
Le président américain Donald Trump, flanqué d’une casquette MAGA (Make America Great Again), lève le poing à sa sortie d’Air Force One sur la base Andrews dans le Maryland, le 27 avril 2025. Mandel Ngan/AFP
L’affaire réveille des inquiétudes et suscite la polémique quant à des conflits d’intérêts. L’administration Trump a l’intention d’accepter en cadeau de la part de la famille régnante du Qatar, un avion Boeing 747-8 qui devrait être transformé pour servir d’avion présidentiel Air Force One, selon une source informée du dossier citée par Reuters. L’avion de luxe, qualifié par la chaîne ABC News de « palace dans le ciel », serait alors l’un des cadeaux les plus onéreux jamais reçus par le gouvernement américain, alors qu’un modèle vendu neuf coûte environ 400 millions de dollars. Dans un message publié dimanche en fin de journée sur son réseau Truth Social, Donald Trump a semblé confirmer la proposition, bien qu’un responsable qatari ait indiqué que celle-ci était encore en discussion et que la Maison-Blanche ait déclaré que ce geste se ferait dans le respect total de la loi.
« Le fait que le département de la Défense reçoive en CADEAU, GRATUITEMENT, un avion 747 pour remplacer temporairement un Air Force One vieux de 40 ans, dans le cadre d’une transaction très publique et transparente, dérange tellement les démocrates véreux qu’ils insistent pour que nous payions l’avion au PRIX FORT », a écrit Donald Trump sans mentionner le Qatar, qualifiant les démocrates de « perdants de première classe » pour questionner l’éthique de cette opération. Reste que l’avion offert par une autorité étrangère serait ensuite donné à la bibliothèque présidentielle de M. Trump lorsqu’il aura quitté ses fonctions, selon la source citée par Reuters, soulevant la possibilité que le milliardaire républicain l’utilise après la fin de son mandat.
Anticonstitutionnel ?
La Constitution américaine interdit aux dépositaires de l’autorité publique d’accepter des cadeaux de la part d’une autorité étrangère sans l’approbation du Congrès, tandis que les démocrates et les défenseurs d’une bonne gouvernance soutiennent qu’il est contraire à l’éthique et probablement inconstitutionnel pour le Qatar de faire un tel cadeau. Non seulement parce que les fonctions officielles du président et ses intérêts commerciaux au Moyen-Orient s’entremêlent, mais également parce que la valeur du cadeau qatari est incomparable à d’autres présents reçus par l’administration. Et enfin, parce que Donald Trump pourrait en conserver personnellement l’usage après avoir quitté ses fonctions.
Dans un courriel adressé à ses sympathisants, le Comité national du Parti démocrate a accusé Donald Trump de vouloir « s’enrichir », le sénateur Chris Murphy critiquant pour sa part une opération « largement illégale », tandis que la députée Kelly Morrison a parlé de « corruption à la vue de tous ». « Rien ne crie “l’Amérique d’abord” comme un Air Force One donné par le Qatar », a ironisé le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, sur son compte X. « Ce n’est pas seulement de la corruption, c’est de l’influence étrangère de premier ordre avec de l’espace en plus pour les jambes. » Plusieurs élus américains ont été condamnés par le passé pour avoir défendu les intérêts du Qatar, notamment le sénateur démocrate Robert Menendez.
Dans un communiqué, l’organisation Citizens for Responsibility and Ethics, basée à Washington, s’est interrogé sur la constitutionnalité du transfert si un cadeau d’un gouvernement étranger était accepté sans l’approbation du Congrès. « Cela ressemble beaucoup à une situation où un pays étranger, avec lequel le président a des relations d’affaires personnelles, lui offre un cadeau de 400 millions de dollars juste avant qu’il ne rencontre son chef de l’État », a déclaré son porte-parole, Jordan Libowitz, repris par le New York Times (NYT), en référence à la tournée moyen-orientale que Donald Trump doit débuter mardi en Arabie saoudite avant un arrêt au Qatar et aux Émirats arabes unis. Le porte-parole a par ailleurs pointé la « coïncidence » de l’annonce par l’une des sociétés du président d’un nouveau golf au Qatar, en partenariat avec une société gouvernementale sur place.
