
Le journaliste libanais Walid Abboud. Photo tirée de sa page Facebook
Le journaliste Walid Abboud fait le buzz sur les réseaux sociaux depuis 48 heures, salué et félicité pour son courage par certains internautes souverainistes, mais surtout menacé et accusé de collaboration avec Israël par d’autres, proches de l’axe dit de la résistance, dans un contexte de profonde division entre les deux visions du Liban et de guerre israélienne contre l’Iran.
Et pour cause, l’introduction qu’il a prononcée lors de son émission Ya Abyad ya Aswad (Soit blanc, soit noir) diffusée lundi 16 juin au soir sur l’antenne de la télévision Hala Arabia TV, et comportant plusieurs fois l’expression « foutez-nous la paix », a été perçue comme une prise de position hostile du journaliste envers le Hezbollah et ses alliés.
« Ce personnage méprisable est le petit-fils du grand écrivain libanais Maroun Abboud, qui était si ouvert et aimant envers l’autre qu’il a nommé son fils aîné Mohammad. La malédiction de votre grand-père vous suivra à jamais, Walid ! » a lancé sur X Nadia Farhat, tandis que chaque extrait partagé sur les réseaux par ses détracteurs est commenté par une bordée de propos dénigrants et d’accusations de la part des pro-Hezbollah.
De l’autre côté du spectre politique, nombre de partisans des formations anti-Hezb ont pris la défense du journaliste vedette.
« Ce n’est pas pour défendre Walid Abboud, mais son programme est intitulé “Blanc ou noir”. Le public de la résistance n’a voulu entendre qu’une seule partie de l’émission. Car ils ne sont forts que pour accuser les autres de trahison… » dénonce Rasha Khatib sur X. « Du grand Walid Abboud. Oui, foutez-nous la paix. Grâce à vous, Télé Liban ressemble désormais au vrai Liban. Chaque mot que vous avez prononcé honore chaque Libanais », a réagi pour sa part Rami Naïm, toujours sur X.
Il se trouve que Walid Abboud a une autre émission les mercredis à 20h30 sur la chaîne télévisée officielle Télé Liban, et celle-ci n’a pas été diffusée mercredi 18 juin. Est-ce la conséquence de son contenu ou de la polémique qui en a résulté ? « C’est dû à un direct diffusé par Télé Liban en raison des développements régionaux », se contente de commenter pour L’Orient-Le Jour une source de la télévision, démentant une quelconque sanction du ministre de l’Information à l’encontre du journaliste ou de son émission. La suspension de l’émission de la chaîne publique a également collecté son lot de commentaires pour et contre.
Jeudi en fin d’après-midi, la direction de Télé Liban a publié un communiqué déclarant qu’« aucune décision n’a été prise de suspendre quelque émission que ce soit, y compris celle de notre confrère Walid Abboud sur l’écran de Télé Liban », précisant que l’absence de diffusion de son programme habituel cette semaine est due à « la couverture en direct de l’évolution de la guerre entre Israël et l’Iran ». Elle a aussi expliqué que la chaîne « ne dévie pas de la ligne du discours national unificateur dans ses journaux télévisés et ses programmes ».
« Vous, votre arsenal, vos drones, votre Iran »
La réalité des déclarations au cœur de la controverse est en fait plus nuancée. Comme le nom du programme l’indique, le journaliste vedette a, dans son éditorial, lancé des critiques à chacun des deux camps politiques. L’objectif était de lancer le débat entre deux représentants de chaque bord politique, présents également sur le plateau, et qui étaient lundi Dr Hadi Mourad, un oncologue à l’AUB et fondateur des « Blouses blanches », mouvement contestataire fondé en 2019, et Ali Sbeity, un journaliste proche du parti chiite.
Au Hezbollah et consorts, Walid Abboud a bien dit : « Foutez-nous la paix, vous, votre arsenal, vos drones, vos missiles, vos trompettes, vos bannières, votre guide suprême, votre Iran, votre axe. Votre si grand Iran a planté une bombe nucléaire dans notre flanc, en justifiant cette action au nom de la dignité, alors que nous et votre peuple sommes dévorés par les guerres et tués par la famine. Quant à votre parti divin, il a semé le Liban d’armes et de drones, prétendant qu’il est le salut du pays, alors que dans la réalité, il achève le Liban. » Le journaliste est connu pour ses positions « souverainistes », proches de celles des Forces libanaises, hostiles au Hezbollah. Walid Abboud a aussi demandé au Hezbollah « d’arrêter de prendre les Libanais en otage, d’insulter leurs rêves, de détruire leur économie, de tuer leurs enfants, de faire chanter le peuple libanais et tout le monde », avant de lui signifier notamment de « quitter le Liban pour que les Libanais vivent en paix ».
« Vous avez confisqué le Liban au nom de la souveraineté »
Au clan dit souverainiste pro-occidental, qu’il accuse de « célébrer les frappes israéliennes contre les réacteurs nucléaires iraniens repoussant la domination occidentale », le journaliste a aussi assené un « foutez-nous la paix ». «Foutez-nous la paix, vous, vos discours vides et vos slogans importés », a scandé Walid Abboud, accusant « les proches des États-Unis d’avoir confisqué le Liban au nom de la souveraineté, étouffé l’économie au nom de la réforme et vendu des illusions au nom de la neutralité ». « Vous n’êtes pas des souverainistes, mais des mercenaires en cravate. Alors foutez-nous la paix et laissez-nous défendre notre nation à laquelle vous ne croyez pas ! » a-t-il conclu.
Sur la plateforme multimédia al-Mashhad Media où il est invité à s’expliquer par son confrère Tony Khalifé, Walid Abboud assure qu’il a été mesuré dans ses propos et qu’il a fait preuve de neutralité. « Après tout, c’est l’esprit de l’émission de donner un son de cloche et celui opposé. Ces critiques servent à lancer le débat. D’ailleurs, précise-t-il, les représentants des deux bords invités sur le plateau à participer au débat n’ont pas été indisposés. »
Pays bananier
05 h 58, le 21 juin 2025