
Sabina Sciortino, directrice de l’Institut français au Liban. Photo Marielle Salloum Maroun
Que représente France Alumni Day pour l’Institut français du Liban ?
Le France Alumni Day, dont nous tiendrons la troisième édition aujourd’hui, le 22 mai, sur le campus de l’Institut français du Liban, se veut avant tout un événement rassembleur. La convivialité et le cadre festif sont bien sûr une part intégrante du concept. Mais cela va bien au-delà : nous souhaitons, avec ce temps fort de notre programmation chaque année, mettre en réseau les Libanaises et les Libanais qui, malgré la diversité des filières et spécialités suivies, ont une expérience en commun, celle d’avoir passé plusieurs mois ou années dans le système d’enseignement supérieur français et fait le choix ensuite de rentrer. Ces Libanaises et Libanais n’ont pas seulement décroché un diplôme français, ils se sont aussi frottés à une culture et un mode de vie différents, ce qui les a profondément enrichis.
En quoi l’édition 2025 est-elle différente des deux précédentes ?
L’une des grandes nouveautés cette année porte sur l’organisation de cinq ateliers en parallèle qui seront animés par des alumni eux-mêmes. Ces ateliers doivent permettre de croiser les regards autour de thématiques transversales entre différentes générations d’anciens et bien sûr d’élargir ses réseaux professionnels.
Qu’est-ce qu’un alumni peut aujourd’hui transmettre aux jeunes générations qui hésitent entre partir et rester ? Comment un alumni peut lui-même, avec son expérience propre, être acteur du changement à ce moment charnière de l’histoire du Liban ? Ce sont des questions essentielles qui seront posées lors du France Alumni Day et auxquelles nous essaierons d’apporter des éléments de réponse.
Les ateliers de cette année portent sur le mentorat et les réseaux féminins : que cherchez-vous à susciter à travers ces échanges ?
L’idée derrière ces ateliers est que le réseau des Alumni France doit d’abord être le reflet de ce que les alumni eux-mêmes souhaitent en faire. Plutôt que d’imposer une vision théorique depuis l’Institut français du Liban, nous recherchons vraiment l’appropriation par chacun de ce réseau. Nous nous appuyons pour cela sur un ensemble de volontaires qui ont souhaité animer et partager leur expérience. La transmission et la solidarité sont pour moi des valeurs cardinales pour ce réseau. C’est la raison pour laquelle nous avons eu envie de faire réfléchir nos alumni autour des questions centrales de mentorat et de l’importance des réseaux féminins pour faire vivre et grandir son réseau professionnel.
Peut-on s’attendre à des suites concrètes, comme des groupes de travail, un programme de mentorat ou un think tank ?
Ce sont des idées auxquelles nous réfléchissons pour faire vivre ce réseau dans la durée et au-delà du rendez-vous annuel du France Alumni Day, en s’appuyant sur les premières conclusions que donneront les cinq ateliers. Autre nouveauté notable pour 2025, nous avons souhaité pour la première fois associer également des jeunes en partance pour la France, qui seront donc les alumni de demain. Il s’agit de leur donner dès à présent un sentiment d’appartenance à ce réseau et de leur offrir l’opportunité de nouer des liens avec des personnalités plus expérimentées qui pourront, le moment venu, les accompagner et les conseiller dans les choix essentiels qu’ils auront à faire.
Comment les parcours des alumni libanais formés en France nourrissent-ils aujourd’hui leur engagement professionnel ou citoyen au Liban ?
J’attache une importance particulière à l’idée de circularité. Depuis longtemps, de très nombreux Libanais sont partis se former en France. Il y a bien sûr nombre d’histoires fortes et émouvantes liées à l’époque de la guerre civile, où les allers-retours fréquents étaient dictés par une situation sécuritaire très volatile. La différence majeure avec la période actuelle est que beaucoup de jeunes qui partent aujourd’hui se former à l’étranger hésitent désormais à rentrer. Tout en restant très attachés à leur pays, ils ont du mal à s’y projeter et à y voir des perspectives sur un plan personnel et professionnel.
