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Culture - Entretien

Nuit des idées à Beyrouth : Rima Abdul Malak, Dominique Eddé et Pierre Haski en éclaireurs du « pouvoir d’agir »

Le 15 mai, le rendez-vous annuel s’installe à Beit Beirut dans un pays à la croisée des chemins. Sabine Sciortino, directrice de l’Institut français du Liban, décrypte les choix forts de cette édition, entre mémoire, résistance culturelle et urgence citoyenne.

Nuit des idées à Beyrouth : Rima Abdul Malak, Dominique Eddé et Pierre Haski en éclaireurs du « pouvoir d’agir »

Sabine Sciortino, conseillère de coopération et d'action culturelle et directrice de l'Institut français du Liban. Photo Marielle Salloum Maroun

La Nuit des idées revient à Beyrouth jeudi 15 mai, de 19h à minuit, avec une invitation à penser le monde autrement : réfléchir ensemble, dialoguer librement, créer sans frontières. Organisé par l’Institut français du Liban, en partenariat avec L’Orient-Le Jour, cet événement international investit cette année Beit Beirut, lieu emblématique de mémoire urbaine et de résilience, pour une soirée rythmée par les échanges intellectuels, la poésie, la musique et l’art vivant.

Placée sous le thème « Pouvoir agir », cette 10e édition s’ouvre avec le trait acerbe et engagé du dessinateur Bernard Hage (The Art of Boo), suivi par une présentation de l’ouvrage Beyrouth, 13 avril 1975 de Marwan Chahine (éditions Belfond), un récit intime au croisement de la mémoire collective, introduit par la journaliste Sophie Guignon. Temps fort de la soirée, une lecture poétique et musicale réunira Rima Abdul Malak, ancienne ministre française de la Culture, la poétesse Rita Bassil et le violoniste Jack Estephan. Une table ronde réunira ensuite Pierre Haski, chroniqueur sur France Inter, et Dominique Eddé, romancière et essayiste, dans une conversation modérée par Anthony Samrani, corédacteur en chef de L’Orient-Le Jour. Le final se veut libre et vibrant : un DJ set signé Nasri Sayegh/Radio Karantina, entre archives sonores, poésie électronique et mémoire recomposée.

Parallèlement, les visiteurs pourront explorer les expositions immersives de Hkeeli, réparties sur trois étages, où installations artistiques, témoignages et performances redonnent corps aux récits enfouis de la guerre civile. Enfin, la soirée sera dessinée en direct par Gros et Lacombe, en partenariat avec le festival Ça Presse (Rencontres internationales du dessin de presse et des médias de Lyon). Un programme riche que la conseillère de coopération et d’action culturelle près l’ambassade de France et directrice de l’Institut français du Liban, Sabine Sciortino, décrypte pour L’OLJ.

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Pourquoi avoir choisi le thème « Pouvoir agir » comme thème cette année, et en quoi résonne-t-il avec le contexte libanais actuel ?

« Pouvoir agir » est le thème retenu pour la 10e édition de la Nuit des idées qui se déploiera en 2025 dans une centaine de pays et près de 200 villes. De manière générale, ce thème invite à réfléchir aux bouleversements géopolitiques majeurs en cours, qui conduit à de nouveaux rapports de force et crée de nouvelles polarisations entre blocs régionaux ou systèmes de gouvernement. Il questionne également la place des sociétés civiles et individus et la manière dont ceux-ci peuvent effectivement participer aux délibérations et aux prises de décision dans l’espace public.

Mais ce thème générique, une fois décliné au Liban, trouve une résonance plus particulière encore. Le pays se trouve en effet à un moment charnière de son histoire, après les mois de guerre traversés à l’automne dernier et alors qu’a été nommé un nouveau gouvernement qui affiche une ambition réformiste. Dans ce contexte, chacun peut être amené à s’interroger sur son engagement citoyen, la manière dont il peut contribuer à façonner concrètement le monde de demain, et avec quels moyens. La Nuit des idées vise précisément à offrir ces espaces de réflexion et de libre expression au cours d’une soirée unique.

Comment s’est construite la programmation de cette Nuit des idées à Beyrouth ? Quelles ont été vos intentions curatoriales ?

