Cessez-le-feu entre l'Iran et Israël : Anthony Samrani a répondu à vos questions

C'est déjà la fin de cette session questions/réponses avec Anthony Samrani !

Nous vous remercions pour vos nombreuses questions et pour votre confiance.

Pour suivre tous les développements en temps réel, rejoignez notre couverture en direct, en cliquant sur ce lien.

Voici le message de E. Gueriery : 

Monsieur Samrani, depuis le 7 octobre, vos analyses et articles adoptent constamment un ton alarmiste et anxiogène. Pourtant, chaque crise majeure a fini par être résolue par une intervention ou décision, notamment de Donald Trump ou autre, démontrant ainsi que vos prédictions étaient systématiquement incorrectes. Pourquoi persistez-vous à entretenir un climat de peur, même après que ces situations se soient apaisées ?

Cher Monsieur,

Vous semblez être un fidèle lecteur ! Nous avons vécu, et ce n’est sans doute pas fini, une incroyable accélération de l’histoire depuis le 7-Octobre. Je n’ai jamais cherché à entretenir un climat de peur mais plutôt à essayer d’expliquer les enjeux de ce moment de bascule. Je ne crois pas m’être tellement trompé mais je pars du principe que le lecteur a (presque) toujours raison ! Dernier point tout de même : ces crises sont loin d’être résolues. Il y a la réalité géopolitique et la domination militaire que personne ne peut contester. Et puis il y a les dynamiques politiques et sociales que de tels changements vont nécessairement provoquer. 

La prochaine question nous vient de JMZ :

Les Israéliens ont présumément quasiment anéanti les capacités de défense des Ayatollahs. Quel est alors l’intérêt pour eux d'accepter un cessez-le-feu avec la République islamique ?

Benjamin Netanyahu est-il en position de dire non à Donald Trump qui vient de l’aider à accomplir le rêve de sa vie ? Ce n’est pas évident. Deuxième question : s’il poursuit la guerre, quel est désormais son objectif ? S’il est question de détruire un peu plus les capacités nucléaires et balistiques de Téhéran ou d’affaiblir davantage le régime, il peut essayer de gagner du temps. Mais si l’objectif est plus important, il sera très difficile de le mettre en œuvre sans les Etats-Unis. Je n’exclus pas que Benjamin Netanyahu essaye de prolonger cette guerre, surtout si les négociations patinent. Sa marge de manœuvre est toutefois beaucoup plus limitée qu’il y a une semaine. 

On poursuit avec la question de Raed :

Pensez-vous que la République islamique d'Iran et Khamenei peuvent encore prétendre à incarner un califat au Proche-Orient et aux yeux des musulmans qui croient dans les vertus du jihad offensif au détriment des relations marchandes ?

Bonjour Raed, merci pour votre question,

Je crois que la République islamique a perdu une grande partie de sa légitimité durant les derniers mois. Cela aura probablement des conséquences importantes à long terme puisque d’autres acteurs vont vouloir occuper les différents terrains qu’elle occupait à savoir : la lutte contre Israël et le chiisme politique. 

Voici le message d'Anne-Sophie : 

Encore une fois, merci pour votre travail.

C'est un peu comique de voir Netanyahu espérer un changement de régime. Cela n'a jamais marché en lançant des bombes et en invoquant un livre religieux. Car c'est bien ce qu'il fait en disant que les Perses ont libéré le peuple juif, et que c'est maintenant au tour du peuple juif de libérer les Perses. Si cela venait tout de même à arriver, quelles seraient les conséquences, selon vous, de la chute du régime des mollahs ? 

Merci beaucoup Anne-Sophie,

Je ne crois pas beaucoup à l’idée que le plan israélien était ou est encore un changement de régime. Il le souhaite, c’est certain. Il mettra tout en œuvre pour le favoriser. Mais un changement de régime nécessite soit une intervention extérieure soit une opposition armée en interne. Les Israéliens veulent toutefois changer l’ADN de ce régime. En coupant chacune de ses tentacules et en affaiblissant la tête à tel point que la pieuvre devient paralysée, en espérant ensuite qu’elle meure d'elle-même.

On peut imaginer toutefois qu'en cas de guerre longue, une évolution interne soit possible. Soit parce que les Gardiens de la révolution prennent le pouvoir par la force, soit parce que le successeur potentiel de Ali Khamenei s’écarte de la ligne officielle. J’espère vraiment me tromper mais j’ai du mal à voir un scénario dans lequel la chute du régime ne serait pas synonyme d’un chaos généralisé ou d’une guerre civile. 

La prochaine question nous vient de Mark : 

Quelles seront les conditions acceptables pour Téhéran pour la conclusion d’un deal avec les Etats-Unis, et quelles conséquences cela aura-t-il pour le Liban et le Hezbollah?

