La Jordanie a décidé cette semaine d'interdire les activités des Frères musulmans, mettant un terme à une relation longtemps ambivalente entre les autorités et cet influent mouvement islamiste.
La Jordanie a imputé à la confrérie des "activités de nature à déstabiliser le pays", notamment la fabrication et le stockage de roquettes et explosifs.
Qui sont les Frères musulmans et quelles implications pourrait avoir cette interdiction?
- Qui sont les Frères musulmans de Jordanie ? -
Fondée en 1945, la branche jordanienne des Frères musulmans est la plus ancienne et la plus influente organisation islamique du pays.
"Les Frères ont réussi, grâce à leurs activités religieuses et politiques, à s'insérer progressivement dans la société. Ils ont institutionnalisé leur action sociale et économique à travers la création d'hôpitaux, d'écoles privées et de centres de mémorisation du Coran, ce qui leur a permis d'élargir considérablement leur base sociale", explique le politologue jordanien Adel Mahmoud.
"Ce succès s'est naturellement répercuté sur leur activité politique", souligne-t-il.
Les Frères musulmans avaient jusqu'à présent poursuivi leurs activités en Jordanie, tolérées par les autorités malgré la décision de la plus haute juridiction du pays, en 2020, de dissoudre le groupe.
Le parti affilié à la confrérie, le Front d'action islamique, est le principal parti d'opposition du pays.
Il est devenu le premier parti au Parlement, où il a remporté 31 des 138 sièges aux élections de septembre dernier après avoir fait campagne contre l'offensive israélienne dans la bande de Gaza.
Les Frères musulmans ont souvent répété qu'ils n'étaient pas opposés à l'Etat jordanien ou au roi Abdallah II, mais plutôt à la politique menée par le gouvernement.
Toutefois, la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza a entraîné de nouveaux défis en matière de sécurité pour la Jordanie, dont environ la moitié de la population est d'origine palestinienne.
Depuis le début de la guerre en octobre 2023, les Frères musulmans organisent chaque semaine des manifestations en soutien aux Palestiniens.
Selon Adel Mahmoud, la branche jordanienne a commencé à renouer avec ses racines les plus radicales, créant un schisme avec l'Etat, qui a conclu la paix avec Israël et est un allié-clé des Etats-Unis.
"Leur interdiction est un signe précurseur de la fin des derniers bastions des Frères musulmans dans la région", estime-t-il.
- Pourquoi ont-ils été interdits ? -
La Jordanie a annoncé mercredi l'interdiction des activités des Frères musulmans, dont les bureaux ont été fermés et les avoirs saisis.
Les autorités avaient annoncé à la mi-avril l'arrestation de 16 personnes, dont des membres des Frères musulmans, soupçonnées de plans "visant à nuire à la sécurité nationale, à semer le chaos et à commettre des actes de sabotage en Jordanie".
Pour le journaliste jordanien Hussein Rawachdé, les Frères musulmans cherchaient à "ouvrir un front militaire en Jordanie sous couvert de soutien à la résistance" des Palestiniens face à Israël.
Selon lui, l'Etat est désormais convaincu que "la confrérie est devenue un instrument aux mains de forces extérieures cherchant à créer une branche militaire affiliée au Hamas sur le sol jordanien".
Ces affirmations n'ont cependant pas été confirmées de source officielle.
- Quel avenir pour le Front d'action islamique? -
L'interdiction des Frères musulmans en Jordanie, après d'autres pays comme l'Egypte et l'Arabie saoudite notamment, inflige un nouveau coup à ce groupe qui fut l'un des mouvements politiques les plus puissants du Moyen-Orient.
Selon Adel Mahmoud, il est "encore trop tôt pour se prononcer sur l'avenir du Front d'action islamique, car l'affaire des détenus est toujours devant la Cour de sûreté de l'Etat et aucun jugement n'a encore été rendu".
"Si le tribunal venait à condamner les 16 accusés, dont trois membres du Front d'action islamique, pour participation à une cellule armée, une décision d'interdire le parti pourrait alors être envisagée", ajoute le politologue.
"Ses députés seraient dans ce cas remplacés par des candidats arrivés en deuxième position lors des dernières élections législatives", souligne-t-il.
kt/feb/sg
© Agence France-Presse
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