
L’affiche du Festival Ciné-Palestine. DR
Avec une cinquantaine de films dévoilés dans plus d’une dizaine de salles de projections réparties entre la région parisienne et Marseille, le festival Ciné-Palestine (FCP) a réaffirmé cette année sa volonté de mettre en lumière les voix du cinéma palestinien. Le collectif a choisi comme focus « Permission de narrer », soulevant la question de la place du cinéma face au « consentement au nettoyage ethnique » et à l’absence de réactions par la majorité des médias et des gouvernements occidentaux devant « les images mêmes les plus frontales ».
G*., membre et vice-présidente du collectif à Paris revient sur cette importance de la verbalisation : « Étant donné le contexte, il était impossible de faire un focus sur un seul sujet. On a décidé de faire quelque chose de plus global : le droit à la narration, le droit de se raconter, le droit de parler de la Palestine. On constate qu’il y a une volonté forte de créer, une certaine idée de lutte et de résistance qu’on retrouve chez les cinéastes avec lesquels on travaille. »
La question de la parole a donc occupé une place centrale et de nombreux cinéastes ont été à nouveau invités cette année. À Marseille par exemple, en partenariat avec Ma’an For Gaza Artists, deux tables rondes au Polygone étoilé le 23 mai réunissaient Marianne Barakat (réalisatrice), Nada el-Omari (réalisatrice), Monica Maurer (réalisatrice), Mathijs Poppe (réalisateur), ou encore Theo Panagopoulos (réalisateur) et Diana Allan (réalisatrice).
Le film de la Libanaise Marianne Barakat - Mawtini (Ma patrie) - ouvrait d’ailleurs le festival à Marseille la veille au cinéma Variétés. Toujours dans la cité phocéenne, noter cette année la présence de « Some strings », un programme qui projette des courts métrages répondant à un poème de Refaat Alareer, poète et professeur palestinien tué en 2023 par un bombardement de l’armée israélienne, dans lequel il invite à tirer « quelques bouts de ficelles » pour fabriquer un cerf-volant, symbole d’espoir dans le ciel de Palestine.
Le concours de courts-métrages, organisé chaque année, a révélé de nouveaux talents issus aussi bien des territoires palestiniens que de la diaspora. Après un appel à projet, la commission a retenu 5 films et les a présentés au cours du festival. La programmation, élaborée collectivement, mettait en avant des films de genres variés – fictions, documentaires, comédies, drames – pour dépasser les clichés et offrir une vision plus riche et humaine de la société palestinienne. Cette année, le collectif à Marseille à invité le festival « Queer for Palestine » à participer à une séquence, s’inscrivant plus en profondeur dans une dynamique internationale de solidarité et de lutte contre le pinkwashing. « Cette séance participe d’un mouvement plus global et inscrit le FCP dans une dynamique internationale : ce festival aura lieu dans plusieurs pays dans le monde », rappelle A*, membre du collectif installé à Beyrouth.
Deux villes, une cause
Créé en 2015 à Paris par un groupe de cinéphiles, le FCP a mis en place dès 2017 un concours de courts métrages visant à « donner à voir et à entendre les nouvelles voix du cinéma palestinien et à accompagner la visibilisation de ces voix qui émergent », explique A. En 2022, le FCP se dédouble à Marseille, qui peu à peu s’autonomise tant et si bien que les programmes sont complètement distincts en 2025, bien que pensés en synergie avec Paris.
Aujourd’hui, l’équipe du FCP regroupe près de 35 personnes, sans compter les volontaires, qui travaillent toute l’année bénévolement pour organiser ce festival, ainsi qu’une équipe de traduction, elle aussi bénévole, qui permet de rendre les films accessibles au public francophone mais aussi de les diffuser à l’international. En complément des aides publiques et institutionnelles, le FCP s’efforce de développer un modèle économique qui repose en partie sur l’autofinancement, notamment via l’organisation de deux à trois concerts de soutien pour faire des levées de fonds, ou encore avec la vente de goodies (tote bags, t shirts..) lors des événements. Cette année, avec l’aide de l’AFAC (Arab Fund for Arts & Culture), le FCP a pu développer davantage son programme de mentorat : après un appel à participation sur les réseaux, le FCP invite trois cinéastes palestiniens à faire une résidence d’un mois, chapeautés par trois mentors résidant en France. En parallèle, la présence d’un ciné club mensuel, au cours duquel sont projetés les films de l’édition de l’année précédente, participe à la promotion des films palestiniens et permet d’étayer ce travail de sensibilisation. « On a beaucoup gagné en visibilité : on a fait énormément de collaborations et d’événements cette année, en dehors du festival. Ça a permis d’être une porte d’entrée pour un nouveau public », explique G., tandis que A. souligne que « au Liban des séances de ciné club ont d’ailleurs été organisées au musée Sursock, à Station, à Chatila en partenariat avec le CIC », preuve de l’élargissement des activités aussi bien en France qu’à l’étranger.
Après Marseille, le Festival Ciné-Palestine a investi Paris et l’Île-de-France du 29 mai au 8 juin. Autant de rendez-vous dans les salles pour partager d’autres récits et faire vivre le cinéma palestinien.
* Les personnes interrogées ont souhaité garder l’anonymat.