L'envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, prononçant un discours en présence de Donald Trump, à la Maison Blanche, le 28 mai 2025. Photo Andrew Harnik/Getty Images/AFP
C’est la première proposition écrite depuis le début des négociations le 12 avril. Après cinq cycles de pourparlers sous la médiation de Mascate, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a déclaré samedi que son homologue omanais lui avait présenté les éléments d’une proposition américaine pour un accord nucléaire entre Téhéran et Washington lors d’une courte visite à Téhéran le jour même.
La secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a confirmé plus tard dans la journée que l’envoyé spécial du président américain Donald Trump, Steve Witkoff, avait « envoyé une proposition détaillée et acceptable au régime iranien », ajoutant qu’il était « dans son intérêt de l’accepter ». M. Araghchi a répondu dans un message sur X que l’Iran « répondra à la proposition des États-Unis conformément aux principes, aux intérêts nationaux et aux droits du peuple iranien ».
Deux pistes : consortium régional et zéro enrichissement
La proposition a été décrite comme une série de points plutôt qu’un projet complet, selon le New York Times, citant des responsables au fait des échanges diplomatiques. Elle appelle l’Iran à cesser tout enrichissement d’uranium sur son territoire et propose la création d’un groupe régional pour produire de l’énergie nucléaire, qui inclurait l’Iran, l’Arabie saoudite et d’autres États arabes, ainsi que les États-Unis. Selon les informations du média Axios, l’idée d’un consortium nucléaire pour produire de l’uranium enrichi à portée civile avait été mise en avant par Oman et adoptée par les États-Unis et serait sous surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de Washington. Reste la question de la localisation de cette installation régionale, alors que l’Iran, contrairement aux États-Unis, entendait l’établir sur son territoire. Sur la question de l’enrichissement sur place, il avait été évoqué l’idée d’un moratoire sur l’enrichissement d’uranium sur le sol iranien pour ne pas franchir la ligne rouge de Téhéran, qui considère ce point comme un attribut de sa souveraineté. Selon certains observateurs, la Maison-Blanche pourrait reconnaître le droit de la République islamique à enrichir de l’uranium tout en exigeant qu’elle ne l’utilise pas.
La transmission de la proposition américaine intervient à la veille d’un sixième cycle de négociations entre Washington et Téhéran, dont la date et le lieu n’ont pas encore été annoncés. « Le président Trump a clairement fait savoir que l’Iran ne pourra jamais obtenir une bombe nucléaire », a réitéré Karoline Leavitt dans un communiqué. Vendredi, Donald Trump a déclaré qu’un accord avec l’Iran était possible dans un « avenir assez proche », après avoir annoncé en début de semaine qu’il avait récemment averti le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de ne pas prendre de mesures susceptibles de perturber les négociations nucléaires avec l’Iran. Un optimisme toutefois tempéré par M. Araghchi, « pas sûr » de l’« imminence » d’un accord.
Des conclusions « politiques » de l’agence atomique
Le rapport confidentiel de l’AIEA qui a fuité dans les médias samedi a en outre souligné les avancées du programme nucléaire iranien malgré les discussions en cours. L’agence a noté une nette hausse de l’uranium enrichi à 60 %, seuil proche des 90 % nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire, d’après un bilan d’étape consulté par l’AFP. Le total s’élevait à 408,6 kilogrammes à la date du 17 mai, soit une augmentation de 133,8 kg sur les trois mois passés (à comparer, +92 kg sur la période précédente). Quant à la quantité totale d’uranium enrichi, elle dépasse désormais de 45 fois la limite autorisée par l’accord conclu en 2015 avec les grandes puissances, s’élevant à 9 247,6 kg. L’Iran s’était affranchi dès 2019 de certaines obligations du deal de Vienne, après le retrait unilatéral des États-Unis de ce dernier, décidé par Donald Trump un an plus tôt, accélérant notamment l’enrichissement d’uranium bien au-delà de la limite de 3,67 % fixée par l’accord.
« Cette hausse considérable dans le seul État non détenteur d’armes nucléaires à produire une telle matière suscite une forte inquiétude », écrit l’instance onusienne. Le rapport a été jugé « politique » samedi par l’Iran, dont le chef de la diplomatie a dénoncé des conclusions qui « ne présentent pas une évaluation complète et précise des facteurs ayant un impact sur la situation actuelle ». Dans un communiqué, il a accusé l’AIEA de « s’appuyer sur des sources d’information peu fiables et trompeuses fournies par le régime israélien », ayant déclaré plus tôt samedi qu’obtenir l’arme atomique était « inacceptable ». De son côté, le bureau de Benjamin Netanyahu n’a pas tardé à regretter que « malgré les innombrables avertissements de la communauté internationale », l’Iran soit « totalement déterminé à achever son programme d’armement nucléaire ».
Téhéran a en outre mis en garde dimanche qu’il répondrait si les pays européens « exploitent » à des fins politiques le rapport de l’AIEA. La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont avec la Russie et la Chine membres de l’accord de 2015 et peuvent encore activer jusqu’en octobre le mécanisme du « snapback » pour rétablir les sanctions internationales en place avant sa signature. Une décision qu’ils ont menacé de prendre si l’Iran ne respecte pas ses engagements et qu’ils pourraient activer en cas d’échec des négociations avec les États-Unis. L’AIEA tiendra du 9 au 13 juin à Vienne un Conseil des gouverneurs, une importante réunion trimestrielle durant laquelle seront notamment passées en revue les activités nucléaires de l’Iran. « L’Iran répondra à toute action inappropriée des parties européennes », a déclaré Abbas Araghchi lors d’un appel samedi avec le patron de l’AIEA Rafael Grossi.
Inspecteurs américains en Iran ?
L’AIEA a par ailleurs déploré samedi la coopération « moins que satisfaisante » de l’Iran, dans un second rapport préparé par l’instance onusienne à la demande cette fois des Occidentaux lors de leur résolution critique de novembre. « L’Iran a, à plusieurs reprises, soit pas répondu, soit pas fourni de réponses techniquement crédibles aux questions de l’agence et a nettoyé “« es lieux” » ce qui a entravé les activités de vérification » dans trois sites non déclarés, à savoir Lavisan-Shian, Varamin et Turquzabad, déplore l’agence.
En cas d’accord avec Washington, l’Iran a affirmé mercredi qu’il pourrait autoriser sur son sol des inspecteurs américains de l’AIEA. Il s’agirait d’une première depuis la révolution islamique de 1979, selon le chercheur Ali Vaez, spécialiste de l’Iran à l’International Crisis Group, un cercle de réflexion américain.
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12 h 31, le 02 juin 2025