Des arguments à la défense de Trump
Défendant l’administration républicaine, la secrétaire de presse de la Maison-Blanche Karoline Leavitt a rétorqué dans un communiqué : « Tout cadeau offert par un gouvernement étranger est toujours accepté dans le respect total de toutes les lois applicables. L’administration du président Trump s’engage à une transparence totale. » Selon un responsable américain cité par le NYT, la Maison-Blanche se réfère en outre à la donation d’un Air Force One à la bibliothèque présidentielle de Ronald Reagan lorsque l’avion utilisé durant son mandat a été retiré de la circulation. Dans ce cas, l’engin avait néanmoins été cloué au sol dans le musée de la bibliothèque. Une analyse aurait ainsi été préparée par les avocats du bureau conseiller de la Maison-Blanche et du ministère de la Justice pour valider la légalité de l’acceptation du présent et de son transfert à la bibliothèque présidentielle de Donald Trump par la suite. Et la justice pourrait y adhérer, alors qu’en janvier 2021, la Cour suprême, dont 6 des 9 juges ont été nommés par l’actuel président, a refusé de se prononcer sur des décisions de cours inférieures dans des affaires accusant Donald Trump d’avoir violé la clause de la Constitution relative aux émoluments, arguant qu’il n’était plus en poste.
De son côté, un porte-parole qatari, Ali al-Ansari, a déclaré que la question était toujours à l’étude et « qu’aucune décision n’avait été prise », a rapporté le journal. « Le possible transfert d’un avion pour utilisation temporaire en tant qu’Air Force One est actuellement en discussion entre les ministères qatari et américain de la Défense », a-t-il précisé. Il a en outre réfuté les informations diffusées par la presse selon lesquelles le présent serait annoncé pendant la visite officielle de Donald Trump dans l’émirat gazier.
Renouvellement retardé des Air Force One
Lors de son premier mandat, le président américain avait signé un contrat de 3,9 milliards de dollars avec Boeing pour remplacer deux Air Force One 747-200B, entrés en service en 1990 sous le président George Bush père. Prévue en 2024, la livraison des deux 747-8 a été retardée en raison de problèmes internes à l’entreprise, tandis qu’un responsable de l’armée de l’air a déclaré la semaine dernière que Boeing proposait désormais de finir les engins d’ici à 2027, a rapporté le NYT. Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump s’est plaint du retard, mais aussi des coûts et du temps de maintenance de deux appareils vieillissants, suggérant en février qu’un nouvel avion présidentiel pourrait venir « d’un autre pays », sous-entendant que cela pourrait être le Qatar, selon le quotidien américain. Le même mois, le président américain avait visité un 747-8 appartenant à Doha, alors qu’il était stationné à l’aéroport international de Palm Beach en Floride, près de son complexe de Mar-a-Lago, officiellement pour mieux comprendre la configuration des nouveaux engins présidentiels.
Un avion Air Force One doit être équipé d’instruments de communication de haute technologie, d’installations médicales et d’un système de défense très performant, lui permettant notamment d’éviter des missiles et de survivre aux retombées d’une attaque nucléaire. L’avion offert par le Qatar devrait donc être modernisé. Selon le Wall Street Journal, l’entreprise américaine L3Harris, basée au Texas, a d’ores et déjà été chargée d’adapter l’avion de luxe qatari à ces besoins. Un responsable américain du ministère de la Défense a pour sa part assuré au NYT qu’un accord ne pouvait être passé avant que l’armée de l’air ne soit effectivement propriétaire de l’engin, après quoi les travaux pourraient commencer, estimant néanmoins que cela prendrait « des années, pas des mois ».
On ne fait de bonnes affaires qu'avec les riches ! Malheur aux démunis comme toujours, comme partout ! Rien n'y fait : Ni démocratie ni morale ni principes élémentaires !
09 h 52, le 13 mai 2025