuie sur la confiance qu’il a dans son écriture pour ne jamais chercher à trop en faire. Un auteur qui sait que les émotions les plus fortes passent parfois mieux par des mots discrets, tout en retenue.

Il en fait la preuve dans son nouvel opus, Un démon parmi nous, dont l’écriture est brillante de justesse et de sobriété.

Le récit se déroule dans un lieu imaginaire, le royaume de Sylvénie, et s’étend des années 1920 aux années 1940, alors que l’Allemagne voisine se radicalise et déteint sur ses pays frontaliers. Nous suivons l’histoire d’une famille : un père, une mère, un oncle et une fille, Félice, qui est la narratrice. Un événement vient bouleverser leur équilibre : le père et l’oncle ramènent un jour à la maison deux orphelins, recueillis après une catastrophe minière qui a coûté la vie à leurs parents. Ce qui devait être un accueil temporaire devient peu à peu une adoption.

Or voici que les deux garçons, Félix et Oswald, ont des tempéraments très différents, qui s’expriment d’abord dans les petits faits du quotidien, avant de prendre plus d’ampleur. Le premier est affectueux, équilibré. Le second fonctionne par plaintes, colères, accusations d’injustice. Il est intense, imprévisible, souvent dérangeant.

Pour raconter l’évolution de ce noyau familial, Thomas Lavachery adopte un procédé narratif plus courant dans la littérature adulte que jeunesse : celui d’un récit qui avance vite dans le temps, ne s’attardant sur chaque époque que pour en extraire quelques scènes clefs, synthétiques et signifiantes. Ce rythme laisse beaucoup de place à l’imaginaire du lecteur qui est appelé à combler les vides, remplir les années.

Ce qui se noue peu à peu, ce sont les liens ambigus, parfois douloureux parfois bienfaisants, entre les membres de la famille et le troublant Oswald. Ce dernier fascine autant qu’il inquiète, et Lavachery déploie ici toute sa maîtrise dans l’art de l’ambiguïté. Pas de caricature, pas de méchant désigné. Juste des êtres humains qui hésitent entre amour, agacement, culpabilité, ou rejet. L’auteur refuse les réponses toutes faites et préfère inviter à penser.

Félice est une narratrice particulièrement mature, et ses mots évitent toute tentative de mimétisme des manières de s’exprimer enfantines. Si c’est elle qui raconte, le lecteur est pourtant souvent placé dans une position active : il doit construire son propre point de vue sur les dynamiques qui s’installent.

Mêlant l’intime à la grande Histoire, Un démon parmi nous est avant tout un roman familial, exigeant et sensible. Une lecture qui interroge les origines du mal, les blessures de l’enfance et la complexité des liens familiaux.


Un démon parmi nous de Thomas Lavachery, L’École des Loisirs, 2025, 152 p.Thomas Lavachery est un auteur classique, pilier des éditions de L’École des loisirs. On lui doit de nombreuses œuvres marquantes, de la saga Bjorn le Morphir (neuf volumes), à des titres tels que Jojo de la jungle ou Henri dans l’île. Mais lorsqu’on dit « classique », c’est autant pour décrire le succès de son œuvre que pour définir la voix de cet écrivain : celle d’un auteur qui s’appuie sur la confiance qu’il a dans son écriture pour ne jamais chercher à trop en faire. Un auteur qui sait que les émotions les plus fortes passent parfois mieux par des mots discrets, tout en retenue.Il en fait la preuve dans son nouvel opus, Un démon parmi nous, dont l’écriture est brillante de justesse et de sobriété.Le récit se...
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