Il nous a tout d’abord semblé essentiel de prendre en compte une dimension particulière de cette année, celle de la commémoration des 50 ans du début de la guerre civile libanaise. C’est ce qui nous a conduit à imaginer pour la première fois la tenue de l’événement à Beit Beirut, alors que les dernières éditions s’étaient tenues plus classiquement sur le campus de l’Institut français du Liban.

Ensuite, la priorité a porté sur l’identification d’un panel d’invités à même de construire une intention cohérente, embrassant les grandes lignes de force de la Nuit des idées : débats, engagement, interactions, le tout dans une dimension artistique et festive. C’est ainsi que nous avons commencé par programmer le grand débat qui réunira Pierre Haski, journaliste, et Dominique Eddé, romancière et essayiste bien connue du public libanais. Anthony Samrani, corédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, animera cette rencontre autour de la question « Que reste-t-il du monde d’hier ? ».

En parallèle de ce moment phare de la soirée, la venue de Rima Abdul Malak, ancienne ministre française de la Culture d’origine libanaise, vise à proposer un pas de côté au travers d’une lecture envoûtante de poésie, accompagnée par le violoniste Jack Estephan et la poétesse Rita Bassil.

Le regard décalé de l’illustrateur de presse Bernard Hage en introduction, ainsi que la présentation du livre de Marwan Chahine : Beyrouth, 13 avril 1975, autopsie d’une étincelle, qui prend évidemment une résonance particulière dans ces lieux, viennent compléter la programmation. La soirée se terminera par l’intervention musicale et festive de Nasri Sayegh et Radio Karantina.

Rima Abdul Malak, Dominique Eddé et Pierre Haski. Photos DR


Quel dialogue espérez-vous faire naître entre les intervenants libanais et français, notamment dans un lieu aussi chargé de mémoire que Beit Beirut ?

C’est le propre de la Nuit des idées au Liban que de faire interagir penseurs, artistes et écrivains venus de France et du Liban. Le grand débat qui réunit Pierre Haski et Dominique Eddé, animé par Anthony Samrani, l’illustre parfaitement. En toile de fond, le désir, notre envie, c’est de faire naître des regards originaux, de croiser les perspectives, de nous faire réfléchir avec des perspectives différentes et, peut-être parfois, de nous faire évoluer, changer.

À l’heure où le monde est traversé de conflits et de bouleversements majeurs, créer ces débats, susciter ces confrontations d’idées toujours avec bienveillance, dans le cadre mémoriel emblématique de Beit Beirut, apporte une mise en abîme propice à la réflexion.

La collaboration avec Hkeeli introduit une dimension mémorielle forte. Quelle place occupe la guerre civile dans cette édition ?

Comme je le disais, le choix du lieu ne tient en rien du hasard. Plutôt que de rester dans nos murs de l’Institut français du Liban, nous avons souhaité être présent à Beit Beirut pour cette Nuit des idées 2025, qui se déroule un mois à peine après le 50e anniversaire du début de la guerre civile libanaise.

Beit Beirut est un symbole mémoriel puissant, chargé d’histoire et qui porte encore tous les stigmates du conflit. Sa position unique, sur l’ancienne ligne de démarcation, interroge l’histoire de Beyrouth et oblige à mettre le passé en dialogue avec le présent. L’initiative Hkeeli est audacieuse, par le choix de ses organisateurs de croiser les regards d’artistes, d’architectes et de créateurs autour des enjeux de mémoire et d’identité. Si la guerre civile n’est en rien le thème principal de cette édition de la Nuit des idées, c’est une donnée qui influence toute sa programmation. La présence de Marwan Chahine et la présentation de son livre illustrent cela.

Que représente la participation de figures comme Rima Abdul Malak ou Pierre Haski pour cet événement ?

Je pense que leur présence souligne l’importance qu’a pris ce rendez-vous au fil des années. La Nuit des idées est l’un des temps forts de la programmation culturelle de l’Institut français du Liban. Elle est suivie chaque année par près de 500 personnes, c’est un moment assurément attendu par son lot de fidèles. Recevoir le journaliste et chroniqueur géopolitique de France Inter Pierre Haski et l’ancienne ministre de la Culture Rima Abdul Malak, dans des formats les faisant interagir avec des personnalités et des artistes libanais, est une grande fierté pour nous.

En quoi le DJ set de Nasri Sayegh/Radio Karantina s’intègre-t-il dans la continuité du propos intellectuel de la soirée ?

