
D.R.
Un livre-document, un voyage dans le temps, un témoignage, un reportage professionnel, une réflexion sur une civilisation engloutie, la richesse d’un monde antique, la résurrection d’une cité balayée par la fureur du feu, les répercussions sur une modernité avide et curieuse de son passé.
Quoi et qui mieux que la ville de Pompéi, ensevelie sous les strates et sédiments des cendres, à plus de 400 degrés, en l’an 79 après Jésus-Christ, pour révéler des vérités insoupçonnées et jeter une lumière surprenante et singulière sur sa réalité et notre actualité ? Un cercle de correspondances inédit… Pour le dire, un livre, intitulé Pompéi : la magie des ruines. Un voyage dans les rues de la cité antique et signé Gabriel Zuchtriegel (directeur du parc archéologique de Pompéi), fourmillant de détails insolites et agrémenté d’une superbe série de photos, sous le titre Pompéi : la magie des ruines. Un voyage dans les rues de la cité antique.
Son opus, dans son étourdissante et érudite plongée dans un lieu unique, visité par des millions de gens de tous bords et horizons, cartonne déjà dans six pays. Il est ici traduit de l’allemand en français par Tina Calogirou et préfacé par Dominique Garcia, professeur d’archéologie et président de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives).
Toute cette aventure fracassante de civilisation humaine brusquement anéantie en Campanie commence à l’aube du christianisme, quand encore le paganisme est omniprésent. Par la colère et le réveil du Vésuve, une éruption volcanique recouvre entièrement une ville surprise dans son quotidien et son sommeil. Et dire qu’on n’a pas pris au sérieux ses alertes et ses menaces par des crachats de fumée noire depuis de longues années… Sans crier gare les cendres et la poussière ont emprisonné dépouilles, chambres d’esclaves, objets, bâtisses, thermes, pierres, vêtements, rues piétonnes, temples.
Une poussière gluante et asphyxiante qui fige et emmaillote tout comme dans un incroyable conte cruel. À tel point que quand on redécouvre, des centaines d’années plus tard, l’ampleur du drame et de la tragédie, tout est inexplicablement intact. En ce sens que ce qui a été pétrifié n’a qu’à être moulé pour en faire surgir d’éloquentes statues… L’un des cadeaux-surprises de Pompéi qui a laissé pantois les sculpteurs les plus avisés !
Ce n’est que vers le XVIIIe siècle que les fouilles commencent et exhument un monde extraordinaire. Extraordinaire dans sa conservation, sa culture, ses rites dans les temples d’Apollon, de Vénus, d’Isis, ses rituels, ses richesses (on ne dira jamais la fertilité de ses vignobles !), son art multiple et raffiné. Ses villas luxueuses à l’architecture sophistiquée, ses habitations modestes, ses fresques et peintures murales, empreintes d’une sensualité et d’un érotisme violents et torride, ses points pour une restauration rapide (les thermopoliums !) étaient en avance des modes et du temps. Notoires sont ses expressions artistiques (musique, poésie, théâtre) qui n’ont rien à envier à celles d’aujourd’hui. Sans oublier de mentionner ses élégances vestimentaires à faire pâlir les défilés des mannequins les plus huppés et « in »… Des demeures des esclaves affranchis à une aristocratie nantie défilent les architectures d’une extrême beauté, telles celles de la Villa des Mystères, des Vettii, de Civita Giuliana, sans parler de l’aire théâtrale circulaire qui a inspiré bien de metteurs en scène contemporains !
Gabriel Zuchtriegel emmène le lecteur, à travers ses promenades, ses pérégrinations et ses inspections, non seulement dans un fabuleux tour touristique de redécouvertes de l’Histoire et de ses plus infimes détails, mais aussi dans les dessous d’une carrière d’archéologue à laquelle il rend un vibrant hommage. Sans omettre d’évoquer les féroces rivalités entre collègues tout en faisant allusion à une misogynie qui laisse peu de place à la gent féminine !
Dans ce livre qui ne se contente pas de parler du passé, il y a le cheminement d’un essai sur les sciences, les us, les coutumes, les croyances, la manière de vivre, l’appel aux mythologies de l’Antiquité. Éloge d’un univers différent qui ne donne pas facilement ses clefs et ses réponses à toutes les questions qui s’imposent. Car ici, comme dans le sillage d’une baguette magique, sont révélées la fugacité et la fragilité des hommes où passé et présent sont indissociables. On retrouve, certes avec un nouvel éclairage, mais fondamentalement, les rituels anciens, les cultes mystérieux, les transgressions, l’érotisme sulfureux, les esclaves, les pauvres, les craintes et les désirs pour les corps, les obsessions, les espoirs…
Voilà un livre à l’écriture claire et efficace pour l’approche d’une ville-phénomène, dans sa dimension historique et actuelle. En dépoussiérant toutes les données, l’auteur ne se contente pas d’exposer « les vieilles pierres » aux regards du public, mais s’avère un vrai passeur qui fait parler les anciens avec ses contemporains.
Pompéi : la magie des ruines. Un voyage dans les rues de la cité antique de Gabriel Zuchtriegel, Éditions Alisio Histoire, 2024, 204 p.