Nos efforts à l’Institut français du Liban portent donc sur la manière de recréer cette circularité entre nos deux pays. Cela veut dire d’abord identifier des filières de formation d’excellence en France qui sont aussi des filières d’avenir pour le Liban, grâce à des échanges étroits avec les entreprises installées ici, qui sont les mieux à mêmes de définir précisément leurs besoins de recrutement. Nous aurons ainsi l’honneur pendant le France Alumni Day d’entendre le témoignage de l’entrepreneur Salim Eddé, qui est non seulement lui-même un alumni de l’école Polytechnique, mais également le cofondateur de Murex, leader de la conception de logiciels informatiques pour la finance, qui emploie près d’un millier de personnes au Liban. Recréer de la circularité veut dire aussi identifier de jeunes profils d’alumni, au parcours inspirant, qui ont fait le choix de revenir malgré la crise depuis 2019 et qui ont des histoires positives à valoriser, que ce soit parce qu’ils ont fondé leur propre entreprise ou parce qu’ils s’investissent dans des causes citoyennes. Car je suis convaincue que lorsqu’on est un jeune lycéen ou étudiant libanais qui s’interroge sur sa place et son avenir, pouvoir bénéficier du partage d’expérience d’une personne de quelques années son aîné peut aider à sauter le pas et élargir l’horizon des possibles. À cette période charnière de son histoire, le Liban a plus que jamais besoin de ses jeunes talents, bien formés et ouverts sur le monde.
Quels dispositifs l’Institut français et Campus France proposent-ils actuellement pour encourager les étudiants libanais à poursuivre leur formation en France ?
Toute l’année, nous accompagnons les étudiants intéressés de poursuivre leur parcours en France. Au travers de notre service Campus France (https ://www.liban.campusfrance.org/), nous proposons ainsi des conseils en matière d’orientation et de renforcement des compétences linguistiques, dans nos locaux à Beyrouth et dans les différentes antennes de l’Institut français du Liban à Jounieh, Tripoli, Deir el-Qamar, Saïda, Tyr, Zahlé et Baalbeck. Nous nous déplaçons aussi dans les établissements scolaires et universitaires, dans les salons et forums étudiants et organisons de nombreux webinaires et conférences dédiées. Nous sommes particulièrement soucieux de faire découvrir des filières-métiers au-delà des sentiers battus que sont par exemple les études d’ingénieur, le droit, la médecine ou l’architecture, traditionnellement très prisés des Libanais. Car le pays a tout autant besoin d’experts en numérique et intelligence artificielle, d’agronomes ou encore d’artistes pour rêver le Liban de demain ! Un aspect moins connu est aussi que l’on peut parfaitement s’épanouir dans des cursus en France en n’étant pas soi-même francophone : plus de 1 600 formations partiellement ou intégralement enseignées en anglais sont ainsi proposées chaque année. Enfin, l’Institut français du Liban met en œuvre un important dispositif de bourses permettant à environ 300 étudiants, doctorants et chercheurs de bénéficier chaque année d’un appui financier à la mobilité vers la France. C’est d’autant plus essentiel que l’on sait l’impact que la crise économique et financière a pu avoir depuis cinq ans sur le pouvoir d’achat des Libanais, afin de ne pas priver les profils les plus méritants de ces opportunités.
Avant de conclure, pouvez-vous nous indiquer combien d’étudiants libanais sont inscrits en France en 2025 ?
Selon les données compilées par l’Agence Campus France, il y a actuellement plus de 11 000 étudiants libanais inscrits dans le système d’enseignement supérieur français. La France reste ainsi de loin la première destination de mobilité pour les étudiants libanais, environ 2 500 personnes y partent chaque année. C’est considérable et emblématique de la spécificité des liens humains qui unissent la France et le Liban.
Un dernier message aux alumni ou aux futurs étudiants ?
Ayez confiance en vous ! Se former à l’étranger est une aventure humaine et une richesse incroyable, je la recommande à chacun. Cette expérience fait de vous des passeurs, entre deux modèles et deux cultures. Elle vous rendra plus fort et vous ouvrira des perspectives nouvelles pour contribuer, au retour, au redressement du Liban.