Le DJ set de Nasri Sayegh/Radio Karantina s’inscrit profondément dans la continuité du propos de la soirée, en en constituant même une forme de synthèse sensible. Plus qu’une simple performance musicale, son intervention relève d’un geste artistique mémoriel : en puisant dans les archives sonores et visuelles du Liban d’avant-guerre – chansons populaires, extraits de films cultes de l’âge d’or, fragments sonores d’une époque révolue –, Nasri Sayegh recompose un paysage émotionnel collectif. Il ne s’agit pas simplement de divertir, mais de faire résonner des souvenirs enfouis, de réactiver une mémoire souvent éclipsée par les récits de la guerre.

Le DJ set devient ainsi un acte de réappropriation poétique et politique de l’espace. Il prolonge la réflexion menée tout au long de la soirée sur la mémoire, la reconstruction et l’imaginaire collectif, en invitant le public à ressentir, à se souvenir autrement et peut-être à réenchanter un lieu trop souvent perçu uniquement à travers le prisme du conflit.

Quel message espérez-vous transmettre au public, en particulier aux jeunes, à travers cette soirée ?

Peut-être le message que rien n’est écrit, qu’il est important de toujours questionner, penser, interagir, débattre. Que les idées sont le moteur qui fait avancer les choses, et que les jeunes générations, en particulier, ont une responsabilité particulière pour imaginer le monde de demain. Le dispositif de la Nuit des idées, c’est un espace qui rend possible cela. J’espère que les jeunes, étudiants, militants, acteurs de la société civile, viendront s’approprier ce dispositif et en faire le leur.

Au-delà de cette soirée, comment faire en sorte que le « pouvoir des idées » ne reste pas un vœu pieux, mais devienne un moteur d’action ?

Victor Hugo disait que « rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue ». Bien sûr, il serait présomptueux de penser que les idées à elles seules peuvent changer le monde. Mais elles ont cette particularité de pouvoir ouvrir le champ des possibles. Elles doivent ensuite pouvoir être incarnées et portées concrètement par des individus, des collectifs, des mouvements associatifs. D’où l’importance de l’engagement citoyen, pour se frotter au réel et faire bouger concrètement les lignes. Le Liban possède une société civile d’une incroyable richesse, qui peut jouer un rôle-clé à ce moment charnière de l’histoire du pays.

Entrée libre, dans la limite des places disponibles.

Rima Abdul Malak, entre mémoire intime et mémoire collective, à la Bibliothèque nationale  Un rendez-vous à ne pas manquer pour les amateurs de culture, de politique et de récits personnels. Ce mercredi 14 mai, à 18h, la Bibliothèque nationale du Liban, dans le quartier de Sanayeh, accueillera une rencontre singulière avec Rima Abdul Malak, ancienne ministre française de la Culture. L’événement, animé par Anthony Samrani, corédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, promet une plongée émotive et réflexive dans le passé, à travers le prisme de l’album photo personnel de la ministre. Au fil d’une dizaine de clichés soigneusement sélectionnés, témoins de différentes époques et lieux, Rima Abdul Malak évoquera son parcours, ses racines libanaises, son engagement culturel et ses souvenirs marquants. Chaque photographie servira de point de départ à une conversation plus vaste, entre récit de soi et regard sur l’histoire collective. Une rencontre où l’intime éclaire le politique, et où les images deviennent les vecteurs d’une parole incarnée, généreuse et profondément humaine.
La Nuit des idées revient à Beyrouth jeudi 15 mai, de 19h à minuit, avec une invitation à penser le monde autrement : réfléchir ensemble, dialoguer librement, créer sans frontières. Organisé par l’Institut français du Liban, en partenariat avec L’Orient-Le Jour, cet événement international investit cette année Beit Beirut, lieu emblématique de mémoire urbaine et de résilience, pour une soirée rythmée par les échanges intellectuels, la poésie, la musique et l’art vivant.Placée sous le thème « Pouvoir agir », cette 10e édition s’ouvre avec le trait acerbe et engagé du dessinateur Bernard Hage (The Art of Boo), suivi par une présentation de l’ouvrage Beyrouth, 13 avril 1975 de Marwan Chahine (éditions Belfond), un récit intime au croisement de la mémoire collective, introduit par la journaliste Sophie...
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