Bonjour Mark, merci pour votre question,

Il est difficile d’y répondre. Je crois que le régime a besoin de montrer que non seulement il a survécu à cette guerre mais qu’en plus il n’a pas capitulé. Il doit le faire tant pour des questions internes que pour son positionnement dans la région, également vis-à-vis de ses alliés. Un autre point à prendre en compte, c’est que le régime ne veut pas insulter l’avenir : il voudra probablement un accord qui ne lui fasse pas définitivement renoncer à ses ambitions nucléaires et balistiques. Quant à son lien avec le Hezbollah et ses autres alliés, je crois que le régime n’est pas prêt à y renoncer et qu’il va continuer d’essayer de jouer un rôle mais que celui-ci va beaucoup s’estomper. Le lien n’est pas coupé et il ne le sera probablement jamais tant que ce régime sera encore en place. Mais il s’est distendu, chacun des acteurs devant penser avant tout à sa propre survie. D’autant que l’histoire n’est pas finie puisque la pression pour désarmer le Hezbollah au Liban devrait être croissante tant en interne que sur la scène régionale. 

Voici la question de Martine : 

Que peut-on attendre de l'accord US-Iran sur le nucléaire iranien ? Téhéran réussira-t-il à garder une certaine marge de manœuvre ?  

Bonjour Martine,

C’est une question centrale. Les Etats-Unis vont-ils continuer d’exiger de l’Iran de renoncer à son droit d’enrichir de l’uranium ? Si tel est le cas, j’ai du mal à voir comment les négociations peuvent aboutir. Et dans le même temps, un accord qui ressemblerait au JCPOA, c’est à dire qui permettrait à l’Iran d’enrichir de l’uranium dans la limite de ce qui est nécessaire pour une utilisation civile sous le contrôle de l’AIEA pourrait ne pas être suffisant aux yeux de Washington et de Tel Aviv. Nous ne savons pas à quel point le programme nucléaire iranien a été détruit ou endommagé. Et cette crise peut encourager le régime à accélérer sa course vers la bombe, y voyant son seul moyen de survie à long terme.

Il va donc falloir que les diplomates fassent preuve d’ingéniosité et proposent des solutions - à l’instar du consortium régional pour enrichir l’uranium - qui répondent aux lignes rouges des deux parties. Autrement dit, un éventuel accord risque de prendre du temps. Le cessez-le-feu tiendra-t-il dans le même temps ? 

Nous poursuivons avec la question de Christophe :

Désormais, le peuple iranien voudra probablement “finir le travail”. Pourra-t-il y avoir alors des influences et manipulations américaines et/ou israéliennes ?

Bonjour Christophe, merci pour votre question,

Je crois que le peuple iranien s’est retrouvé entre l’enclume du régime et le marteau israélien. En espérant d’un côté que ce régime soit considérablement affaibli et de l’autre côté de ne pas avoir à le payer au prix fort. Le régime va sortir très affaibli de cette guerre. Il ne peut plus prétendre être un acteur de premier plan dans la région et des fissures internes devraient commencer à voir le jour.

Mais est-ce que cela conduira à une radicalisation et une militarisation (ce que je crois probable) ou à une forme d’ouverture et de renversement du pouvoir par des forces plus modérées. Tant que l’appareil sécuritaire tient, je ne vois pas ce que les Iraniens peuvent faire. Si des fissures importantes apparaissent, l’histoire risque de s’accélérer.  

Nous commençons cette session de questions/réponses avec Souheil, qui nous demande : 

Pensez-vous que la trêve puisse tenir, ou risquons-nous d’observer une reprise des hostilités ? 

Bonjour Souheil, merci d’être avec nous,

Il faut que la trêve commence effectivement avant de pouvoir juger si elle pourra tenir. Mais le tableau a l'air assez clair : Donald Trump et Ali Khamenei veulent un deal. Benjamin Netanyahu peut vouloir poursuivre le conflit pour affaiblir davantage le régime mais cela compliquerait sa relation avec le président américain et sa stratégie de sortie de crise ne serait pas évidente.

La question centrale selon moi est désormais la suivante : est-ce que l’évolution du rapport de force sur le terrain change fondamentalement les paramètres de la négociation sur un accord nucléaire ? Autrement dit, l’Iran peut-il accepter la capitulation totale (ce qui me semble très improbable) ou bien Washington et Tel Aviv sont-ils capables de préserver les apparences afin de ne pas donner le sentiment à leur ennemi de l’humilier complètement ? Pour que cette guerre s’arrête rapidement, il faut que le régime ait une porte de sortie “honorable”. 

Bonjour, et bienvenue dans cette nouvelle session de questions/réponses ! 

Nous commencerons dans quelques instants.