La disparition de Samira Assi le 18 mai 2025 est une grande perte pour la représentativité du secteur du livre au Liban. À la tête du conseil du syndicat des éditeurs libanais depuis de nombreuses années, héritière d’une maison d’édition et d’un père lui-même fondateur, parmi d’autres, du syndicat des éditeurs libanais, elle a su ménager les susceptibilités des membres de ce conseil et maintenir la diversité tristement communautaire.
La défense de la profession auprès des autorités gouvernementales était son souci majeur, elle qui était connue et appréciée pour son amour du Liban et de la liberté d’expression. Elle n’a d’ailleurs jamais cessé de réclamer au ministère de la Culture une véritable direction du livre à l’instar des pays de la communauté européenne et particulièrement de la France.
Issue de la communauté chiite, Samira ne faisait aucune distinction apparente entre les membres du conseil et plus généralement entre les membres du syndicat. Je peux même témoigner de plusieurs prises de position qui avaient ulcéré sa propre communauté, dont celle où elle avait défendu bec et ongles le résultat de l’élection d’un conseil qui avait donné un siège supplémentaire à la communauté chrétienne et brisé un tabou.
Rien ni personne, même pas les ultras de sa propre communauté, ne pouvaient lui faire prendre des décisions contraires à ses principes de liberté, d’équité et de légitimité.
Samira Assi a su préserver le syndicat des éditeurs des interférences politiques en interdisant les dérives qui guettaient le syndicat durant les guerres du Liban et surtout la dernière.
Sur le plan arabe et international, Samira représentait le Liban au sein de l’Association des éditeurs arabes. Ses prises de position contre la piraterie et la contrefaçon sont notoires, surtout que le Liban avait été accusé historiquement de favoriser la contrefaçon avant la loi qui fut votée par le Parlement libanais en 1999. La vérité éclatante des vingt dernières années était tout autre, car un grand nombre de faussaires appartenant à certains pays de la Ligue arabe avaient pris le condamnable relais de certains éditeurs libanais, sans cesser d’accuser l’ensemble de la profession libanaise.
À l’heure du numérique, l’édition libanaise a besoin de reconquérir ses parts de marché après l’effondrement économique de 2019. Elle doit reprendre le flambeau d’une production diverse sous toutes ses formes, physique, numérique, audio et autres. Elle devrait surtout s’internationaliser.
Le rôle de l’État, celui d’encourager les investissements internationaux dans le cadre d’une justice impartiale, est à ce stade déterminant.
Après Samira Assi, le syndicat des éditeurs se trouve à la croisée des chemins. Son avenir, comme celui de la profession, ne saurait être assuré que par l’élection d’un président visionnaire porté par un conseil largement représentatif.