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Hommage À Tamima

Ce que je n’ai pas eu le temps de te dire, Tamy, à chaque fois qu’on a ri ensemble de ce vieux souvenir. Cette petite embarcation qui nous menait un matin pêcher des oursins sur un rocher que tu avais repéré à quelques miles de là. La mer avait grossi, chemin faisant, et la houle nous malmenait. Sur le canot, quatre paniers de fer. Tu voulais régaler tout le village et il n’était pas question de chavirer. Debout, à l’avant, la main en visière, basculant dangereusement à chaque secousse des vagues, tu cherchais au large on ne sait quoi qui viendrait nous sauver. « Seule sur la proue invoquant les étoiles », tu avais un maillot jaune, des palmes jaunes et un masque de plongée non moins jaune. Il y avait avec nous un jeune homme, propriétaire du canot que tu avais réquisitionné, qui était ce jour-là ton moussaillon alors que tu t’étais bombardée capitaine. Il y avait aussi un petit garçon amoureux de la mer. Il y avait moi, tu comptais sur ma lenteur à la détente pour calmer l’équipage. Brusquement, alors que venait vers nous une vague scélérate, nous avons essuyé des coups de feu. Nous passions en contrebas d’un barrage de l’armée syrienne sur la route maritime. Ton sang zghortiote n’a fait qu’un tour. Nous t’avons vue plonger sans réfléchir, nager vers les rochers, ballottée par le roulis, arriver sur la terre ferme et hurler au troufion l’ordre de te tendre sa mitraillette pour t’aider à monter vers lui. Retenant notre souffle, nous l’avons vu obtempérer, se faire tout petit en essuyant la semonce de sa vie, appeler ses camarades à notre secours alors que tu lui criais : « Tu ne vois pas que je transporte des femmes et des enfants ? » Au temps pour nous, tous genres confondus dans la masse des priorités maritimes.

Ce que je n’ai pas eu le temps de te dire, Tamy, à chaque fois qu’on a ri ensemble de ce vieux souvenir, c’est que ce jour-là, tu m’as appris combien l’audace pouvait être jubilatoire, surtout quand on y jouait son va-tout. Le journalisme t’allait comme un gant, toi que j’imaginais à chaque interview, en ces années de guerre, demander à ton interlocuteur de te tendre sa mitraillette pour monter jusqu’à lui. Tu en as mené, des combats. Ton plus long, contre la maladie, fut déloyal. Tu ne l’as pas perdu. Tu as abandonné l’adversaire à lui-même et tu as passé ton chemin. La tête haute, toujours.

Fifi ABOU DIB

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La petite-fille de feu le président Sleiman Frangié, la journaliste Tamima Rodrigue el-Dahdah, s’est endormie dans la paix du Seigneur après un long combat contre la maladie. Tamima était connue pour son amour de Zghorta et d’Ehden. Avec sa mère, Lamia Frangié, elle avait choisi de vivre auprès des siens, partageant leur quotidien et s’engageant durant de longues années dans la vie publique. Aujourd’hui, Tamima nous quitte dans l’espérance de la résurrection.

Tony FRANGIÉ Journaliste

Ce que je n’ai pas eu le temps de te dire, Tamy, à chaque fois qu’on a ri ensemble de ce vieux souvenir. Cette petite embarcation qui nous menait un matin pêcher des oursins sur un rocher que tu avais repéré à quelques miles de là. La mer avait grossi, chemin faisant, et la houle nous malmenait. Sur le canot, quatre paniers de fer. Tu voulais régaler tout le village et il n’était pas question de chavirer. Debout, à l’avant, la main en visière, basculant dangereusement à chaque secousse des vagues, tu cherchais au large on ne sait quoi qui viendrait nous sauver. « Seule sur la proue invoquant les étoiles », tu avais un maillot jaune, des palmes jaunes et un masque de plongée non moins jaune. Il y avait avec nous un jeune homme, propriétaire du canot que tu avais réquisitionné, qui était ce jour-là ton...